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Industrie : l’offensive verte de Bruno Le Maire

Le ministre de l’Economie veut faire de la France « la première nation décarbonnée en Europe ». Un projet de loi sur l’industrie verte sera présenté au Parlement en juin ou juillet.

Bruno Le Maire est un homme pressé. Lors de ses vœux aux acteurs économiques le 4 janvier dernier, le ministre de l’Economie a dévoilé son intention de présenter au plus vite un texte de loi visant à « une réindustrialisation verte rapide, massive et planifiée » du pays. C’est même devenu pour le ministre « une priorité absolue ». « Le travail de fond doit être fait d’ici à la fin mars, pour une présentation du texte en avril, et un dépôt au Parlement en juin ou juillet » a précisé dans la foulée Bercy. Le texte tel que résumé par Bruno Le Maire sur les ondes de France Inter « comportera des dispositions fiscales, réglementaires, législatives » pour « accélérer la [création] de sites industriels sur le territoire français, pour inciter à la décarbonation de l’industrie, pour mieux former, qualifier ». Plusieurs pistes de réflexion et de travail sont ainsi pointées dans ce projet de loi qui intervient après celui visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, premier grand texte « vert » du quinquennat adopté sur le fil le 10 janvier dernier. Il s’agit d’abord de « renforcer l’attractivité de la France, via la réglementation, la fiscalité, la mobilisation du financement privé (épargne) ». Le ministre veut ensuite « raccourcir les délais [et] simplifier les procédures » pour accélérer les processus d’autorisation d’installation de nouveaux sites industriels et de réhabilitation de friches industrielles. Autre chantier, celui visant à « promouvoir le produire français et la production européenne » avec la création d’un label « industrie verte ». Le texte porté par le ministre entend également inciter les Français à réorienter et verdir leur épargne (2500 milliards d’euros) vers l’industrie avec la création d’un « livret industrie verte ». Enfin ce verdissement ne pourra se faire sans que l’on prépare « les compétences de l’industrie verte » de demain avec une objectif affiché d’attirer davantage de femmes. En bref, pour le ministre, il s’agit « de mieux former, mieux qualifier ».

A l’Assemblée, le projet de loi « industrie verte » empruntera à la loi Pacte de 2019 la même méthode de concertation - écoute, dialogue, concertation assure-t-on à Bercy et au Palais Bourbon. Une consultation en ligne est également prévue. Le texte a été placé sous la tutelle du président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian (RE, Eure-et-Loir). Il sera aidé dans sa mission de préparation par plusieurs députés (Mathieu Lefèvre, Marie-Agnès Poussier-Winsback, Bruno Millienne, Astrid Panosyan et Damien Adam), eux-mêmes épaulés par un élu local et un chef d’entreprise reconnu dans leurs domaines de compétences (les noms de Thierry Déau, le directeur général du fonds Meridiam ou de l’entrepreneur Moussa Kamara ont été avancés) et des représentants associatifs.

Avec ce texte, la volonté de Bercy est aussi et surtout de tenter de répliquer à l’« Inflation Reduction Acte » (IRA), une loi américaine portée par Joe Biden et votée l’an dernier qui vise à subventionner très largement les industries sur la voie de la décarbonation en les incitant à se relocaliser aux Etats-Unis (panneaux électriques, voitures électriques...). Emmanuel Macron avait alors déclaré que cette loi était un acte « pas amical » Il avait aussi promis d’évoquer le sujet avec le président américain lors de sa visite d’Etat. Cela n’a visiblement pas suffit. « Pour peser dans la concurrence internationale, nous devons être les précurseurs et les champions de l’industrie décarbonée ; les Etats Unis ne s’y sont pas trompés avec l’IRA » insiste d’ailleurs Bercy dans un document. Et Bruno Le Maire a justement déclaré vouloir « des aides d’Etat plus importantes, simplifiées, plus rapides, pour ceux qui veulent localiser leur industrie verte au niveau européen ». A la fin de l’année dernière, une « contribution franco-allemande » sur le sujet a notamment été présentée à la Commission européenne en espérant une réaction commune face à cette offensive américaine. 


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