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Les chiliens disent non au projet de constitution

Début septembre, les Chiliens ont refusé massivement le projet de nouvelle constitution visant à remplacer un texte hérité de la période Pinochet.

“Rechazo” (« je rejette »). Le 4 septembre dernier, les Chiliens ont clairement rejeté le projet de constitution écologique et sociale qui leur était proposé et qui avait pour ambition de remplacer le texte datant de la période de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Il avait été adopté en 1980 mais révisé à plusieurs reprises depuis les années 90. Pour ce premier scrutin à caractère obligatoire de leur vie politique, les Chiliens n’ont pas tergiversé et ont dit non à 61,9 %, soit plus de 7,8 millions de personnes tandis qu’ils étaient 4,8 millions à avoir glissé le bulletin « j’approuve » dans l’urne (38,1 %). Personne n’avait envisagé un tel écart. Soumis à des violences et à l’insécurité (mapuche au sud et migratoire, avec des problèmes de pauvreté et de trafic d’êtres humains au nord), ce sont surtout ces deux régions qui ont fortement voté contre tandis que le centre et Santiago se prononçaient en faveur du oui.

Le projet de nouvelle constitution reconnaissant Le projet de nouvelle constitution reconnaissant « un Etat social démocratique de droits, plurinational, interculturel et écologique » avait pourtant, selon ses promoteurs, l’ambition de réduire les inégalités sociales dans un pays où règne l’ultralibéralisme mais aussi d’apporter plus de droits en matière de santé avec le recours à l’avortement notamment, de justice, d’éducation mais aussi aux minorités. Le texte qui ne faisait pas dans la demi-mesure donnait également des droits à la nature et aux animaux. Le projet visait encore à une meilleure reconnaissance des peuples autochtones (près de 13 % de la population). A noter encore que la consultation s’est déroulée dans un contexte de tensions politiques et de violence des groupes armés mapuches dans le sud du pays. Ce qui n’a pas aidé à un déroulement serein du scrutin.

Issu des révoltes de 2019 et après dix-huit mois de discussions fiévreuses des 154 délégués de la constituante, le projet de constitution extrêmement progressif et sans avoir cherché de compromis a fini par faire peur. Par son ampleur d’abord : Le texte adopté ne faisait pas moins de 178 pages et 388 articles. Une somme qui a permis de regrouper dans le camp du rejet une opposition multiple et hétéroclite.

Ensuite, la désinformation orchestrée dans les deux camps a fait des ravages et a semé le doute. Enfin, les nouveaux droits que les délégués entendaient alors accorder aux peuples autochtones a fait naître dans le pays une crainte de division et de sécession, avec un risque à venir non négligeable de demandes de restitutions des terres ancestrales. « L’indigénisme était central dans le texte. Les Chiliens ne se reconnaissaient pas dans le Chili plurinational de la nouvelle Constitution. Ils sont d’accord pour reconnaître les peuples autochtones et leurs représentants au Parlement mais dans le cadre d’un Etat multiculturel et non multinational. Les Mapuches eux-mêmes n’étaient pas favorables à cette idée » a ainsi expliqué à nos confrères du Monde, Stéphanie Alenda, sociologue et directrice de recherche à l’Université Andres Bello de Santiago du Chili.

Face à l’ampleur de la défaite, le président Gabriel Boric qui se présente comme un homme de gauche a déclaré qu’il n’entendait pas pour autant baisser les bras et qu’il allait demander au Parlement de lancer un nouveau processus constitutionnel, s’appuyant sur les résultats du référendum de 2020 qui avait donné 79 % en faveur d’une révision de la constitution de 1980 (même si seulement 7 573 914 citoyens y avaient participé, portant à un peu moins de 50 % le taux d’abstention). « Je m’engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour construire un nouveau processus constitutionnel » a alors déclaré au soir des résultats le président chilien qui en a profité pour lancer « un appel à toutes les forces politiques pour qu’elles fassent passer le Chili avant toute divergence légitime, et qu’elles se mettent d’accord le plus rapidement possible sur les délais et les contours » de ce nouveau processus « dans lequel, bien sûr, le Parlement devra être le principal protagoniste »

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