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Remettre Frontex au travail : une nécessité pour les citoyens européens

Par Jean-François Rapin, Sénateur, Président de la Commission des Affaires européennes, et François-Noël Buffet, Sénateur, Président de la Commission des lois

À l’heure où la guerre sévit en Ukraine avec laquelle elle partage près de 1300 km de frontières et qu’explosent les franchissements irréguliers, l’Union européenne doit plus que jamais surveiller ses frontières extérieures. Cette surveillance à l’extérieur est le corollaire de la liberté de circulation à l’intérieur : elle conditionne la viabilité de l’espace Schengen, dans lequel nous pouvons librement étudier, travailler, ou tout simplement voyager.

En première ligne dans cette tâche de surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne, les Etats membres peuvent bénéficier de l’appui opérationnel de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, qui met à leur disposition officiers et matériels, expression de la solidarité européenne.

Or depuis de longs mois, Frontex est paralysée par une double crise. Crise de croissance d’abord : dotée de moyens importants en 2019, elle n’a pas eu le temps de procéder aux recrutements nécessaires pour remplir toutes ses missions. Crise de confiance ensuite : elle a été accusée d’irrégularités dans sa gestion et de complicité de refoulements de migrants, conduisant à la démission de son directeur exécutif, Fabrice Leggeri, en avril 2022. Les accusations portées sont graves et doivent être traitées avec toute la transparence et les diligences requises. Pour autant, cela ne doit pas conduire à une remise en cause sans nuances du mandat d’une agence essentielle pour l’Union.

C’est pourquoi le Sénat doit apporter un soutien clair à Frontex tout en l’invitant à se remettre au travail : la proposition de résolution que nous avons déposée en ce sens, adoptée par la commission des affaires européennes du Sénat le 14 décembre dernier, sera discutée en séance plénière le 8 février prochain.

Il est temps d’en finir avec les polémiques stériles. La nomination d’un nouveau directeur exécutif, Hans Leijtens, le 20 décembre dernier, est un premier pas. Mais il faut aussi rappeler deux évidences :

• Frontex est une agence de surveillance des frontières qui travaille dans le respect des droits fondamentaux. Elle n’est en revanche ni une agence des droits fondamentaux ni une agence de l’asile : de telles agences européennes existent déjà ;

• Frontex intervient en appui aux Etats membres, à leur demande et dans le cadre d’une coopération loyale. Les Etats ne peuvent donc pas se décharger sur elle de leur responsabilité. Et si elle-même constate que l’action de l’Etat partenaire n’est pas conforme aux règles de droit, elle est en mesure de cesser rapidement son soutien.

C’est sur cette base que nous préconisons un renforcement du pilotage politique de Frontex, avec une implication plus grande des ministres de l’intérieur, une professionnalisation de son conseil d’administration, et un contrôle conjoint des parlements nationaux et du Parlement européen, comme c’est le cas pour l’agence policière Europol.

Nous saluons aussi les mesures prises par l’agence pour mieux respecter les droits fondamentaux, comme le mécanisme de traitement des plaintes, dont nous proposons d’améliorer la transparence et d’assurer le bon fonctionnement administratif.

Nous invitons Frontex à pérenniser ses missions opérationnelles et ses partenariats, en mer Méditerranée, en mer Egée ou dans la Manche ; nous appelons aussi au renforcement des accords permettant son déploiement dans les pays tiers, en particulier les Balkans occidentaux, devenus première voie de passage de l’immigration irrégulière vers l’Union européenne. Car la surveillance de nos frontières se joue sur place.

Nous saluons le rôle important de Frontex dans la politique de retour des migrants n’ayant pas le droit de rester dans l’Union mais nous lui demandons plus de détermination contre les réseaux de criminalité qui exploitent l’immigration irrégulière.

Nous appelons enfin au respect des engagements budgétaires pour que se concrétise d’ici 2027 la création d’un contingent permanent de 10. 000 agents.

Ainsi, Frontex répondra à l’attente de nos concitoyens. Il en va de l’avenir de l’espace Schengen, et plus largement de la sécurité et de la crédibilité de l’Union européenne. 

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