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“Une diplomatie de combat”

Devant les ambassadeurs réunis à Paris début septembre, Emmanuel Macron a dressé un sombre état des lieux d’un monde en crise. Face à « la fragilité de ce monde », le Chef de l’Etat veut faire de la France « une puissance d’équilibres ».

“Nous sommes dans un moment de bascule du monde si intimidant que nous avons le devoir d’être plus efficaces” a reconnu, la mine grave, le Chef de l’Etat face à des ambassadeurs tout ouïs. Et le président de citer « le retour de la guerre sur le sol européen », le « désordre climatique » ou les thèmes de l’énergie et l’alimentation qui « redeviennent des sujets géopolitiques » et la « fracture de l’ordre économique mondial ». Le constat ne s’arrête pas là, Emmanuel Macron n’a pas oublié d’ajouter à cette litanie, l’émergence d’un « moment illibéral » ou « l’affirmation de puissances autoritaires et de déséquilibre » comme la Chine et la Russie. Une « fragilité du monde » qui nécessite une réaction. Forte de ce constat, la diplomatie française doit s’attendre à « d’immenses travaux » a-t-il expliqué à nos diplomates.

La guerre en Ukraine qui « sera longue » a bien évidemment occupé tous les esprits. Soulignant combien ce conflit représente un risque de « déflagration avec un impact mondial », qui « aggrave aussi la fracture entre le nord et le sud », le président n’entend pas pour autant couper les ponts avec le Russie : « Le métier de diplomate c’est bien de parler à tout le monde, surtout aux gens avec qui nous ne sommes pas d’accord ». « Nous voulons aider l’Ukraine dans ce conflit qu’elle subit, mais nous ne voulons pas participer à la guerre » répète Emmanuel Macron. En maintenant le dialogue « assumé » avec Poutine, ce qui lui a été reproché à maintes reprises, le Chef de l’Etat, chef des armées tient à « préparer les termes d’une paix négociée. Afin que tout soit prêt quand les protagonistes se remettront à la table ».

Et la Chine ? Entre Pékin et Washington, l’Europe et la France doivent se tenir à l’écart d’une « logique confrontationnelle » et bâtir « une indépendance géopolitique » par rapport au « duopole » sino-américain. « Nous n’avons pas à être sommés de choisir, nous devons partout pouvoir garder cette liberté d’action » insiste-t-il.

Clairement pour Emmanuel Macron, la France doit être une « puissance d’équilibres ». « Nous devons être ni alignés, ni vassalisés devant quelque puissance que ce soit ». « Mais seule, la France n’arrivera à rien, estime-t-il, à nous de bâtir de plus en plus de partenariats équilibrés d’égaux à égaux, bilatéraux ou régionaux ».

Plus globalement, le président de la République a demandé aux diplomates français d’avoir une « approche plus hybride » de leur action, en « associant davantage la société civile » et en étant « plus réactifs sur les réseaux sociaux ». « Cette inflexion permettra, juge-t-il, de répondre aux narratifs russe, chinois ou turc » qui entendent faire croire aux populations que « la France est un pays qui fait de la néocolonisation et installe son armée sur leur sol ». « Aujourd’hui on subit trop » dénonce-t-il en ciblant les campagnes de désinformation du Mali notamment.

Enfin, Emmanuel Macron a tenu à conclure cette conférence des ambassadeurs par deux fois repoussée, par un mot sur la réforme vivement contestée du Quai d’Orsay avec une grève inédite en juin dernier, et qui a, certes suscité, du « trouble » mais qui est « bonne » pour notre diplomatie qui sera ainsi « plus agile, plus experte, plus forte ». « Saisissez ce moment de réflexion collective pour que nous ayons encore demain, la meilleure diplomatie du monde » a-t-il finalement lancé.

D’ici la fin de l’année, le Chef de l’Etat devrait se rendre à New-York à l’Assemblée générale des Nations-Unies, à la COP en Egypte et au G20 en Indonésie. 

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