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Les élus ne veulent pas entendre parler de la retraite

Remis au ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner, le rapport de France Stratégie dirigé par l’économiste Jean Pisani-Ferry qui propose de plafonner à 70 ans l’âge d’un candidat à une élection a jeté un froid dans la classe politique qui se montre majoritairement opposée à cette idée.

 

Une belle unanimité (ou presque). Les élus de tous bords ont fait cause commune contre l’idée (saugrenue ?) de limiter à 70 ans maximum la possibilité d’être candidat à un mandat d’élu local ou de parlementaire, émise dans le rapport du laboratoire d’idées France Stratégie de Jean Pisani Ferry intitulé « Reconnaître, valoriser, encourager l’engagement des jeunes ». Un rapport qui compte tout de même 25 chapitres. Mais un seul a retenu l’attention des élus, celui consacré au « rajeunissement des institutions démocratiques ». « La jeunesse souffre d’un déficit de représentation au sein même des instances dites représentatives. L’âge moyen d’un député élu en juin 2012 est de 64 ans et sept mois, celui d’un sénateur de 61 ans et neuf mois » constatent sans grand surprise les rapporteurs qui sont pleins de bonne volonté et de grande naïveté. Ils en appellent alors à prendre des mesures fortes en faveur du rajeunissement des responsables politiques comme par exemple « interdire de candidater pour un mandat électif après 70 ans, en s’inspirant de l’âge de mise à la retraite d’office ». Mais que n‘ont-ils pas dit là ! « J’ai vu des députés de 80 ans qui sont beaucoup moins fatigués que des jeunes de 40 ans » clame le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Bruno Le Roux. A 79 ans, le doyen des députés, François Scellier ironise à son tour : puisque « l’euthanasie n’est pas légale en France, il n’y a pas lieu de faire de l’euthanasie dans la vie politique ». Plus sérieusement, il ajoute que « le choix final revient à l’électeur ». « C’est infantilisant, laissons les électeurs décider » s’emporte Christian Jacob, le patron des députés Les Républicains. Sur ce point, le rapport émet pourtant un doute, en rappelant que « la fixation d’un âge limite peut apparaître nécessaire au renouvellement de la classe politique, étant entendu que les citoyens votent pour les candidats mais ne les choisissent pas : autrement dit le système des investitures de partis participe au non-renouvellement de la classe politique ». Autre argument d’opposition, celui de René Dosière (73 ans), député apparenté SRC, qui explique que « ce n’est pas un métier qu’on commence à 20 ans pour le terminer à 65 ans ». Or, justement, le rapport propose qu’une exception puisse être prévue lorsqu’il s’agit d’une première candidature. Enfin, connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, Jacques Myard (LR, Yvelines) juge tout simplement cette idée « imbécile », car, explique-t-il « il y a des élus de 70 ans qui sont plus vaillants et expérimentés que des gamins de 30 ans ». Mais tous ne sont pas opposés à cette idée. Lionel Tardy (LR, Haute-Savoie) par exemple estime qu’il faut savoir « passer le flambeau, d’autant qu’un élu de 70 ans a souvent 30 ans de vie politique derrière lui ». Même constat chez Jean Glavany qui considère qu’il « faut encourager la transmission en politique ».« S’il n’y a pas de mesures fortes, tous les arguments peuvent être trouvés pour conserver son mandat : si je ne me représente pas, notre parti va perdre un siège, j’ai 70 ans donc j’ai une très forte expérience qu’il faut valoriser… on habille ainsi une sorte d’addiction au pouvoir » explique, « à titre personnel » le député communiste André Chassaigne qui trouve que le plafonnement de l’âge des élus « n’est pas une mauvaise proposition ».

Le problème n’est pas tant l’âge du doyen qui n’a cessé de baisser depuis 30 ans mais bien plutôt la moyenne d’âge qui a pour sa part augmenté pour se situer à 57 ans à l’Assemblée et à 62 ans au Sénat. Ce qui bloque donc, c’est bien la génération des baby-boomers, ceux qui sont nés entre 1970 et 1960 qui est majoritaire depuis 1993 à l’Assemblée. En 2002, la génération des baby-boomers représentait 74% des élus. Elle est encore de 58% aujourd’hui. Des parlementaires qui ne sont sans doute pas prêts de céder leur place. Une mauvaise nouvelle pour les « jeunes ».

 

Marcel Dassault a été le doyen de l’Assemblée pendant trois législatures consécutives. Il fut réélu député de l’Oise jusqu’en avril 1986. Il avait alors 94 ans et c’était seulement 15 jours avant sa mort. Son fils, Serge, 90 ans est aujourd’hui sénateur, sans être pour autant le doyen de la Haute Assemblée.

 

 

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