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La labellisation et l’identification de “Points d’accueil pour soins immédiats” : une solution concrète pour mieux orienter nos concitoyens face à la crise des urgences

Par Cyrille Isaac-Sibille, Député du Rhône (MoDem)

En 2019, face au malaise et dysfonctionnement des services d’urgence, souhaitant apporter une première réponse à une crise plus profonde et systémique de l’hôpital et du système de santé dans son ensemble, j’ai déposé une proposition de loi visant à labelliser et à identifier des « Points d’accueil pour soins immédiats » bénéficiant d’un plateau technique simple. Celle-ci a été adoptée en première et deuxième lecture par l’Assemblée nationale mais n’a pas fini sa « navette parlementaire » car doit être adoptée par le Sénat en seconde lecture.

Ces unités de soins auraient pour rôle de prendre en charge la demande de soins non programmés n’engageant pas le pronostic vital des patients, dont on sait qu’ils participent fortement à l’engorgement des urgences.

Trois ans plus tard, force est de constater que la situation ne s’est guère améliorée. Les difficultés auxquelles sont confrontés ces services mettent en danger la permanence et la continuité des soins d’urgence. Cet été, un seuil critique a été atteint puisque plusieurs dizaines de services d’urgence ont été contraints de fermer temporairement, que ce soit partiellement ou totalement.

Cette crise peut s’expliquer de plusieurs manières.

En premier lieu, nos urgences sont mal-sollicitées. Si la hausse du nombre de passages aux urgences peut s’expliquer par le vieillissement et l’augmentation de complications de maladies chroniques, le profil des patients sollicitant les urgences s’est aussi transformé. Désormais en quête d’immédiateté, ils n’hésitent plus à se reporter sur les urgences hospitalières lorsqu’ils ne peuvent être pris en charge par la médecine de ville. Ils veulent obtenir une réponse rapide, une prise en charge à n’importe quelle heure, complète, réponse qui peut demander des examens complémentaires simples en un même lieu. Leurs inquiétudes sont légitimes mais cela traduit surtout une mauvaise orientation de ces patients, mais également un défaut de réponse de notre système de santé aux besoins de prise en charge de soins immédiats n’engageant pas le pronostic vital.

Que propose notre système de santé pour répondre à cette demande, en dehors des services d’urgence ?

Selon la Cour des comptes, 60 % des passages aux urgences sont des patients dont l’état est stable et qui pourraient être pris en charge en dehors de l’hôpital, par la médecine de ville, « à condition d’avoir accès à des places de consultation et d’examens complémentaires non programmés ou à des structures pratiquant la petite traumatologie ».

Cependant, la médecine de ville, dans son organisation actuelle et avec les évolutions des modes d’exercices libéraux, n’est pas en mesure d’assurer cette prise en charge puisqu’elle ne dispose pas, en un même lieu, de plateaux techniques minimums (radiologie, biologie, matériels de sutures, plâtres, stérilisation, …) nécessaires à la prise en charge de ces soins non programmés.

Tout cela a des conséquences graves sur notre système de santé. Malgré leur dévouement et leur exemplarité, les professionnels de santé sont au bord de l’épuisement, et les établissements de santé rencontrent de plus en plus de difficultés. Par ailleurs, le coût engendré et l’impact sur la soutenabilité de nos dépenses publiques est important. De par leur fonction et leur spécificité, les urgences coûtent chères : elles sont ouvertes 24h/24h, un médecin urgentiste titulaire est constamment présent, et le coût d’une consultation avoisine les 115 euros en tarif jour, contre 25 euros pour les consultations de médecine de ville.

Quels sont les enjeux des Points d’Accueil pour Soins Immédiats (PASI) ?

Le texte de loi « Points d’Accueil pour Soins Immédiats », dits « PASI », est une solution concrète pour répondre à la crise des urgences. S’inscrivant dans la gradation des soins, cette proposition permet de répondre à la carence de l’offre de soins en matière de prise en charge des soins immédiats n’engageant pas le pronostic vital, ce qui permettra de soulager les urgences d’un flux important de patients tout en maillant plus finement le territoire. Il est également générateur d’économies pour notre système de santé.

Cette proposition de loi vise à adapter notre système de santé à la demande répétée des patients en identifiant des « Points d’accueil pour soins immédiats » disposant d’un plateau technique minimum, comprenant un service de radiologie, de biologie, et du matériel pour réaliser des sutures et immobilisations. Sous réserve d’un cahier des charges défini, ces unités de soins sont labellisées par les Agences Régionales de Santé. Elles pourraient faire partie du projet de CPTS et leur financement relèverait du fonds d’intervention régional.

Les patients pourraient s’orienter ou être orientés vers les services d’urgence ou les Points d’Accueil pour Soins Immédiats. Ces derniers bénéficieront d’une signalétique orange, sous la forme d’une croix, pour compléter l’identification actuelle des structures présentes sur le territoire, à savoir les pharmacies à la croix verte et les urgences à la croix rouge.

Les « PASI » pratiqueront les actes médicaux de premier recours. Disposant d’un médecin qui soit a minima un médecin généraliste, ils seront autorisés à prendre en charge les soins non programmés n’engageant pas le pronostic vital du patient mais nécessitant un plateau technique simple, à pratiquer des actes médicaux relevant de la médecine générale, à demander un avis spécialisé au sein de la structure ou par télédiagnostic. Dans le cas où la pathologie dépasserait la compétence du médecin, il pourra le réorienter vers les services spécialisés compétents ou un service d’urgence. Les PASI assurent donc, en cas de nécessité, l’orientation des patients vers des structures disposant des soins de second recours.

Nous pouvons d’ores et déjà attendre des résultats positifs de ce dispositif qui a fait l’objet d’une expérimentation réalisée en région Auvergne Rhône-Alpes, et ayant donné plusieurs résultats satisfaisants. Dans la clinique du Val d’Ouest, des médecins généralistes reçoivent sans rendez-vous, sur une plage horaire déterminée, des patients dont l’état nécessite des soins immédiats sans urgence vitale. Y sont pratiqués des actes de premier recours grâce à un plateau technique léger, et les patients peuvent avoir accès rapidement à des examens complémentaires, biologiques, de la radiologie. L’établissement n’étant pas agréé service d’urgence, le médecin se réserve la possibilité de réorienter le patient vers une autre structure hospitalière où le plateau médico-chirurgical sera adapté à son état de santé.

Dans le contexte actuel, et suite à la mission flash du ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun, ce label et ces unités de soins démontrent tout leur intérêt pour venir en appui des services d’urgence. D’ailleurs, les initiatives locales fleurissent, témoignant la volonté des professionnels de santé d’apporter des solutions concrètes, faciles à mettre en œuvre pour soulager les services d’urgence confrontés à un engorgement.

Cependant ces structures ne sont ni labellisées, ni identifiées ! 

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