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Le méthane ciblé par la COP26

A Glasgow, au deuxième jour de la COP26, près d’une centaine de pays ont signé un accord visant à diminuer d’au moins 30 % les émissions de méthane d’ici à 2030 par rapport à 2020.

“Le Pacte global sur le méthane” dont l’initiative revient aux Etats-Unis et à l’Union européenne a été signé par plus de 90 pays à Glasgow (Royaume-Uni) le 2 novembre dernier. Parmi ces pays signataires, on trouve les Etats-Unis, l’Europe, l’Indonésie, le Canada, l’Argentine, le Nigeria, le Mexique, l’Arabie saoudite,... L’accord n’a toutefois pas été ratifié par les trois plus gros émetteurs que sont aujourd’hui la Russie, la Chine et l’Inde. Pourtant « avec tant de pays impliqués, cet engagement peut faire une différence réelle dans la hausse des températures » s’est réjouie Ani Dasgupta, la présidente du think tank américain World Ressources Institute. « Si nous ne prenons pas d’actions sur le méthane, nous atteindrons des niveaux dangereux de réchauffement plus rapidement » a-t-elle encore déclaré. L’accord avait été annoncé par Joe Biden, le président des Etats-Unis en septembre dernier. Le Parlement européen avait également demandé que le sujet soit posé sur la table des négociations. L’accord prévoit de diminuer d’au moins 30 % les émissions de méthane d’ici 2030 par rapport à 2020. « Le méthane est l’un des gaz que nous pouvons réduire le plus vite » a d’ailleurs confirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à Glasgow.

Le méthane (CH4) est le deuxième gaz à effet de serre lié à l’activité humaine après le dioxyde de carbone (CO2). Si d’après le récent rapport du programme des Nations-Unies pour l’environnement (UNEP) sur les engagements climatiques des Etats publié début novembre, « environ 60 % » des émissions mondiales de méthane proviennent des activités humaines. Trois secteurs sont particulièrement émetteurs : l’agriculture et notamment l’élevage (fumiers et flatulences des ruminants) est responsable de 40 % des émissions de méthane liées à l’activité humaine, les énergies fossiles (35 %) avec des fuites non contrôlées lors de l’extraction ou le transport et les déchets (20 %). Le méthane se trouve aussi enfermé dans les sols congelés de l’Arctique, le permafrost ou les profondeurs des océans. Sa libération sera lente et progressif.

Or, si le pouvoir de réchauffement climatique du méthane est très largement supérieur à celui du CO2, il a une durée de vie bien plus courte que le carbone. « Sa durée de vie dans l’atmosphère est plus courte que celle du CO2, douze ans seulement contre plusieurs centaines pour le CO2 » confirme l’UNEP, « ce qui fait que réduire les émissions de méthane limitera l’augmentation de la température plus rapidement qu’en agissant sur les émissions de gaz carbonique ». Or justement, les émissions de méthane issues notamment des industries d’extraction de gaz, pétrole et charbon qui représentent un tiers des émissions de méthane liées à l’activité humaine sont en partie évitables, ou du moins contrôlables. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), on pourrait éliminer près de 70 % des émissions actuelles liées aux opérations pétrolières et gazières en réduisant d’une part la consommation d’hydrocarbure et en agissant sur les fuites en les bouchant par exemple ou en rénovant les installations vieillissantes et en entretenant les pipelines. Pour ce qui est des déchets, c’est bien la fermentation qui est responsable d’émissions de méthane. Régulièrement les centres de stockage des déchets sont d’ailleurs montrés du doigt. Plusieurs solutions existent pour éviter que le méthane se disperse dans l’atmosphère : on peut le brûler ou l’on peut couvrir les décharges à ciel ouvert. Une dernière solution qui est suivie de près par les leaders du secteur de l’énergie (Veolia, Suez, GRDF) est celle de la revalorisation du méthane comme énergie renouvelable. Pour ces entreprises, il s’agit alors de capter cette énergie produite par la décomposition des déchets et la réinjecter dans des réseaux. Pour autant, cela ne permet pas de recycler les déchets.

Quant à l’élevage, les solutions sont sans doute plus difficiles à mettre en œuvre. Il faudrait alors agir sur le régime alimentaire des ruminants en incluant des additifs dans leur alimentation comme des graines de lin ou certaines graisses. Complexe et coûteux sans doute.

Aux Etats-Unis, Joe Biden envisagerait de taxer - 900 dollars par tonne en 2023 et 1500 à partir de 2025 - les fuites de méthane des entreprises gazières et pétrolières qui sont bien évidemment opposées à ce texte de loi. Les sommes récoltées par l’Agence fédérale de la protection de l’environnement seraient alors utilisées dans la détection et la réparation des fuites.

Pour surveiller les fuites de méthane au niveau mondial, le programme pour l’environnement des Nations-Unies (UNEP) mise sur son Observatoire international des émission de méthane (IMEO) lancé en octobre dernier qui utilise notamment des satellites. Les premiers résultats de l’IMEO ont mis en évidence des fuites importantes en Russie et au Turkménistan.

Si l’accord est sur le papier un pas important fait dans la lutte contre le réchauffement climatique, certains observateurs font remarquer que l’absence des trois plus gros émetteurs est un réel souci. Les mêmes notent aussi que l’accord reste encore assez vague sur la manière dont seront mises en place les mesures. 

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