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Une proposition de loi pour le vote par correspondance

Plusieurs députés socialistes ont déposé une proposition de loi visant à instaurer le vote par correspondance. « Complémentaire » au vote dans les urnes, le vote par correspondance serait selon eux un moyen de « combattre l’abstention ».

L’abstention historique des élections régionales et départementales de juin 2021 a été un choc. Face à ce énième coup de semonce, les élus cherchent des parades. La proposition de loi d’élus socialistes en est une. Si ce taux d’abstention record - de 66,7 %, allant jusqu’à 87 % chez les jeunes de moins de 25 ans – peut s’expliquer « en partie » par la pandémie de Covid-19 mais aussi par le manque de clarté sur le rôle joué par les collectivités locales et par voie de conséquence par celui des élus, les députés socialistes ne peuvent que constater que « cette abstention, en progression, est le signe d’une perte d’intérêt pour la vie politique ». Aussi, le vote par correspondance leur est apparu être « un outil démocratique efficace pour combattre l’abstention ». Une assertion qui s’appuie sur des exemples étrangers et notamment en Allemagne, au Royaume-Uni en Suisse, en Espagne ou encore en Australie. Outre-Rhin, le vote par correspondance a été instauré en 1957 pour faciliter le vote des personnes fragiles, âgées, malades ou handicapées et ne pouvant pas se déplacer. Depuis 2008, l’électeur n’a même plus de justificatifs à produire.

En juin 2021, se sont tenues en Allemagne, dans le Land de Saxe-Anhalt, des élections régionales. « Le taux de participation a été de 60 % contre 33 % aux élections régionales en France » constatent les députés socialistes. « Pourtant, précisent-ils, la Saxe-Anhalt est une région de l’Allemagne de l’Est qui est réputée moins développée et plus pauvre que le reste du pays ». L’examen attentif des résultats montre encore que cet écart d’abstention entre nos deux pays se retrouve également chez les jeunes électeurs. Le taux de participation électorale des jeunes allemands étant de manière régulière supérieur à celui des jeunes français, à hauteur de 10 % en général. Si les taux de participation électorale sont préoccupants aussi en France qu’en Allemagne, les moins mauvais résultats allemands sont de nature à réflexion et poussent à agir jugent les députés socialistes.

En France, le vote par correspondance n’est pas une nouveauté. Il a existé de 1946 à 1975 avant d’être interdit en raison de fraudes répétées permises par le système. Plus d’ailleurs sur le bidouillage des listes électorales que le vote par correspondance en lui-même expliquent les auteurs de la proposition.

Ayant pleinement conscience que le vote par correspondance ne constitue pas « la » solution dans le processus démocratique de l’élection, avec leur texte, « il est simplement question de faire en sorte que celui-ci représente une alternative complémentaire dont des citoyens qui le souhaitent peuvent se saisir ».

A l’automne 2020, une mission sénatoriale sur le même sujet avait identifié cinq conditions pour la mise en place d’un tel vote : il ne doit « pas se substituer » à l’urne, mais lui être « complémentaire » ; l’acheminement des plis doit être fait « dans un délai contraint » ; l’identité de l’électeur doit être bien vérifiée ; une refonte du calendrier électoral est nécessaire, avec au moins deux semaines, plutôt qu’entre les deux tours, le temps d’organiser sereinement le vote par correspondance ; enfin une réorganisation des bureaux de vote devrait être faite, « car l’électeur doit pouvoir voter directement », « même s’il a envoyé l’enveloppe ».

L’article 2 du texte prévoit que « les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 30 janvier 2022 ». Histoire de pouvoir voter comme cela pour la prochaine présidentielle.

Avec la pandémie et avant les élections régionales, l’idée d’un vote par correspondance avait déjà émergé. A l’époque, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait déclaré que c’était « une fausse bonne idée ».

En France, le vote à distance, par correspondance ou par voie électronique n’est autorisé que pour les élections législatives ou consulaires et uniquement pour les Français résidant à l’étranger. 

Gérald Darmanin : “Nous travaillons à mettre en place le vote à distance”

Interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV le 29 septembre dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré que le gouvernement travaillait à « mettre en place le vote à distance ». Pour le ministre, il ne s’agit ni plus ni moins de mettre en pratique une promesse de 2017 du candidat Macron. « Le président de la République, dans son programme, a dit qu’il était favorable au vote à distance. Donc je travaille sous son autorité à mettre en place le vote à distance » a souligné Gérald Darmanin pourtant opposé à une telle mesure parce qu’attaché au « caractère absolument solitaire » du vote. « Il ne faut pas que votre mari, que votre curé, que vos enfants, que votre communauté voit ce que vous votez et vous oblige à voter quelque chose » a-t-il ajouté au micro de BFMTV. Pour le moment, le gouvernement n’en est qu’au stade de la réflexion. On ne parle ni de vote par internet ni par correspondance. « C’est une question difficile car on doit vérifier l’identité de la personne qui vote » mais « le vote à distance est techniquement possible » a-t-il reconnu. Seule certitude, cela ne pourra pas se faire pour la présidentielle et législatives de l’an prochain. « La loi et la Constitution nous enferment dans des dispositions que n’ont pas les pays étrangers. Par exemple on doit voter un dimanche. On ne peut pas le faire sur plusieurs jours comme c’est le cas en Allemagne. Donc il faut regarder tout ce que l’on doit changer, y compris des réformes constitutionnelles » a-t-il expliqué en guise de justification.

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