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Accord du Parlement pour la restitution d’œuvres d’art spoliées par les nazis

Fin janvier, le Parlement a autorisé la restitution d’une quinzaine d’oeuvres d’art volées par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

“Un projet de loi historique”. Avec fierté, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin s’est félicitée de l’adoption par le Parlement de ce texte permettant la restitution aux héritiers de familles juives d’œuvres volées par les nazis, des œuvres qui « portent la mémoire de leurs propriétaires spoliés ». La ministre a également rappelé que c’était une première depuis soixante-dix ans qu’« un gouvernement engage une démarche permettant la restitution d’œuvres de collections publiques spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l’Occupation, en raison des persécutions antisémites ». Mais ce n’est qu’une « première étape » a-t-elle embrayé, car « des oeuvres d’art et des livres spoliés sont toujours conservés dans des collections publiques. Des objets qui ne devraient pas, qui n’auraient jamais dû y être » a-t-elle fait remarquer. La rapporteur LR Béatrice Gosselin a tenu pour sa part à préciser que ces spoliations « sont inséparables de l’entreprise d’extermination des juifs d’Europe menée par les nazis et leurs complices, dont le régime de Vichy qui y collabora de manière active ». Et comme la politique n’est jamais bien loin, la sénatrice Esther Benbassa (NI) s’est félicitée de ce vote « à l’heure où certains tentent de réhabiliter le régime de Vichy dans le débat public » visant sans le citer Eric Zemmour.

Après l’Assemblée, le Sénat ne s’est pas fait prier pour voter à l’unanimité le projet de loi qui permet de déroger au principe d’inaliénabilité des collections publiques.

Au nombre des 15 œuvres restituables, se trouve « Rosiers sous les arbres » de Gustav Klimt. Jusque-là conservé au Musée d’Orsay, cette peinture était la seule de l’artiste autrichien détenue dans les collections nationales françaises. L’Etat avait acquis la peinture en 1980 en l’achetant à un marchand d’art. Après avoir une enquête fouillée des chercheurs du Musée d’Orsay, il s’est avéré que la peinture appartenait à l’Autrichienne Eléonore Stiasny qui avait dû s’en séparer sous la contrainte en 1938, lors de l’Anschluss. La propriétaire légitime avait été ensuite déportée avant de mourir dans un camps nazi.

Dans les œuvres restituées on trouve encore onze dessins et une cire conservés au Musée du Louvre, au Musée d’Orsay et au Musée du Château de Compiègne acquis par l’Etat français en 1942 et également un tableau d’Utrillo (« Carrefour à Sannois ») volé chez Georges Bernheim, marchand d’art à Paris, par le service allemand de pillage des oeuvres d’art dirigé par Alfred Rosenberg en décembre 1940 et conservé au Musée Utrillo-Valadon. Le texte prévoit enfin la restitution d’un tableau de Chagall (Le Père) conservé au Centre Pompidou et entré dans les collections nationales en 1988. Ce dernier tableau a été identifié comme propriété de David Cender, musicien et luthier juif polonais arrivé en France en 1958. Créée en 1999, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) a permis d’identifier 13 des 15 restituables.

Selon le Ministère de la Culture, on estime à quelque 100 000 œuvres d’art qui auraient été spoliées en France au cours de la Seconde Guerre mondiale. 60 000 auraient été retrouvées en Allemagne à la fin de la Guerre et rendues à la France. Sur ce nombre, 45 000 ont été rapidement resituées à leurs propriétaires légitimes. Parmi les biens retrouvés en Allemagne, rapportés en France et non restitués, 2200 oeuvres ont été sélectionnées au début des années 1950 et enregistrées dans l’inventaire de la « récupération artistique » et confiée aux musées nationaux. C’est ce que l’on appelle les œuvres MNR pour « Musées nationaux de récupération » qui peuvent être rendues sur simple décision administrative sans passer par une loi. Depuis 1950, ce sont 178 œuvres et objets MNR et assimilés qui ont été restitués, dont 50 depuis 2016 grâce au volontarisme des services de l’Etat à identifier le propriétaire et ayants droit actuels d’oeuvres MNR sans attendre qu’ils se manifestent. Les autres œuvres non restituées parmi celles récupérées par la France ont été vendues par l’administration des Domaines.

A l’avenir, un « loi-cadre » en réflexion pourrait faciliter la restitution des oeuvres d’art spoliées. 

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