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La loi de programmation de la recherche, 1 an après

Par Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation

Il y a un an, les débats parlementaires autour de la loi de programmation de la recherche battaient leur plein. Le Gouvernement avait en effet donné rendez-vous à la représentation nationale autour d’un enjeu majeur : le maintien de la France à la table des grandes puissances scientifiques mondiales. Il faut l’affirmer sans détours.

Non, la recherche française n’est pas en déclin. Dans chaque discipline, au moins l’une des 10 meilleures équipes de recherche est française. Notre recherche, parce qu’elle est un travail d’équipe et que l’ensemble des personnels y participent, rayonne partout dans le monde et chaque année, notre pays contribue de manière décisive au progrès des connaissances.

Oui, le financement de la recherche a connu un déclin. Pendant plus de 10 ans, les moyens alloués aux organismes de recherche comme aux universités ont dramatiquement stagné. Derrière les chiffres, cette décennie perdue a eu des effets encore visibles aujourd’hui : baisse du nombre d’inscriptions en doctorat, stagnation des rémunérations des personnels scientifiques, recul de l’âge moyen d’entrée dans la carrière, baisse du nombre de postes ouverts, érosion des moyens des laboratoires.

Pour la première fois, ce gouvernement s’est engagé pour inverser la tendance et construire, par le progrès des connaissances scientifiques, l’avenir de notre pays. Le mot d’ordre annoncé lors de la célébration du 80ème anniversaire du CNRS était simple : donner à nouveau à nos scientifiques du temps, des moyens, de la visibilité tout en faisant émerger une nouvelle génération de scientifiques de talent.

Entre temps, la pandémie avait jeté une lumière nouvelle sur les enjeux de ce texte. Au moment où le projet de loi arrivait dans l’Hémicycle, la France essuyait la 2ème vague de l’épidémie de Covid 19. Notre actualité offrait l’illustration la plus éloquente des questions dont nous débattions en séances. La force scientifique d’une Nation s’est imposée à l’esprit de chacun comme un élément incontournable de notre souveraineté. En quelques mois, l’importance vitale de la science avait perdu tout caractère théorique pour devenir une évidence du quotidien : mieux qu’un long discours, la Covid 19 démontrait chaque jour par l’exemple, l’impérieuse nécessité de s’appuyer sur la recherche pour relever les défis du monde contemporain et anticiper les prochaines crises.

Renouer le pacte entre les chercheurs, les décideurs et les citoyens pour revivifier le débat public ; valoriser les femmes et les hommes qui font vivre la science ; cultiver tous les champs scientifiques, sans a priori, pour ne pas passer à côté des connaissances dont nous aurons besoin demain ; renforcer le lien entre la recherche et l’entreprise pour maintenir notre souveraineté dans le développement des innovations : toutes les priorités portées par la LPR ont trouvé dans la crise sanitaire un regain d’urgence et de légitimité.

Cet accord autour de l’importance de la recherche pour l’avenir de notre pays a été la boussole du travail parlementaire sur la loi de programmation de la recherche et a permis d’aboutir à un texte équilibré et ambitieux, riches d’opportunités et d’outils qui ne demandent qu’à être saisis. La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche ne s’y est pas trompée. Cette loi de programmation est le 2ème projet de loi à avoir été adopté par le Conseil National de la recherche et de l’enseignement supérieur (CNESER). Elle a également été le vecteur qui nous a permis de faire aboutir, avec les organisations syndicales et les employeurs publics, le premier accord syndical majoritaire jamais signé à l’échelle du ministère, accord qui engage plus de 2,5 milliards d’euros pour revaloriser les personnels scientifiques et leur ouvrir de nouvelles perspectives de carrières afin de corriger une partie des effets de la décennie perdue.

Adoptée le 20 novembre 2020, promulguée le 24 décembre, la loi consacre en effet un réengagement sans précédent de la Nation dans sa recherche. Outre l’accord historique sur les rémunérations et les carrières des personnels, les 25 milliards d’euros investis dans l’écosystème scientifique sur la prochaine décennie permettront d’alimenter le premier plan en faveur du doctorat, un réarmement massif de l’Agence nationale de la recherche (ANR), un soutien inédit à la recherche partenariale, une démarche nouvelle en faveur d’une science avec et pour la société : un tel effort ne s’était pas vu depuis la seconde guerre mondiale.

La loi de programmation de la recherche, c’est également un nouvel acte dans l’affirmation de l’autonomie des universités. Les débats parlementaires ont été décisifs à cet égard. L’Assemblée nationale a ainsi reconnu dans la loi que les universités sont des opérateurs de la recherche publique. Le Sénat y a également apporté sa part en rénovant en profondeur la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, cela afin de favoriser la diversité des profils tout en renforçant les outils au service de la politique scientifique des établissements d’enseignement supérieur.

Mais le moment est venu désormais de parler de cette loi au présent puisque ses ambitions se sont déjà muées en transformations concrètes. Car si la programmation va monter en puissance au cours de la décennie, ses premiers effets se font déjà sentir dans le quotidien de nos laboratoires et de nos chercheurs. Avant la fin du mois de décembre, l’ensemble de ses textes d’application auront été édictés, permettant de lui donner sa pleine ampleur.

Le premier engagement que nous avions pris, c’est de redonner aux jeunes le goût des carrières scientifiques.

