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Les conséquences de la cyberpornographie sur les enfants

Par Nadège Larcher, psychologue & psychothérapeute*

Selon différents sondages, plus de 60 % des jeunes adultes déclaraient avoir vu leurs premières images porno sur le web avant 15 ans, dont 11 % avant l’âge de 11 ans. Une exposition précoce que les parents ont tendance à sous-estimer.

La précocité et la fréquence d’exposition à ces images vont entrainer des conséquences très différentes. Plus l’enfant sera jeune et exposé - surtout seul - plus il sera mis en difficulté par ces images.

En effet, le cerveau humain éprouve de réelles difficultés à distinguer la réalité du virtuel. Dans le cas d’un film d’horreur, même un cerveau d’adulte peut être terrorisé par les images visionnées, alors qu’il sait être face à une fiction. Les enfants, notamment les petits, n’ont pas encore cette capacité.

Pour les enfants exposés, ces images peuvent être très choquantes et provoquer de la culpabilité, du dégout, voire des crises d’anxiété ou de troubles du sommeil. Un repli sur soi, des régressions et des manifestations agressives peuvent aussi être observées.

Ces images peuvent déclencher ce que l’on nomme « une effraction psychique », voire « un viol psychique ». Les images sont tellement crues qu’elles provoquent une sorte de sidération traumatique dans le jeune esprit. L’enfant peut alors subir une réminiscence constante de ces images, sous forme de cauchemars la nuit ou de flashs dans la journée. Les techniques thérapeutiques actuelles du traitement du trauma (notamment Emdr ou IMO) permettent de libérer les jeunes de ces images traumatiques. Encore faut-il que l’enfant puisse avoir la possibilité de se confier à un adulte de confiance.

La cyberpornographie va aussi donner une représentation complétement faussée des rapports sexuels et amoureux. Elle va banaliser certaines pratiques et donner aux jeunes des complexes quant à leur physique et leurs performances sexuelles. De plus, les enfants reçoivent une image souvent dégradante des corps masculins et féminins.

Pour une petite minorité des ados (10 % des 14-17 ans) qui regarderaient ces images une ou plusieurs fois par jour, les risques d’addiction sont réels. Les ados - principalement des garçons - s’enferment dans un besoin de surstimulation et perdent tout contact avec une sexualité normale. La cyberpornographie vient alors ébranler une structure psychique déjà très fragile et déclencher un processus d’obsession et de compulsion.

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, nos enfants et nos ados ne doivent pas être laissés seuls, sans explication et accompagnement face à ces images. Elles ne peuvent pas être leur seule porte d’entrée vers la sexualité, au risque d’atteindre fortement une confiance en soi qui est déjà fragile. C’est pourquoi l’accompagnement et le dialogue avec les adultes vont être absolument indispensables, en s’assurant que ces adultes, notamment les parents, soient en mesure de réagir correctement et d’apporter les informations nécessaires. S’il est notable que les enfants doivent être accompagnés, les adultes ont également d’être formés. 


*Enseignante, co-fondatrice de l’organisme de formation APcomm - Apprendre à Communiquer et de l’application de prévention et de protection du numérique My Twiga.

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