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Le “label vert” accordé au nucléaire et au gaz

À la recherche d’une diminution drastique des émissions de CO2 d’ici 2035, le Parlement européen a labellisé le gaz et le nucléaire comme des énergies nécessaires à la transition énergétique.

C’est après de longs débats que les députés européens ont voté en faveur de l’acte délégué relatif au traitement du gaz et du nucléaire dans la taxonomie des investissements verts de l’Union européenne (UE). Jusque-là, seules les énergies renouvelables l’étaient. Une mesure proposée par la France, présidente de l’EU jusqu’à juin dernier, et qui intervient peu de temps après le vote de l’interdiction des moteurs thermiques d’ici 2035.

Des controverses nourries

Le texte a suscité des avis très partagés au sein des eurodéputés, en particulier dans les rangs de la gauche. Les Ecologistes, mécontents que le gaz naturel soit inclus dans cette liste y ont vu une trahison en dénonçant le « greenwashing » de l’UE. « Comment pouvons-nous demander aux autres pays de réduire leur utilisation des énergies fossiles si nous les classifions comme vertes ? » s’est offusqué le député Néerlandais Bas Eickhout. Au total, huit pays se sont opposés à ce projet, dont l’Allemagne, – le chancelier Olaf Scholz gouverne avec les écologistes – mais aussi l’Autriche et le Luxembourg. Mais leurs voix n’ont pas suffi à faire barrage à ce projet. Pour que cela fut possible, il aurait fallu réunir une « super-majorité » de vingt pays. Finalement le texte a été voté avec un nombre de voix relativement serré : 328 pour, 278 contre et 33 absentions.

Un texte nécessaire pour la transition

Le Premier ministre tchèque, Pietr Falta, dont le pays vient de reprendre la présidence de l’UE, avait demandé avec insistance aux députés de voter en faveur du texte : « Je vous demande de ne pas rejeter ce fragile compromis négocié avec précaution » a-t-il plaidé, conscient notamment de la situation énergétique de son pays. La République tchèque a pour principale ressource énergétique le charbon, qui en 2020 représentait 40 % de son énergie, contre 8,4 % seulement pour le gaz naturel – essentiellement importé de Russie. « L’énergie nucléaire et le gaz provenant de pays sûrs seront les seuls moyens pour certains Etats membres d’atteindre nos objectifs climatiques communs dans les années à venir » a encore plaidé le Premier ministre tchèque.

Une bonne nouvelle pour la France

L’eurodéputé Gilles Boyer, tout en rappelant bien que le gaz et le nucléaire n’étaient pas des énergies vertes, s’est voulu réaliste : « elles sont temporairement indispensables à la transition. Nous devons utiliser tous les outils pour nous passer en priorité du pétrole et du charbon ». Dans un tweet publié le jour du vote, l’eurodéputé Pascal Canfin enfonçait le clou, en insistant sur le fait que le gaz et le nucléaire « ne sont pas mis au même niveau que les renouvelables et des conditions strictes sont incluses ». « Nous avons besoin de toutes les énergies bas carbone pour réussir la transition énergétique » a salué la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Il s’agit d’une mesure bienvenue pour le gouvernement, qui pourra ainsi profiter de ce sursis accordé au nucléaire pour développer la recherche et l’exportation de son savoir-faire en matière de centrales dans les années à venir. Mais la France doit avant tout s’atteler à la réparation et remises aux normes de ses centrales, dont la moitié sont à l’arrêt cette année, soit 29 sur les56. L’Etat – qui a annoncé son intention de nationaliser EDF – doit dépenser autour de 200 milliards d’euros pour remettre son parc nucléaire en état. Un investissement colossal qui s’étalera nécessairement sur plusieurs années. Le Conseil devra trancher en dernier lieu sur la nouvelle classification. En cas de validation, la mesure rentrera en vigueur en 2023. 

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