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Les leçons d’un scrutin (second tour)

Après un premier tour marqué par une très forte abstention, les électeurs étaient appelés à se remobiliser. Peine perdue. L’abstention a encore été très forte. Les présidents des Régions sortants ont presque tous étaient réélus.

L’abstention encore. L’ensemble de la classe politique avait appelé les électeurs à se remobiliser et à voter. Mais rien n’y a fait. Les abstentionnistes ont été les grands « vainqueurs » de ces élections régionales et départementales. Le taux d’abstention a été pour ce second tour de 65,7 %, un peu en dessous du premier tour (66,7 %). Et même s’il y a eu une très légère remobilisation, la participation n’a pas été aussi importante que lors des précédentes régionales en 2015, avec un gain de près de 10 points, passant de 41,59 % au premier tour à 50,09 % au second tour. « Il n’y a pas eu de sursaut démocratique, cette élection a été escamotée par plus de 31 millions de Français » expliquait sur LCI, le sondeur Frédéric Dabi (IFOP) qui estime que « dans un contexte de sortie de crise, de proximité avec l’été, de précampagne présidentielle, cette élection n’a jamais trouvé sa place ». Une exception toutefois à ce manque d’élan républicain, les résultats en PACA qui voyaient s’affronter le sortant Renaud Muselier (LR) et Thierry Mariani (RN).

Les données analysées sur les abstentionnistes montrent que, comme au premier tour, ce sont les jeunes qui ne se sont pas rendus aux urnes. 79 % des 18-34 ans ne sont pas allés voter, contre 62 % des quinquagénaires, et 42 % des plus de 70 %.

37 % des cadres ont accomplis leur devoir civique contre 25 à 30 % des employés et des ouvriers. A noter également que l’abstention est un tout petit peu plus féminine (67 %) que masculine (64 %).

Toujours selon les sondeurs, ce sont essentiellement des personnes « apartisans » qui se sont abstenues (80 %). Si au premier tour, ce sont beaucoup des électeurs du RN qui se sont abstenus (73 % d’abstentionnistes), au second tour, il semblerait que ce soient alors plutôt les électeurs des Insoumis qui ne sont pas allés voter le 27 juin. Au second tour, les électeurs frontistes se sont un peu plus déplacés.

Pour le premier tour, 32 % des abstentionnistes expliquaient ne pas s’être déplacés parce qu’ils « n’avaient pas la tête à cela » et aussi par manque d’intérêt pour ces scrutins. Ils étaient 28 % à déclarer ne pas être allés voter « par mécontentement ». Au second tour, « l’abstentionnisme de protestation » est le premier argument avancé pour expliquer leur geste (27 %), suivi de « l’absence de préférence pour une liste ou un candidat » (23 %) et par « l’abstentionnisme de désintérêt » (20 %).

Des sortants (presque) tous réinvestis. A droite, c’est le grand chelem. En Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a largement gagné face au RN et à la gauche, avec 55,17 % des suffrages. Xavier Bertrand qui avait fait de sa réélection à la tête de la Région des Hauts-de-France la condition sine qua non pour aller à la présidentielle a remporté son pari. Il a été largement réélu avec 52,37 % des suffrages exprimés. En Île-de-France, Valérie Pécresse qui avait été élue de justesse il y a six ans a cette fois-ci remporté la mise face à la liste d’union de la gauche menée par Julien Bayou et contre celle du Rassemblement national. Tous trois sont maintenant prêts à en découdre pour la présidentielle.

A gauche, Carole Delga en Occitanie rafle la mise, sans faire d’alliance. En Aquitaine, Alain Rousset rempile pour un cinquième mandat. En Bretagne, le président sortant, Loïg Chesnais-Girard est réélu mais sans avoir la majorité absolue.

A la Réunion, le président sortant Didier Robert à la tête de liste d’union des droites et des centres a été battu par la maire de Saint-Paul, Huguette Bello qui avait fusionné sa liste avec celles des candidats PS et divers gauches.

Le Rassemblement National désabusé. Malgré un appel lancé à ses militants, la mobilisation des électeurs du RN n’a pas été suffisante. Le RN qui pensait pouvoir l’emporter en PACA a dû s’incliner. Partout, les résultats sont en baisse et vont se traduire par une baisse du nombre d’élus dans les exécutifs régionaux. Pour tenter de camoufler ce désaveu et trouver une explication à cette abstention record, la présidente du RN a fustigé « une organisation désastreuse et erratique des scrutins par le Ministère de l’Intérieur » tout en pointant « un désenchantement à l’égard des élections intermédiaires ».

L’échec flagrant de LREM. La République en Marche et ses alliés n’ont réuni sous leur étiquette qu’un peu moins de 10 % des suffrages au second tour des élections régionales. Il avait été éliminé de trois régions dès le premier tour. Le parti présidentiel n’arrive pas à se fixer localement. Par défaut, les Macronistes tentent de se rassurer avec leur lot de consolation accordé par Renaud Muselier qui, pour s’assurer sa victoire a promis que des élus LREM participeraient à l’exécutif.

Partout ailleurs, les résultats sont décevants : l’ancien ministre François de Rugy n’a obtenu que 8 % des voix en Pays de la Loire, la ministre Brigitte klinkert, moins de 13 %, dans le Grand Est, Geneviève Darrieussecq (MoDem) 13,2 % en Nouvelle-Aquitaine, et Marc Fesneau, 16,1 % en Centre-Val de-Loire.

Au Havre, la liste soutenue par l’ancien Premier ministre Edouard Philippe arrive en troisième position avec 22,01 % après la liste de l’union de la gauche (28,59 %) et loin derrière celle conduite par le président sortant Hervé Morin (32,5 %).

Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale perd son siège de conseiller régional de Bretagne. La liste de la majorité présidentielle, portée par Thierry Burlot, n’a pas dépassé 15 % des voix au second tour.

Et les départementales ? Le scrutin, lui aussi boudé a été émaillé de petites surprises. Le Val-de-Marne, bastion du Parti communiste et radical depuis 45 ans passe à droite. Olivier Capitanio, maire de Maisons-Alfort, a été élu président.

L’Ardèche, indécise, bascule finalement à droite avec le soutien du binôme des élus indépendants au Républicain Olivier Amrane au poste de président de l’Ardèche. Le département était à gauche depuis 23 ans.

Dans le Puy-de-Dôme, la majorité sortante a été battue et c’est la droite qui s’impose. Bascule à droite aussi dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, ancré à gauche depuis 1998, et dans le Finistère.

Dans ce département, un recours a été déposé par un conseiller départemental PS battu de cinq voix. Si la justice lui donne raison, le département pourrait rester à gauche.

La gauche reprend la Charente et les Côtes-d’Armor, deux départements passés à droite en 2015.

Dans le Tarn-et-Garonne. Jean-Michel Baylet, ancien ministre et patron de La Dépêche du Midi ayant choisi de laisser sa place à un proche plus consensuel a permis au PRG de reprendre le département.

Dans l’Eure, bonne nouvelle pour la majorité présidentielle. Le ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, a été élu à la tête du département. Avec l’accord du Chef de l’Etat, il cumulera les deux fonctions.

A noter de façon plus anecdotique, la défaite du candidat aux départementales soutenu par Jean Castex à Prades, terre du Premier ministre, battu par un tandem de gauche.

Enfin, Claude Chirac, fille de Jacques et Bernadette Chirac a été largement élue dans son canton de Brive en Corrèze (70,6 %). 

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