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L’externalisation… Oui, mais pas à tout prix !

Par Véronique Louwagie, Députée de l’Orne, Présidente de la mission d’information relative aux différentes missions confiées par l’administration de l’État à des prestataires extérieurs (outsourcing)

C’est un fait établi : l’externalisation au sein des administrations publiques s’est accrue depuis plusieurs années. C’est dans ce contexte que la commission des finances de l’Assemblée nationale a décidé la création d’une Mission d’information sur les différentes missions confiées par l’administration de l’Etat à des prestataires extérieurs « outsourcing », pour en analyser l’utilité et les résultats. Nommée Présidente et Cendra Mottin Rapporteure, nous avons travaillé pendant plusieurs mois en collaboration avec cinq collègues députés.

Le 18 janvier 2022, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a autorisé la publication du rapport retraçant les travaux et propositions.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la pertinence du travail de ces cabinets, ni l’intérêt réel apporté par leurs méthodes et leur regard.

Si dans certains cas, l’externalisation est utile et permet de gagner en efficacité tout en diminuant le coût de certaines tâches simples, que des acteurs privés sont tout à fait aptes à assurer. Dans d’autres cas, le recours à des prestataires extérieurs suscite des interrogations.

En effet, le recours à des prestataires privés n’est pas souhaitable dans tous les domaines. Lors de la crise sanitaire, j’ai pu souligner comment le recours aux cabinets de conseil trahissait une perte de compétences et une fragilisation de l’action publique. Près de 25 millions d’euros ont été dépensés entre mars 2020 et octobre 2021 par le ministère des solidarités et de la santé.

Plusieurs points fondamentaux sont soulignés dans ce rapport.

• Il ne faut, d’abord, plus subir les externalisations, mais muscler ses compétences dans certains domaines stratégiques. Si nos administrations sont désarmées et ne sont plus en mesure de faire, de comprendre et de contrôler certaines prestations, le processus d’externalisation est condamné à l’échec. Disposer des compétences en interne, c’est conserver toutes les cartes dans sa main pour faire le meilleur choix entre faire et faire faire. Le recours à l’externalisation n’est pas toujours pertinent, pour ne pas dire abusif. J’y vois une perte de compétences de l’administration et cela m’inquiète.

• Garder la maîtrise n’est pas aisée dans un monde devenu très complexe. Mais il faut s’en donner les moyens. Conserver certaines compétences clés très qualifiées, définir la mission, la contrôler et l’évaluer sont des éléments primordiaux pour éviter la perte de maîtrise des projets et la dépendance vis-à-vis des opérateurs. La stabilisation ou la baisse du nombre de fonctionnaires dans notre pays s’avère inutile et improductive, si elle est contournée par le recours à des prestations extérieures, non comptabilisées sous les plafonds d’emplois, alors même qu’elles peuvent s’avérer plus coûteuses.

• Par ailleurs, un choc de simplification permettrait de réduire le recours à des prestataires spécialisés extérieurs pour les administrations les moins pourvues. Les collectivités territoriales, par exemple, ne disposent pas toujours des compétences nécessaires pour mener à bien leurs projets, tant les normes sont complexes et changeantes.

• De plus, l’externalisation est trop faiblement évaluée par l’État. Quantitativement, les données chiffrées sont lacunaires. Qualitativement, nous ne savons pas si les tâches externalisées sont correctement menées ou/et donnent satisfaction. Une approche plus systémique et coopérative entre les ministères serait nécessaire et l’information du Parlement doit être renforcée.

• Enfin, lutter contre le désarmement de l’État, c’est aussi protéger ses données stratégiques lorsqu’il sollicite les services d’un acteur extérieur. En la matière, les éléments de réponse apportés par les acteurs privés comme publics ne sont pas parfaitement rassurants.

Le constat est clair : la décision de recourir à ces cabinets, le suivi tout au long de leur mission et l’évaluation des travaux effectués doivent être bien mieux encadrés.

Même le Premier ministre partage ce constat, puisque dans les jours qui ont suivi notre rapport, Jean Castex a signé une circulaire pour remettre de l’ordre et réduire le nombre de contrats passés avec des consultants extérieurs. Concours de circonstances ? 

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