Or celles-ci sont bien plus diverses qu’il n’y paraît. La science n’est pas seulement l’œuvre d’excellents chercheurs, mais de brillants ingénieurs, d’habiles techniciens, ce qui signifie que la recherche est ouverte à de nombreux talents. Afin de renforcer l’attractivité de tous les métiers de la recherche, la rémunération de l’ensemble des personnels augmente, quels que soient leur fonction, leur corps et leur grade. Comme promis, un effort particulier est fait en direction des nouvelles générations : la rémunération des doctorants augmente dès cette année d’environ 6 % pour atteindre 30 % d’ici 2023 et les jeunes chercheurs ne sont plus recrutés en dessous de 2 SMIC. Par ailleurs, les premières chaires de professeur junior sont en cours de sélection pour pouvoir être créées dans les prochains mois, ce qui représente autant de postes en plus pour nos établissements. De nombreuses demandes de créations de chaires ont été formulées par les universités et les organismes, preuve que la communauté s’empare avec enthousiasme de cet objet phare de la LPR, outil précieux pour attirer des profils disputés et s’enrichir de nouveaux talents.

Notre deuxième engagement, c’était de donner à nos laboratoires les moyens de leur audace et de leur créativité. La course aux financements faisait planer sur la recherche française une double menace, de conformisme et d’épuisement. Dès cette année, nos laboratoires retrouvent de l’oxygène : leur dotation récurrente augmente de 10 % et leur accès au financement sur projet est facilité afin d’encourager la prise de risque. En effet, le taux de succès aux appels à projet génériques de l’ANR est d’ores et déjà relevé à 23 %, avant d’atteindre 30 % d’ici à 2027. Par ailleurs, dès cette année, une part dédiée au laboratoire est introduite dans le préciput, cette enveloppe supplémentaire qui revient à l’institution de l’équipe lauréate d’un appel à projet. C’est tout simplement une source de financement supplémentaire pour toutes les unités de recherche, dans tous les territoires, dans toutes disciplines. Le projet de loi de Finances pour 2022 est ainsi celui des engagements tenus : les crédits de la MIRES progressent de 706 millions d’euros, ce qui est inédit, dont près de 500 millions d’euros de crédits nouveaux qui s’ajoutent aux 400 millions déjà engagés en 2021 et reconduits cette année. Si la trajectoire annoncée en mars 2020 par le Président de la République est bien respectée, c’est également l’accélération de la LPR souhaitée par le Parlement qui est engagée. En comparaison à l’année 2020, c’est 900 millions d’euros supplémentaires qui permettront de faire vivre la recherche scientifique et technologique dans les organismes de recherche, les universités et les écoles.

Notre troisième engagement, c’était de redonner à la science sa place dans notre vie économique, culturelle et démocratique. La recherche publique est notre meilleur levier pour stimuler la recherche privée, cela au service du renforcement du potentiel scientifique de la France. Cette ambition impliquait d’accélérer les interactions entre la recherche et l’entreprise, notamment en favorisant l’émergence de campus d’innovation à la française, dans lesquels les idées et les talents pourraient facilement circuler entre laboratoires publics et privés. Pour donner corps à ce projet, je labelliserai très prochainement une première vague de « pôles universitaires d’innovation » parmi les sites universitaires les plus engagés dans le transfert des productions des laboratoires vers le monde économique. C’est également l’ensemble des outils de la recherche partenariale entre le public et le privé qui ont été rénovés, du statut du chercheur entrepreneur à la hausse des bourses CIFRE en passant par une simplification drastique de l’encadrement du cumul d’activité pour les chercheurs et les enseignants-chercheurs.

L’ambition de rapprocher citoyens et chercheurs se traduit quant à elle dans une démarche nouvelle en faveur des sciences avec et pour la société. Présentée au printemps dernier, elle s’incarne dès à présent dans un soutien inédit aux hommes et aux femmes engagés dans le partage de la science. L’investissement des chercheurs est mieux accompagné et mieux reconnu. Conformément à son engagement de consacrer 1 % de son budget à cet enjeu, l’ANR a lancé cet été un premier appel à projet sur la médiation et la communication scientifiques. Par ailleurs, la promotion 2021 de l’Institut Universitaire de France comprend pour la première fois 4 chaires dédiées à la médiation scientifique et les premières médailles de la médiation scientifique du CNRS seront remises à la fin du mois de septembre sans oublier non plus la création du prix pour les sciences participatives de l’INRAE, ce qui témoigne de la pleine reconnaissance de cette mission dans la vie scientifique.

Les encouragements prodigués au monde de la recherche s’accompagnent d’un soutien renouvelé aux autres artisans de la culture scientifique et aux actions de partenariat, qui sont le maillon fort d’une science mieux partagée : cette année, le ministère a augmenté de 150 000 euros sa dotation aux associations de culture scientifique et de 200 000 euros sa subvention à la Fête de la science. Par ailleurs, une première vague de sites universitaires sera prochainement labellisée « science avec et pour la société » afin de financer les initiatives nouvelles qu’ils veulent porter en collaboration étroite avec les professionnels de la médiation du territoire, les acteurs culturels, les collectivités, les associations, les étudiants.

Le réinvestissement massif auquel notre pays s’est engagé en faveur de la recherche devant la Nation il y a un an est donc en marche. Décuplé par les crédits du plan France Relance, du PIA 4 et du programme Horizon Europe il doit permettre à la recherche française de poursuivre sa quête d’excellence et d’accompagner notre pays dans la construction de son avenir. 

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