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“Le Projet de loi de finances 2023 est inquiétant et décevant”

Par Véronique Louwagie, Député de l’Orne (LR), Vice-Présidente de la Commission des finances de l’Assemblée nationale

Que vous inspire la présentation du PLF 2023 ?

Le Projet de loi de finances 2023 est inquiétant et décevant.

Inquiétant, en premier lieu, au regard des hypothèses retenues par le gouvernement pour la construction de ce budget avec un taux de croissance de 1 % pour 2023, alors que tous les instituts prévoient un niveau de croissance moindre, allant même de -0,5 % à 0,8 % selon le Gouverneur de la Banque de France. Pour autant, même avec une hypothèse optimiste de construction de ce budget, le déficit de l’Etat est maintenu à un niveau de 5 % du PIB, avec un montant de 158,5 Milliards d’euros.

Décevant, parce que le premier budget d’une législature est censé traduire un cap et le niveau de volontarisme du gouvernement pour le quinquennat. Or, le cap n’est pas perceptible et le volontarisme quant au rétablissement des finances publiques ne transparaît pas.

Certes, la conjoncture est compliquée à la fois sur la scène internationale, mais également au niveau national, au regard notamment des incertitudes liées au prix des énergies, générant une inflation et donc de l’inquiétude chez les ménages et les entreprises. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement doit, au niveau du budget, être réaliste et donner le fil conducteur du quinquennat.

Le groupe LR va voter contre, pourquoi ?

Un budget traduit toutes les politiques publiques déclinées par un gouvernement qu’il s’agisse de la politique énergétique, l’éducation, l’immigration, la défense, la recherche, et d’autres encore. Force est de constater que nous n’adhérons pas à toutes les orientations et choix du gouvernement. D’ailleurs, si c’était le cas, nous ne serions pas dans un groupe parlementaire d’opposition, mais dans un groupe de la majorité. Si je reconnais certains points d’accord, nous avons aussi de nombreux points de divergence (immigration, assistanat, sécurité, politique énergétique, suradministration, Aide Médicale d’Etat, etc.), outre l’absence de maîtrise des comptes publics, qui ne nous permettent pas de voter le budget 2023. Par ailleurs, le groupe LR ne peut valider un budget qui nous emmène dans le « mur de la dette ». Même avec la meilleure volonté et l’esprit de responsabilité dont nous avons d’ores et déjà su faire preuve ces derniers mois, nos principes fondamentaux sont nos principes et nous ne pouvons pas en changer.

Le Haut conseil pour les finances publiques s’inquiète de la capacité du gouvernement à pouvoir maîtriser la dépense. Partagez-vous cet avis ?

Le Haut Conseil des Finances Publiques dans son avis souligne que « le redressement des finances publiques s’annonce ainsi lent et très incertain en 2023 » en insistant sur la nécessité « d’un effort collectif reposant sur la maîtrise de la dépense couplée à la recherche d’une plus grande efficacité de celle-ci ».

Sous le mandat précèdent, la dépense publique hors crise sanitaire a augmenté de 140 Milliards d’euros. Et la France n’a pas su profiter d’années de croissance de 2017 à 2018 pour réduire son niveau de dépenses.

Et, effectivement, en 2023, la trajectoire des dépenses publiques poursuit une évolution dans le même esprit que le « quoi qu’il en coûte », avec une augmentation des crédits des politiques publiques, hors plan de relance, de 30 Milliards d’euros et une charge de la dette qui croit de 17 Milliards d’euros, soit une augmentation des dépenses courantes de 47 Milliards d’euros entre 2022 et 2023. Si les dépenses pour protéger les Français avec le bouclier tarifaire, pour mieux rémunérer les enseignants, pour donner plus de moyens à la justice ou à la défense de notre pays sont justifiées, le gouvernement n’a proposé aucune piste, ou même début de piste d’économies des dépenses. Et, l’Etat embauchera plus de 10 000 fonctionnaires en 2023… L’Etat est plus exigeant avec les Français qu’il ne l’est avec lui-même. Il n’a visiblement pas encore tourné la page de l’abondance en ce qui le concerne.

Et la dette ?

La dette de la France atteindra 3000 Milliards d’euros dans quelques semaines, et l’augmentation des taux d’intérêts nous amène, en 2023, à une charge colossale de la dette de près de 60 Milliards d’euros, un budget quasi équivalent à celui de l’éducation ! La France devra emprunter 270 Milliards d’euros, un record en 2023 pour payer son déficit et rembourser le capital des emprunts qui arrivent à échéance. Ces milliards engagés pour payer les intérêts réduisent nos capacités d’investir pour répondre aux enjeux de la transition écologique, des nouvelles technologies, ou pour aider nos concitoyens. Sans compter que cette charge risque d’augmenter dans les années qui viennent.

Finalement, nous arrivons à une période où le niveau de la dette ne devient plus acceptable et la charge de la dette devient insupportable. Mais le plus inquiétant est cette incapacité de l’Etat d’inverser la trajectoire d’évolution de la dette....

Avez-vous des contre-propositions à présenter ?

La réduction de la dette passe par une action significative sur les dépenses publiques.

Je ne dis pas qu’il faut supprimer des services publics, rogner sur le remboursement des dépenses de Santé, supprimer des lits d’hôpitaux... Je dis que lorsque l’Etat demande, l’Etat doit. Il doit faire son introspection et constater que son train de vie et son organisation sont en cause. Et je crois sincèrement qu’il peut réduire drastiquement la voilure sans faire peser ses efforts sur la population.

Le Grand Débat National avait notamment été l’occasion pour les Français de rappeler les aberrations financière, organisationnelle et un nécessaire choc de simplification au service des citoyens. Je travaille en ce sens, avec mes collègues députés les Républicains, à un plan de « sobriété bureaucratique » dont la première phase pourrait faire économiser environ 20 milliards d’euros d’argent public d’ici à 2025.

Ce plan de sobriété bureaucratique serait construit autour de 5 objectifs indispensables : Faire le tri dans les 483 opérateurs de l’Etat et mettre fin aux comités Théodule ; Remettre à plat le fonctionnement de certaines agences ; Limiter la bureaucratie tatillonne en réduisant le nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales ; Elargir le principe du « une règle entrante, une règle sortante » à toutes les nouvelles normes (actuellement uniquement valable sur les décrets réglementaires) ; Voter une loi proposant de supprimer des lois et normes obsolètes pour baisser le volume des codes de 15 % en 10 ans. 

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