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Cabinets de conseil : Après le rapport, une proposition de loi

Trois mois après la fin des travaux de la commission d’enquête et le rendu de son rapport, ses membres ont déposé une proposition de loi « transpartisane » reprenant l’essentiel des recommandations du rapport d’Eliane Assassi et d’Arnaud Bazin et qui a fait consensus. Elle a été débattue au Sénat mi-octobre.

Le 21 juin dernier ne pouvant que déplorer l’inertie du gouvernement et jugeant insuffisante la circulaire de janvier 2022 sur les prestations de conseil, les sénateurs Eliane Assassi (CRCE, Seine-Saint-Denis) et Arnaud Bazin (LR, Val d’Oise) ont déposé une proposition de loi « transpartisane » relative à l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. « Le Gouvernement a réagi avec une grande fébrilité face à nos révélations : il a multiplié les opérations de déminage médiatique mais également les contradictions. Surtout, il s’est contenté d’annonces. Beaucoup d’annonces mais peu d’actions : sa circulaire du 19 janvier 2022 ne constitue qu’un mur de papier face à la multiplication des prestations de conseil. Fidèle au rapport de la commission d’enquête, notre proposition de loi va bien plus loin que les annonces du Gouvernement » a expliqué la sénatrice en conférence de presse au début de l’été. La proposition de loi est composée de 19 articles et poursuit quatre objectifs principaux : en finir avec l’opacité des prestations de conseil ; mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil ; renforcer les obligations déontologiques des consultants et mieux protéger les données de l’administration.

Parmi ces mesures concrètes, le texte des sénateurs propose de publier chaque année et en données ouvertes, de la liste des prestations de conseil de l’Etat et de ses opérateurs et d’informations connexes (bons de commande, évaluations, etc.) mais aussi d’interdire pour les cabinets de conseil d’utiliser le logo de l’administration, « un consultant n’étant pas un fonctionnaire ». Le rapport avait évoqué cette piste, elle est maintenant intégrée dans la proposition de loi : Interdire les prestations gratuites (« pro bono ») des consultants. De façon plus anecdotique, le texte de loi prévoit l’obligation pour les consultants d’utiliser la langue française dans leurs échanges avec l’administration « et non leurs expressions anglo-saxonnes (benchmark, lean management, propale, slide, etc.) ». Les consultants seront tenus à respecter un code de bonne conduite : ils devront agir « avec probité et intégrité » ; « ils ne prennent pas de décision administrative » ; « ils proposent plusieurs scénarios à l’administration, s’appuyant sur des informations factuelles et non orientées ». La proposition de loi prévoit l’obligation de transmettre une déclaration d’intérêts, « pour que l’administration puisse connaître la liste de leurs autres clients et ainsi prévenir les conflits d’intérêts, sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ». Des mesures qui ne sont pas du goût des consultants qui les trouvent trop contraignantes. A les entendre, ces contraintes pourraient être contreproductives et inciter les cabinets de conseil à délaisser le marché public pour le privé. « En anticipation de rupture de confidentialité ou par peurt des sanctions, les consultants devront faire des choix entre le secteur privé et l’Etat, et ce sera pratiquement toujours en faveur des industries » indique Matthieu Courtecuisse, le président du Syntec conseil qui représente la profession interrogé par Les Echos. Enfin, à l’issue de la prestation, les données que l’administration a confiées aux cabinets de conseil devront être supprimées sous le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Avec cette proposition de loi, « nous voulons mettre fin au recours tous azimuts aux cabinets de conseil et éviter les dérives constatées par la commission d’enquête : l’opacité, le foisonnement incontrôlé des prestations, la dépossession de l’Etat sur des missions stratégiques et les risques déontologiques et de conflits d’intérêts » conclut Arnaud Bazin. Faute d’avoir pu obtenir que leur texte soit inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire de juillet, la commission d’enquête prévoit de le déposer à l’automne. 

Une mission d’information sur les cabinets de conseil à l’Assemblée aussi ?
Le député Insoumis Eric Coquerel, président de la Commission des Finances annonçait à son tour le 7 juillet dernier via twitter le lancement prochain d’une mission d’information sur les cabinets de conseil privé. Elle « permettra peut-être de nous interroger sur les questions du rapport qualité-prix de ces cabinets de conseil, leur nécessité, leur rôle » déclarait-il sans précision de calendrier. Une communication qui avait alors vivement fait réagir la sénatrice Eliane Assassi : « J’annonce qu’un travail sérieux et rigoureux a déjà été réalisé au Sénat par une commission d’enquête transpartisane qui a ensuite déposé une proposition de loi qui ne se limite pas à des “polémiques” ! C’est beau le rassemblement ! » avait-elle tweeté. Interrogé sur le sujet, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini annonçait pour sa part que le gouvernement allait, « dans les prochaines semaines », présenter « un nouveau cadre pour encadrer le recours des ministères à ces prestations de conseil » qui reprendrait « beaucoup » de mesures de la proposition de loi déposée par les sénateurs Eliane Assassi et Arnaud Bazin. Finalement, face à la levée de boucliers des sénateurs, le président Coquertel a renoncé dans l’immédiat à sa mission d’information qui ne verra le jour que plus tard pour constater l’effet des réformes mises en place ces derniers mois.

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