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Inquiétude autour d’une pénurie de médicaments

Les ruptures d’approvisionnement des pharmacies se multiplient. L’inquiétude grandit.

Il n’y a pas une semaine sans que des pharmacies ne se fassent l’écho de ruptures de médicaments dans leurs officines. Tout récemment, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’est aussi alarmée de la pénurie d’une classe de traitements du diabète de type 2 (lié à l’obésité) allant jusqu’à parler de « fortes tensions ». Pour les spécialistes, cette classe est représentée en France pour deux médicaments sous brevet : l’Ozempic du spécialiste danois du diabète Novo Nordisk et le Trulicity de l’Américian Ili Lily. Ces médicaments que l’on trouve uniquement sous forme injectable sont donc en rupture. D’autres médicaments sont aussi en tension comme des traitements anti-cancéreux, des antibiotiques et même l’advil.

« Une rupture d’approvisionnement d’un médicament est définie comme une incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur d’un établissement (de santé ou médico-social) à dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures » rappelle le ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées sur son site. Or, ce taux de tension « a quasiment doublé depuis janvier pour passer de 6,5 % du nombre de références de médicaments à 12,5 % mi-août » explique le GIE Gers qui fournit des données statistiques sur l’approvisionnement des pharmacies et hôpitaux de France en médicaments.

En 2021, l’ANSM a eu connaissance de risques de ruptures ou de ruptures sur 2 160 médicaments. En 2018, on ne rapportait que 871 signalements, 1.504 en 2019 et 2.446 en 2020.

Si d’habitude il n’y a pas de quoi s’affoler au regard des alternatives qui peuvent exister pour un médicament (différents conditionnements, génériques, etc.), la question est plus inquiétante lorsqu’il existe peu ou pas d’alternatives de substitution, que le générique n’existe pas encore ou qu’il y a peu de variétés de conditionnement. Ce qui est malheureusement le cas pour un certain nombre de médicaments d’importance thérapeutique majeure (anticancéreux, antidiabétique notamment). Il peut y avoir aussi du souci à se faire lorsque la tension concerne un générique qui se substitue à plus de 80 % au médicament d’origine et qui ne « peut pas prendre le relai sur d’importantes quantités ». « Une même molécule peut avoir des dizaines de références différentes et actuellement les ruptures d’approvisionnement n’affectent aucun médicament pour plus de la moitié de ses références » cherche pourtant à rassurer le GIE Gers.

Plusieurs causes sont avancées pour expliquer ces ruptures. Certains médicaments sont soumis à une forte demande mondiale comme les antidiabétiques pour lesquels l’ANSM parle d’une « augmentation importante de la demande ». La hausse de la malbouffe (diabète de type 2) dans certains pays développés peut expliquer que cela finisse par devenir une question structurelle.

La hausse des prix de l’énergie mais aussi celle du coût des matières premières et de l’aluminium, du carton, du verre, des matières utiles au conditionnement des médicaments., liées notamment à la guerre en Ukraine, sont largement avancées pour expliquer ces pénuries. « Nous enregistrons une hausse moyenne de 25 % des coûts de production » constate Pascal Le Guyader, le directeur général adjoint du Leem (organisation professionnelle des entreprises du médicament). Des hausses fortement pénalisantes pour toute l’industrie pharmaceutique qui poussent même certains sites à fermer pour ne pas produire à perte. Une solution au problème pourrait être la relocalisation des industries pharmaceutiques en Europe. Justement en 2023, la production du paracétamol devrait être relocalisée en France, en Isère.

Par ailleurs, « pour faire des économies, le ministère compte mettre en place des appels d’offres sur certains médicaments, le laboratoire le moins cher les remportera et il sera le seul à être remboursé, ce qui aggraverait la pénurie » déplore Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF)qui réclame la suppression de cet article dans le projet de loi. 

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