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Le Parlement européen s’engage contre la déforestation

Les eurodéputés se sont prononcés contre l’importation sur le marché européen de produits issus de la déforestation.

Réunis à Strasbourg le 15 septembre dernier, les eurodéputés se sont largement prononcés – 453 voix pour et 57 contre et 123 abstentions - en faveur de l’interdiction d’importation sur le marché européen de produits issus de la déforestation. « Nous prenons la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité très au sérieux. Compte tenu du fait que l’UE est responsable d’environ 10 % de la déforestation mondiale, nous n’avons d’autre choix que d’intensifier nos efforts pour mettre un terme à cette déforestation. Si nous trouvons le bon équilibre entre l’ambition, l’applicabilité et la compatibilité avec l’OMC, ce nouvel outil pourrait ouvrir la voie à des chaîne d’approvisionnement ’’zéro déforestation’’ » a indiqué le rapporteur Christophe Hansen (PPE, LU)

Si aucun pays ou produit ne sera interdit, les entreprises plaçant les produits sur le marché de l’UE devront faire preuve de « diligence raisonnable pour évaluer les risques dans leur chaîne d’approvisionnement » précise le Parlement. Le texte crée donc pour les entreprises européennes un devoir de vigilance à l’égard de produits qui pourraient avoir pour provenance de pays usant et abusant de la déforestation. Plus exigeants que la Commission européenne et que le Conseil, les eurodéputés ont alors établi une longue liste de produits soumis à ce devoir de vigilance. Dans un premier temps, la Commission européenne n’avait ciblé que le soja, l’huile de palme, la viande bovine, le bois, le cacao et le café. Le Parlement a ajouté à cette liste de produits à surveiller : la viande de porc, les volailles, le cuir, le maïs, le caoutchouc, le charbon de bois et le papier imprimé.

Pour faire la preuve que les produits importés par les entreprises européennes ne sont pas issus d’une déforestation postérieure au 31 décembre 2019, elles pourront utiliser « des outils de contrôle par satellite, des audits de terrain, le renforcement des capacités des fournisseurs ou les analyses isotopiques pour vérifier la provenance des produits ». « Les autorités de l’UE auront accès aux informations pertinentes, telles que les coordonnées géographiques. Les données anonymisées seront rendues publiques » précise le communiqué de Parlement. En se fondant sur « une évaluation transparente », la Commission devra ensuite classer les pays, ou une partie d’entre eux, « en risque faible, moyen ou élevé dans les six mois suivant l’entrée en vigueur du règlement. Les importations en provenance de pays à faible risque seront soumises à moins d’obligations ».

Les eurodéputés demandent également que les règles couvrent d’autres écosystèmes naturels tels que les prairies, les tourbières et les zones humides. Enfin, ils ont aussi acté que des « exigences supplémentaires » soient imposées aux institutions financières afin de garantir que leurs activités ne contribuent pas à la déforestation.

L’annonce de ce vote a été favorablement accueillie. « C’est une première mondiale et c’est extrêmement radical », s’est même réjoui Pascal Canfin, le président (Renew) de la commission environnement du Parlement européen. « Dorénavant, avec cette loi, les choses seront simples : si une entreprise ne peut pas prouver que ce qu’elle importe n’est pas issu de la déforestation, alors elle ne rentre pas dans le marché européen ».

Pour l’ONG WWF France qui reste prudente, ce texte pourrait toutefois représenter « un tournant majeur » dans la lutte contre la déforestation.

Le Parlement européen espère maintenant que cette proposition de règlement qui doit encore être approuvée par les Etats membres, après un dialogue avec la Commission et le Conseil serve d’exemple à d’autres Etats dans le monde. 


La FAO estime qu’environ 420 millions d’hectares de forêts (une zone plus vaste que l’UE) ont été perdus entre 1990 et 2020. On estime que la consommation de l’UE représente environ 10 % de la déforestation mondiale.


De quel bois je me chauffe
Dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED), les eurodéputés se sont prononcés en faveur de la suppression des subventions directes et indirectes à ces activités. Mais contrairement à ce que souhaitait la commission environnement du Parlement, les eurodéputés ont toutefois conservé à la biomasse ligneuse primaire (bois non transformé) son statut de renouvelable. Ils ont toutefois établi un plafond pour la part de bois non transformé par rapport à la biomasse totale utilisée. Ce qui n’est pas sans soucier les professionnels du secteur qui rappellent que l’on ne pourra pas atteindre les objectifs de 45 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 sans la biomasse. A l’opposé, les ONG environnementales jugent la biomasse pour produire de l’énergie comme un danger pour le climat. « Il est plus facile pour le Parlement européen d’être ambitieux pour protéger les forêts situées hots de l’Union européenne plutôt que celles situées sur notre sol » a déclaré l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint qui estime pourtant que ce vote est une première étape. Une vision de la biomasse et de la forêt qui est loin de la réalité s’emportent les professionnels du secteur. Le bois en France est la première source d’énergie renouvelable, il fournit même un tiers des consommations indique d’ailleurs le ministère de la Transition écologique. Vouloir retirer son statut de renouvelable aux branches, écorces, troncs tordus, etc. provenant de l’exploitation raisonnée de la forêt serait donc une hérésie. « On agit là comme si l’on rasait les forêts pour les brûler. C’est un contresens total purement émotionnel. [… ] on n’exploite pas la forêt pour faire de l’énergie. La sylviculture est une exploitation au long cours » s’emporte Tammouze Hélon, secrétaire général de l’Union des coopératives forestières françaises dans L’Opinion. « Limiter l’utilisation d’une source renouvelable comme la bioénergie contredit les ambitions de la Commission européenne d’augmenter les énergies renouvelables et d’atteindre ses objectifs climatiques ambitieux. Cela affecte toute la chaîne d’approvisionnement, à commencer par les propriétaires forestiers qui dépendent des revenus qu’ils reçoivent du secteur de la bioénergie pour continuer à gérer leurs forêts de manière durable. Sans gestion, les forêts seraient encore plus sous pression en raison du changement climatique, ce qui leur laisserait trop peu de temps pour s’adapter par elles-mêmes » soulignent alors les responsables de Bioenergy Europe.

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