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La proposition de loi visant à protéger la rémunération des producteurs : une opportunité pour améliorer la répartition de la valeur au sein de la filière agricole et agroalimentaire

Par Martine Leguille-Balloy, Députée de Vendée

La loi EGALIM a soulevé beaucoup d’espoir mais sa mise en œuvre n’est que partiellement concluante : les revenus de nombre d’agriculteurs n’ont pas progressé et ont même parfois régressé. Les causes de cette situation regrettable sont multiples. Malgré les engagements sur la table, le juste partage de la valeur n’est pas effectif dans la chaîne commerciale.

Les consommateurs très préoccupés des enjeux sanitaires, des avancées écologiques et de bien-être animal semblaient prêts à payer le juste prix pour toutes leurs demandes sociétales alors qu’en réalité un grand nombre d’entre eux cantonnent leurs actes d’achats aux produits les moins chers, favorisant ainsi les produits importés qui ne répondent pas aux mêmes obligations qualitatives. La souveraineté tant réclamée n’est pas priorisée par la restauration hors domicile (RHD).

Tout n’est pas si noir, mais certaines filières ont encore besoin d’aide.

Le rapport de Serge Papin, chargé de mission par le ministre de l’Agriculture, autant que ceux du CGAER, et nos auditions de tous les acteurs des filières, démontrent que la bonne volonté collective ne sera pas suffisante. Seules des dispositions spécifiques, correctives ou complémentaires d’EGALIM, qui seront inscrites dans une loi pourront permettre d’atteindre les objectifs espérés. La proposition de loi portée par Grégory Besson Moreau, visant à protéger la rémunération des producteurs, élaborée à la suite d’une commission d’enquête sur les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, offre des perspectives intéressantes. Les discussions sur les dispositions proposées ont commencé, et s’il est évident que nombre d’amendements viendront les enrichir, son inscription au calendrier de l’Assemblée nationale dès juin ouvre à nouveau son lot d’espoirs et d’inquiétudes.

Avec Jean-Baptiste Moreau et Pierre Venteau, nous avions ouvert des discussions sur la contractualisation obligatoire dans le marché des secteurs des viandes bovines et également proposé une incitation à l’engraissement des jeunes bovins en France. Il est patent que toute proposition doit trouver sa faisabilité dans le droit communautaire. L’engraissement des jeunes bovins pourrait notamment se trouver facilité par les aides couplées de la politique agricole commune, et en particulier dans le cadre du plan stratégique national (PSN) présenté par le ministre de l’Agriculture le 21 mai dernier. Pour aider le secteur des viandes et donner un sens certain à la contractualisation, le vote dans la loi Climat et résilience de l’obligation de fournir 60 % de viandes françaises de qualité dans la restauration collective constitue un levier considérable. Il va de soi que pour tirer parti de ce levier, la filière ne pourra s’absoudre de se structurer en Organisation de Producteurs et de contractualiser formellement.

Si le but évident et ultime est une meilleure rémunération des agriculteurs et un juste partage de la valeur, reste une difficulté à ne pas négliger dans l’examen de cette proposition de loi : ne pas mettre en péril les PME du secteur de la transformation agroalimentaire qui pourraient se trouver en difficulté entre des prix agricoles non négociables en amont et la pression de la part de la grande distribution en aval. Mais comment mieux rémunérer les agriculteurs, ne pas mettre en péril les PME et imputer certains coûts induits par de nouvelles dispositions telles que l’arrêt d’utilisation du plastique pour l’emballage, peut-il être compatible ou cohérent avec une éternelle politique de prix bas ? Cette équation est d’autant plus complexe au lendemain d’une crise sanitaire ayant engendré des difficultés économiques pour nombre de nos concitoyens. La responsabilité de tous est désormais engagée pour permettre la juste rémunération de nos agriculteurs, qui seule garantira notre souveraineté alimentaire : celle de la chaîne de production et de distribution, celle des consommateurs, celle du Gouvernement ainsi que celle des élus que nous sommes. 

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