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Une proposition de loi communiste pour réguler les exportations d’armes

Au Sénat, le groupe communiste a déposé une proposition de loi de « contrôle sur le commerce des armes et la violation des embargos ».

Il ne s’agit pas de « contester le principe même d’exportations d’armement » mais bien de « remettre de la démocratie là-dedans » indiquent Pierre Laurent (Paris, CRCE) et Michèle Gréaume (Nord, CRCE), porteurs de ce texte au nom du groupe CRCE du Sénat. Alors que les « dépenses militaires mondiales sont revenues à un niveau jamais atteint depuis la fin de la guerre froide, entraînant de fait la hausse des ventes d’armes », cette proposition de loi, déposée fin septembre, s’est fixée pour objectif d’y voir un peu plus clair en instaurant un véritable contrôle parlementaire sur les contrats d’armement passés par la France, « dans une volonté de transparence ». En appui de leur texte, les sénateurs pointent l’actualité du moment avec le réarmement de l’Europe comme en Allemagne, le conflit ukrainien, les tensions dans la zone indopacifique qui augmentent, « le commerce des ventes d’armes qui représentaient 87 milliards de dollars en 2011 a atteint 112 milliards de dollars en 2021 ». « La circulation accrue des armes à un impact désastreux sur la stabilité mondiale : menaces sur les droits humains, risques de détournements et donc alimentation des trafics, de la criminalité, du terrorisme » insistent les deux élus.

Sans remettre fondamentalement en cause le droit des Etats à user de la légitime défense pour protéger leur intégrité territoriale (art.51 de la Charte des Nations Unies), Pierre laurent et Michèle Gréaume veulent que le Parlement aient un droit de regard plus appuyé sur les choix français d’exportations d’armes. Ils en veulent pour preuve les « nombreux scandales » liés à la politique d’exportation française de ces dernières années (livraison de matériels à des Etats sous embargo de l’UE, de l’ONU ou de l’OSCE, à des Etats engagés dans des conflits où sont ciblés massivement les populations civiles, vente de dispositifs de surveillance à des Etats pratiquant régulièrement des atteintes massives aux droits humains - Libye, Qatar, Arabie saoudite - …). « La voix de la France sur la scène internationale est décrédibilisée par ces épisodes. Les parlementaires sont mis devant le fait accompli et sommés de défendre es conséquences de décisions stratégiques lourdes auxquelles ils n’ont pas été associés, et bien souvent, dont ils n’ont même pas débattu » déplorent-ils.

D’où l’article 1 de la proposition de loi qui rend obligatoire un débat annuel au parlement sur le rapport reis par le gouvernement sur les exportations d’armement. Mais lorsqu’on leur rétorque que ce débat existe déjà, les sénateurs communistes exigent de celui-ci d’être plus précis (ajout du matériel à finalité duale, des composants d’armes, ajout des destinataires finaux des matériels exportés…). Mais ces précisions suscitent des interrogations sur la divulgation d’informations sensibles placées sous le sceau du « secret défense ». Que nenni assurent les sénateurs. « D’abord le secret-défense est utilisé de manière de plus en plus récurrente [..] et parfois il y a des questions de temporalité pour publiciser tel ou tel contrat, on aura de toute façon agir en responsabilité. Mais il n’y a pas de secret-défense qui ne puisse justifier que l’on bafoue le droit international humanitaire » répond Pierre Laurent.

Les sénateurs proposent encore la création d’une délégation parlementaire en charge du contrôle, (6 députés, 6 sénateurs représentant les sensibilités politiques + les présidents des commissions) qui devra être informée « dans les 15 jours des licences accordées ». Cette délégation aurait aussi un « droit de véto » sur tout contrat (vote à la majorité de ses membres).

Sur une possible adoption de leur proposition de loi, les sénateurs CRCE qui ne veulent pas faire de ce texte une « PPL de témoignage » se disent optimistes : « je ne vois pas quelle argumentation on pourrait nous opposer » assure même très tranquillement le sénateur communiste Pascal Savoldelli (Val-de-Marne, CRCE), cité par Public Sénat. « Nos arguments peuvent être très largement entendus. La représentation nationale est en droit de mettre son nez dans des contrats qui rapportent 28 milliards, cela peut intéresser beaucoup de Français » conclut Pierre Laurent. 

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