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La sobriété énergétique peut être gourmande et vitaminée !

Par Marie-Eve Laporte, Maîtresse de Conférences, IAE Paris – Sorbonne, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne

La sobriété énergétique est l’opportunité d’améliorer la santé publique, en promouvant les comportements alimentaires que les politiques publiques peinent à installer.

Ces cinquante dernières années, la détérioration des comportements alimentaires a eu des conséquences alarmantes sur la santé des populations. D’après l’OMS et la FAO, les maladies nutritionnelles (affections cardio-vasculaires, obésité, diabète, certains cancers…) sont la première cause de mortalité. Les raisons sont connues. En particulier, l’urbanisation et le travail généralisé du couple a conduit les foyers à acheter massivement des aliments prêts à consommer. En réponse, l’industrialisation de la production agro-alimentaire, de la distribution et de la restauration hors domicile a accompagné ces évolutions sociales en développant une offre pratique, rapide, abondante et globalement sûre sur le plan sanitaire. Mais en retour, la qualité nutritionnelle s’est détériorée. Aujourd’hui, l’essentiel de l’alimentation des Français est transformé, et même ultra-transformé pour un tiers d’après l’enquête INCA3. Or ces aliments comportent plus de calories, sucre ajouté, sel, graisses saturées et additifs, et le lien entre leur consommation excessive et les maladies nutritionnelles est établi. Ils sont aussi beaucoup plus nocifs pour l’environnement. Enfin, ils entraînent une perte de repères : les consommateurs ne savent plus vraiment ce qu’ils mangent, d’où cela vient, quand et comment cela est produit. Il peut ainsi leur sembler normal de manger des tomates ou des fraises toute l’année.

Mais depuis quelques années, des tendances fortes se dessinent, de renforcement du lien à la nature, revalorisation du « fait maison » et quête de proximité. Les confinements de la crise Covid et le télétravail les ont accélérées. De plus en plus de personnes jardinent dans des potagers individuels ou partagés, consomment local, luttent contre le gaspillage alimentaire, cuisinent, achètent moins mais mieux. On pense au flexitarisme, réduction volontaire de la quantité de viande consommée, souvent accompagnée d’une montée en qualité.

La crise énergétique pourrait installer ces tendances bénéfiques pour l’environnement et la santé car consommer local et de saison devient financièrement plus attractif. Le transport, la culture sous serre, le recours aux engrais et pesticides, la quantité d’emballages, donc l’impact environnemental sont ainsi diminués. De surcroît, les produits sont plus riches en nutriments et en goût – avec par exemple des fruits et légumes cueillis à maturité. Il faudrait alors présenter la sobriété dans l’assiette non comme une punition ou un mal nécessaire, mais comme une solution heureuse pour la santé et le palais. De même, réduire la température intérieure à 19° et se déplacer à vélo ou à pied sont des opportunités d’améliorer la santé en contrant les effets « obésogènes » de notre environnement. La clef est d’en convaincre les citoyens pour rendre la sobriété énergétique désirable. 

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