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Le TER Marseille-Nice change de voie

Pour la première fois, une ligne de TER en France devrait être exploitée par un autre opérateur que la SNCF. La Région Sud a demandé à ses élus de voter le 29 octobre prochain, en faveur de l’offre du groupe de transports Transdev pour la liaison Marseille-Nice.

Petite révolution dans le monde ferroviaire, en 2025, une première ligne TER devrait quitter la SNCF pour passer sous la responsabilité d’un autre opérateur. Après un appel d’offres lancé en 2019, la région Sud a en effet choisi l’opérateur Transdev pour assurer la liaison Marseille-Toulon-Nice (10 % du trafic régional). Un choix qui doit être entériné le 29 octobre prochain par un vote solennel. Pour cette mise en concurrence de cette ligne, trois opérateurs étaient en lice : la SNCF, opérateur public historique, le groupe privé Transdev et un acteur italien, Thello, filiale de la compagnie publique italienne Trenitalia.

Pour Renaud Muselier (LR), réélu président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’ouverture à la concurrence « permettra d’améliorer très significativement l’offre pour les usagers ». Déçu par les lignes RER dans sa région, Renaud Muselier s’était enthousiasmé à l’idée de pouvoir ouvrir à la concurrence leur exploitation. « On va avoir des prix “canonissimes” proposés par les opérateurs publics ou privés, français ou étrangers, qui répondront à ces appels d’offres » avait-il lancé en décembre 2019, promettant par avance que les usagers pourraient alors avoir « des trains à l’heure » avec « des rabais » et « avec une qualité de service ! »

« SNCF Voyageurs souhaite le meilleur succès à Transdev, dans l’intérêt des voyageurs et du développement du transport ferroviaire dans la région » a indiqué dans un communiqué la SNCF bonne joueuse. « Ce choix marque (…) la concrétisation de l’ouverture à la concurrence à laquelle nous nous préparons de longue date, où nos autorités organisatrices ont la liberté de choisir d’autres opérateurs que nous » a poursuivi Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, cité dans le communiqué. La SNCF ne perd pas tout pour autant. Elle a remporté le second appel d’offres dans la région qui concerne l’exploitation des lignes TER du lot « Azur (Etoile de Nice) », soit les liaisons entre Les Arcs-Draguignan et Vintimille (Italie), ainsi que Nice-Tende et enfin Cannes-Grasse. Pour ce lot qui représente les deux tiers des trains mis en concurrence, la SNCF était la seule à concourir.

Pour la ligne Marseille-Nice, le contrat de concession est de dix ans ; il est estimé à 870 millions d’euros. La Région assure un doublement du trafic dès 2025 avec l’offre de Transdev passant de sept à quatorze allers-retours quotidiens pour « un prix équivalent ». Pour le lot « Azur », la concession est de dix années aussi et le contrat est estimé à 1,5 milliard d’euros. Les usagers devraient pouvoir bénéficier de 120 allers-retours quotidiens contre 69 actuellement. Début de l’exploitation décembre 2024 pour ce lot et juillet 2025 pour le Marseille-Toulon-Nice, le temps d’acquérir du nouveau matériel.

Cet accord qualifié « d’historique » ne fait pas que des heureux. La CGT-Cheminots PACA a vivement réagi à cette annonce qui « ne sera pas sans coût pour les cheminots ». « Nous sommes attristés de cette décision, car cela va entraîner le transfert de 166 agents [de la SNCF vers Transdev] » a pour sa part déploré Didier Mathis, secrétaire général de l’UNSA-Ferroviaire, deuxième syndicat à la SNCF qui n’est pas surpris « car la région Sud aurait été embêtée si elle avait retenu deux fois la SNCF dans les deux appels d’offres, alors qu’elle disait être mécontente de la SNCF. La région aurait perdu toute crédibilité ».

Le Grand-Est, les Hauts-de-France, l’Île-de-France et les Pays de la Loire ont également décidé d’ouvrir à la concurrence leur TER. 


Le prix à payer
Un pavé dans la mare. Début septembre, le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, réfléchissait à haute voix sur le périmètre des facilités de circulation accordées aux cheminots et à leurs familles (billets gratuits ou à tarif réduit). « Sur le principe, je suis d’accord à ce que les cheminots gardent des avantages en nature » a dit le ministre délégué aux micros de RMC tout en estimant que « le sujet, la spécificité de la SNCF, c’est que le périmètre est très large ». Aujourd’hui ces facilités de circulation sont accordées aux agents actifs et retraités (328 144 en 2020) et à leurs ayants droit (786 692 en 2020*), soit plus de 1 million de personnes. Selon un rapport commandé par le gouvernement, cela représente un manque à gagner de 105 millions d’euros par an.
La question de ces facilités de transport se pose notamment avec le transfert de personnels lors de la mise en concurrence. Si la loi de réforme ferroviaire de 2018 s’accorde sur les garanties principales des salariés en cas de transfert à un concurrent, c’est aux partenaires sociaux de s’accorder sur la définition des garanties complémentaires comme les facilités de circulation. D’où la volonté du ministre délégué de « régler ce sujet-là avant qu’on ait un système de mise en concurrence » justement.
Mais sans surprise, les syndicats sont contre. « Tenter de provoquer un débat national autour de ce droit est grotesque et irresponsable » a immédiatement répondu la CGT-Cheminots qui « exige le maintien des facilités de circulation, sans contrepartie » menaçant de tout mettre en œuvre « pour que cette revendication soit satisfaite ».
*Conjoints, enfants de moins de 21 ans ou étudiants et ascendants

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