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La “surépargne des Français”

Fin juin, le surplus d’épargne financière des Français s’élevait à 157 milliards d’euros indique la Banque de France

La peur de l’inconnu ? Dans une note publiée le 7 septembre, la Banque de France indique que le surplus d’épargne financière des Français en raison de la pandémie de Covid-19 s’élève à 157 milliards d’euros à fin juin. Depuis le premier trimestre 2020, les ménages ont ainsi mis de côté environ 267 milliards d’euros, à comparer aux 111 milliards attendus hors pandémie. Mais si l’institution financière constate une légère décélération, le taux d’épargne reste toutefois important cette année. « Une lecture pessimiste de ces chiffres serait d’en déduire que les ménages restent très inquiets pour l’avenir et éprouvent le besoin de thésauriser ». Rien n’est plus faux pour François Mouriaux, directeur des statistiques monétaires et financières de la Banque de France qui rappelle alors « qu’en ce cas, ce surplus d’épargne aurait été affecté sur des supports de placements ». Ce qui n’a pas été le cas, le surplus ayant été plutôt laissé sur les comptes courants, en dépôt à vue. « Cette épargne là est liée au fait qu’il y a certaines dépenses que les ménages auraient faites en temps normal mais qu’ils ne pouvaient pas faire » complète Olivier Garnier, le directeur général de la Banque de France. « C’est le fait aussi qu’en dépit d’une chute sans précédent du PIB, le pouvoir d’achat, le revenu disponible des ménages compte tenu de l’inflation, lui n’a pas diminué » ajoute-t-il.

Bien que les dépôts à vue aient recueilli la majorité de cette « épargne Covid, les versements sur le livret A, produit phare de l’épargne réglementée, ont atteint leur plus haut historique, à 167 milliards d’euros, soit une hausse de 134 % par rapport à 2019 ». La note de la Banque de France précise encore que l’épargne réglementée représente une part « toujours importante » de l’épargne financière des ménages et des ressources bancaires. En effet, le total de cette épargne réglementée – livrets A, livrets de développement durable et solidaire (LDDS), livrets d’épargne populaire (LEP), plans d’épargne logement (PEL), plans d’épargne populaire (PEP) – a progressé de 5,5 % en 2020. Ce qui représente 814 milliards d’euros déposés sur les produits d’épargne réglementée par les ménages français fin 2020, dont 429 milliards d’euros sur les livrets A et LDDS, soit près de 14 % du patrimoine financier des ménages.

Reste que « les perspectives de conversion du surplus d’épargne financière des ménages français en consommation représentent un enjeu essentiel pour la reprise. Elles dépendront du retour de la confiance sanitaire et économique » estime François Villeroy de Galhau.

Pour les Français, le Livret A reste l’épargne privilégiée. Au 31 décembre 2020, le nombre de livrets A s’élève à 55,7 millions, dont 54,9 millions détenus par des personnes physiques et 0,82 million détenu par des personnes morales. Depuis le 31 décembre 2019, le nombre de livrets A a augmenté de 50 000 unités (+ 0,1 %), avec une hausse de 61 000 livrets pour les personnes physiques, et une baisse de 11 000 livrets pour les personnes morales. Le taux de détention des personnes physiques s’établit donc à 81,5 % en 2020, comme en 2019. Les versements sur les livrets A en 2020 se sont élevés à 167 milliards d’euros, alors que les retraits ont représenté 140 milliards d’euros – soit une collecte nette (hors intérêts) de 26 milliards d’euros. Il s’agit d’une progression de 134,2 % par rapport à 2019. « Depuis la mise en place de la collecte sur l’épargne réglementée en 2009, il s’agit de l’année enregistrant un plus haut historique pour les versements sur livret A. Par ailleurs, en matière de collecte nette, l’année 2020 est un plus haut historique depuis 2012 » indique la Banque de France.

A contrario, l’institution déplore le manque d’intérêt des Français pour le livret d’épargne populaire (LEP) destiné aux ménages modestes et soumis à un plafond de revenus et qui pourtant offre un rendement de 1 % contre 0,5 % pour le Livret A. « Le nombre de livrets d’épargne populaire (LEP), malgré une progression du solde net des ouvertures, reste à 7 millions, très inférieur au nombre de bénéficiaires potentiels (près de 15 millions de Français) » regrette François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France.

Interrogé sur Franceinfo, Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne juge pour sa part que l’épargne des Français ne doit pas « être montrée du doigt » en prétextant qu’elle est « inutile ». « L’épargne est utile déjà pour soi. C’est grâce à l’épargne qu’on va pouvoir se projeter, faire des investissements, acheter un appartement ou une voiture. Et puis, ce n’est pas inutile pour l’économie. L’épargne dans les banques sert à quelque chose, à financer justement l’économie à travers des prêts. Les banques vont pouvoir prêter aux entreprises et aux particuliers parce qu’il y a de l’argent dans les comptes. Cette épargne permet de financer l’ensemble de l’économie, que ce soit les acteurs privés ou l’Etat qui a besoin d’argent pour financer le “quoi qu’il en coûte” » a-t-il expliqué. 

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