Print this page

Recours aux cabinets de conseil : une pratique interrogée par la Cour des comptes de l’UE

La publication d’un rapport par la Cour des comptes de l’Union européenne (Luxembourg) au mois de juin souligne l’usage croissant des cabinets par les services de la Commission. Une pratique coûteuse, que les commissaires souhaitent éclaircir.

Le recours aux cabinets de conseil par lesEtats est relativement courant, mais de moins en moins compris par le grand public. Les factures souvent très salées des études (plusieurs millions d’euros) et les liens, parfois étroits entre des membres des administrations et les conseillers, interrogent sur les risques de conflits d’intérêts. En France, l’affaire McKinsey, qui a éclaté au mois de mars, quelques semaines avant la présidentielle, à la suite d’un rapport du Sénat, en est l’illustration. Dans leur rapport, les commissaires de la Cour des comptes européenne, souhaitent faire la lumière sur l’opportunité d’un appel massif des services de la Commission européenne à des cabinets pour des audits. L’étude, qui se penche sur la période allant de 2017 à 2020, établit un montant total de consultations externes à 2,7 milliards d’euros, pour 8 009 contrats de signés. Une somme élevée, qui ne représente pourtant que 0,05 % du budget de l’Union européenne (159,1 milliards d’euros en 2019).

Des consultations mal justifiées

Le Cour européenne des comptes reproche à plusieurs services de ne pas justifier correctement, voire, pas du tout, l’opportunité des différentes prestations – précisons que nous ne connaissons pas l’identité des différents prestataires, que la Commission ne révèle pas. « Nous avons relevé d’importantes lacunes dans le cadre mis en place par la Commission pour régir le recours à des consultants externes », souligne François Olivier Cazala, directeur de l’étude. L’essentiel des activités qui représentent le conseil et la recherche manquent parfois d’être justifiées a priori : « dans bien des cas, rien n’indiquait qu’une évaluation des besoins avait eu lieu » déplore-t-il. Les services faisant le plus appel à des cabinets sont la DG NEAR (Direction générale du voisinage), qui dépense 660 millions en services de consultants externes, suivi par DG DEVCO (Direction générale du développement et de la coopération), dont les frais s’élèvent à 564 millions d’euros.

Les notions floues de « conseil » et de « recherche »

Un problème majeur est que la Commission « n’a pas donné aux directions générales de définition claire des services de conseil et de recherche ». Par conséquent, un nombre très large de prestations peuvent être incluses dans ces deux catégories. S’agissant de la recherche, La Cour donne quelques exemples : « la réalisation d’études ou d’évaluations, la fourniture d’une assistance technique, la maintenance et l’équipement des laboratoires, [...] le renouvellement des marques et le paiement des brevets, et le déclassement d’installations nucléaires ». La JRC (Centre commun de recherche), aurait enregistré 88 % de ses prestations extérieures dans cette catégorie, soit 107,2 millions d’euros. Elle fait partie des quatre services qui commandent le plus d’audits.

La Cour souhaite comprendre, si les services internes de la Commission ne pouvaient pas se charger par moments de certaines études, au lieu d’avoir recours à des études externes coûteuses.

Un nombre restreint de cabinets

Bien que les auteurs soulignent que « dans l’ensemble, les directions générales recourent aux services de consultants externes dans le cadre du règlement financier et dans le respect des règles générales en matière de contrats de service », ils pointent le recours important à trois fournisseurs en particulier. Dans le top des 10 fournisseurs qui représentent 22 % du montant total des contrats (soit 600,1 millions d’euros), trois ont facturé au total 240 millions d’euros de services sur la période 2017 – 2019 : le premier 95,2 millions d’euros, le deuxième 81,5 millions et le troisième 64 millions.

Une situation qui peut révéler un manque d’étude de marché sérieux dans certains cas, provoquant un recours systématique à certains cabinets. Les auteurs mentionnent comme exemple un « fournisseur » qui aurait remporté deux fois d’affilée le même appel d’offre pour des demandes d’assistance technique et juridique pour la gestion des portails « L’Europe est à vous ». Des contrats qui s’étendent sur deux ans. Cette situation qui pourrait aussi soulever un risque de dépendance excessive de la Commission en général à l’égard de certains cabinets.

La Cour laisse à la Commission jusqu’à fin 2023, soit un an et demi, pour tenter de combler les lacunes juridiques dans sa réglementation.

513 K2_VIEWS