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Comment la fusion de nouvelles régions mesurées à travers les liens économiques modifie les cohérences territoriales et financiers ?

Par Claire Bernard, France Stratégie, et Anne Epaulard, Université Paris-Dauphine et France Stratégie

 

Le nouveau découpage territorial prévu par la loi du 16 janvier 2015 suscite de nombreuses questions et a donné lieu à plusieurs travaux pour en évaluer la pertinence Un angle d’analyse a pourtant été jusqu’ici peu présent dans les débats: les interactions entre territoires. C’est cette approche des interactions entre territoires que nous avons choisi de mobiliser pour analyser le nouveau découpage territorial. Elle vise à caractériser les territoires au travers des liens qu’ils entretiennent avec d’autres espaces et est complémentaire des travaux étudiant la fusion des régions en mesurant les différences interrégionales (voir par exemple La France et ses territoires - Édition 2015, INSEE).

L’idée sous-jacente est que des liens économiques et financiers forts entre territoires d’une même région faciliteront les décisions pour le développement économique de la région et leur mise en oeuvre. Ils assurent non seulement une meilleure circulation de l’information mais aussi une plus grande convergence des préférences collectives. Ces liens jouent comme des courroies de transmission des politiques de développement économique.

Ce travail réalisé par France Stratégie n’a pas pour objectif de formuler des propositions en faveur d’un nouveau découpage régional, ni de préconiser que certains départements rejoignent une autre région que la leur. Il s’agit plutôt d’identifier les départements peu insérés dans leur région ou plus tournés vers une autre région que la leur au regard de deux indicateurs mesurant les liens économiques et financiers.

Les indicateurs de liens économiques et financiers entre départements retenus dans cette étude sont les mobilités domicile-travail et les liens d’actionnariat. Ils ne rendent évidemment pas compte de l’ensemble des interactions entre territoires mais donnent un éclairage spécifique sur certains liens importants entre départements. L’analyse pourra être par la suite enrichie à d’autres types d’échanges, comme par exemple les flux commerciaux entre les départements.

Le nouveau découpage territorial renforce la cohérence économique des régions

La cohérence économique interne de chaque région est analysée en comparant l’intensité des liens de chaque département avec les départements de sa région et avec les autres régions. Si, pour au moins l’une de ces deux dimensions (déplacements et liens d’actionnariat), un département a des liens plus forts avec une autre région, on considère alors qu’il subit une force centrifuge.

Il ressort de cette analyse que la cohérence économique interne des régions est renforcée par le nouveau découpage régional, impliquant des gains en matière de prise de décisions et de mise en oeuvre de politiques économiques. En effet, la carte à 13 régions propose des régions économiques plus cohérentes que la précédente dans le sens où moins de départements subissent des forces centrifuges qui les éloignent de leur région. 16 départements restent relativement plus tournés vers une autre région que la leur contre 24 avec les anciennes régions (cf. tableau)

Cela n’est pas un résultat trivial, car la fusion de certaines régions provoque deux effets contraires. D’un côté, pour les régions fusionnées, l’intensité des liens d’un département donné avec les départements de sa région augmentent mécaniquement en raison de l’accroissement de la taille de la région. D’un autre côté, comme les régions voisines sont elles aussi plus grandes, cela accentue également les liens potentiels du département avec les autres régions.

Le rôle des politiques régionales pour renforcer la cohérence économique

Nous choisissons ici de prendre comme une donnée le nombre final de régions. Dans ce cas, il n’existe pas une carte de France optimale qui surpasserait toutes les autres en éliminant l’ensemble des forces centrifuges.
Du point de vue du critère de cohérence retenu dans l’analyse, il existe donc plusieurs cartes possibles tout aussi pertinentes. Il faut également garder à l’esprit que l’approche menée ici est purement statique : la fusion des régions va susciter de nouvelles dynamiques qu’il sera intéressant d’observer dans le temps afin de voir si elles conduisent au renforcement de la cohérence économique régionale.

Les pouvoirs publics locaux ont un rôle important à jouer pour provoquer et organiser ces nouvelles dynamiques. Ils devront s’interroger dans les mois et les années à venir sur l’opportunité de mettre en place des politiques permettant de renforcer les liens économiques au sein d’une région. Les politiques de transport, de mobilité des étudiants et de développement économique sont naturellement des candidates naturelles pour servir un tel objectif. Une plus grande intégration économique régionale de l’ensemble des territoires à la vie économique de la région facilitera par la suite la prise de décision et la mise en place de politiques économiques efficaces et cohérentes de développement régional.