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Energie : Les producteurs de fruits et légumes inquiets

Alerte dans nos assiettes : le prix des fruits et légumes augmentent en raison de la hausse du coût de l’énergie. La filière fruits et légumes est inquiète, un tiers des entreprises, des producteurs aux grossistes pourrait mettre la clé sous la porte.

Secteur essentiel à l’alimentation des Français, la filière Fruits et légumes fait face depuis plusieurs mois à des difficultés sans précédent et qui s’enchaînent : sécheresse, inflation, baisse du pouvoir d’achat. Mais ce qui préoccupent les professionnels de la filière en ce moment ce sont les hausses des coûts de l’énergie liés à la guerre en Ukraine. « Cela à une incidence directe – parfois méconnue – sur la plupart des professions de la filière fruits et légumes, mettant en péril des entreprises essentielles à l’alimentation de la toute la population » explique Laurent Grandin, le président de l’interprofession (Interfel). Aucune branche n’est à l’abri : producteurs, mûrisseurs, serristes, grossistes et expéditeurs sont au pied du mur énergétique.

« Certains fruits et légumes sont en effet conservés en chambre froide (à court terme ou moyen terme) afin de pouvoir - par exemple - disposer de pommes ou de carottes en fin d’hiver ou au printemps en attendant la récolte estivale, mais aussi pour des raisons sanitaires (non-rupture de la chaîne du froid sur l’ensemble du circuit de commercialisation et de distribution). A l’inverse, un minimum de chauffage est nécessaire pour certaines cultures comme les endives, les champignons, les productions sous serres, pour permettre leur développement ou pour d’autres, leur mûrissage » rappelle le président d’Interfel.

Il en est ainsi des producteurs de légumes cultivés sous serre comme les tomates (80 %), les concombres (95 %) ou les fraises (60 %) pour ne citer que ces variétés. Avec des serres chauffées à près de 77 % par le gaz, pour ces cultivateurs, « l’énergie est le premier poste de dépenses ». Cette hausse des coûts de l’énergie est directement visible à la réception des factures comme l’exemple cité en conférence de presse d’un producteur qui raconte qu’il dépense aujourd’hui 40 000 euros par an d’énergie avec un prix à 49 e le mégawattheure (MWh). « Mon contrat arrive à échéance fin octobre, et on me propose pour 2023 un prix de 1500 e le MWh. 30 fois plus ! Ma facture annuelle bondirait à 1,1 million d’euros » poursuit cet agriculteur dépité qui préfère arrêter son activité.

Ailleurs, la situation est identique. Les producteurs d’endives (450 dont 95 % sont situés dans les Hauts-de-France) s’alarment eux-aussi de la situation. Il faut savoir qu’une fois récoltés les bulbes sont stockés un temps en chambre froide avant d’être replantés dans des salles à la température et à l’hydrométrie contrôlées. Un producteur d’endives présent raconte la voix tremblante que « la part de l’énergie dans son coût de production est passée de 3 % en 2021 à 30 % en 2023. Autant tout arrêter ».

La banane qui est le 2ème fruit le plus consommé en France et dont le prix est aussi le plus accessible pour les familles les plus modestes est également menacée. Très énergivore, ce fruit demande une attention particulière en mûrisserie - elle ne mûrit pas pendant le voyage – mais doit être ventilée longtemps pour permettre à sa pulpe d’amidon de se transformer en sucre. C’est aussi le cas pour les kiwis et les mangues. « Des coupures d’électricité, même de deux heures seraient dramatiques » avertit Philippe Pons, représentant de la filière, au-delà de quatre heures, cela entraînerait la perte totale des volumes.

Face aux risques de disparition d’un quart à un tiers des entreprises – suivant les filières concernées – Interfel assure par la voix de son président que les entreprises « sont prêtes à assurer le doublement de la facture mais au-delà nous demandons à l’Etat de nous aider à hauteur de 70 % ». L’interprofession demande surtout la mise en place d’un bouclier énergétique adapté. Et contrairement aux propositions du ministre de l’Economie et des finances d’augmenter les prix, Laurent Grandin rappelle que « dans ce contexte de contrainte du pouvoir d’achat, les consommateurs n’accepteront pas les hausses de prix de nos produits ». Et quand d’autres pensent que suivre la saisonnalité des fruits et légumes suffirait à faire baisser la facture énergétique, le président d’Interfel est plus réservé, d’abord parce que cela mettrait en difficulté nombre d’exploitants et ensuite parce que « pas certain que tous les consommateurs suivent le mouvement. Les Français sont-ils vraiment prêts à ne manger des tomates que pendant un quart de l’année ? j’en doute » conclut-il. 


En France, la filière des fruits et légumes représente 75 000 entreprises et 450 000 emplois directs.

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