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Fin de vie à l’Assemblée : un coup pour rien

Après avoir été adoptée en commission, la proposition de loi « donnant le droit à une fin de vie libre et choisie » d’Olivier Falorni n’a pas pu aller jusqu’à son terme en séance. Les amendements déposés ont empêché son examen. Seul l’article 1 a été adopté.

Librement inspiré de la loi Belge adoptée il y a vingt ans, le texte du député Olivier Falorni (Charente-Maritime, Libertés et Territoires) n’a pas pu être discuté en séance. Les plus de 3000 amendements déposés essentiellement par une poignée de députés LR ont empêché son examen avant l’heure fatidique. L’issue était assez prévisible mais le coup de force a tout de même été tenté.

L’article 1er de la proposition de loi d’Olivier Falorni, stipule que « toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable », peut demander une « assistance médicalisée » pour mourir « par une aide active ». Pour le député, ce texte permettait de mettre fin à l’« hypocrisie » de voir des malades « s’exiler » en Belgique ou en Suisse pour pouvoir bénéficier d’une euthanasie. Il aurait aussi permis d’éviter de voir des euthanasies clandestines. Un sujet hautement symbolique et délicat qui a été âprement discuté dans l’hémicycle. Objet de convictions personnelles très arrêtées et hors courant politique, l’euthanasie fait depuis longtemps débat. Pour preuve, loin d’être apaisé, le dialogue (de sourds) entre partisans et opposants a été vif au cours des sept heures de discussions. Pour beaucoup, il aurait même mérité un plus long débat hors niche parlementaire, limitant de fait à une journée les échanges. D’autres ont regretté que cet examen se fasse en pleine période de pandémie et alors que nos soignants se battent quotidiennement pour sauver des vies. Finalement l’obstruction parlementaire a stoppé net la discussion. Ce dont a su très bien jouer, Olivier Falorni qui s’est exprimé à la tribune avec devant lui des piles d’amendements. « Ces feuilles n’ont qu’un but : empêcher l’Assemblée nationale, empêcher les représentants de la nation, les députés, de voter ici souverainement » a-t-il vertement lancé. « Vous n’avez pas gagné, vous avez déjà perdu ! » a-t-il ensuite répliqué à la poignée de parlementaires, auteurs de ces amendements en nombre. Pour sa part, le gouvernement n’avait que très mollement soutenu la proposition de loi préférant s’en remettre à la sagesse des députés. « A l’heure où notre pays est engagé dans une course contre la montre pour vacciner les Français et vaincre un virus qui a déjà fait tant de victimes, je ne suis pas convaincu qu’il nous faille ouvrir aujourd’hui un débat de cette envergure » a déclaré Olivier Véran, le ministre des Solidarité et de la Santé. Il a par ailleurs remercié les parlementaires qui se sont investis sur le sujet tout en dénonçant l’attitude des députés LR : « l’obstruction parlementaire d’aujourd’hui, [c’était] souvent les grandes victoires parlementaires de demain » a-t-il argué.

Si sur ce genre de texte, les groupes laissent généralement la liberté de vote, de nombreux parlementaires ont fait valoir leurs arguments. Il y a ceux qui ont tenté de faire part de leurs divergences et de leurs inquiétudes redoutant « une rupture éthique » qui engagerait « toute notre conception de la médecine » tandis que d’autres militaient pour cette « avancée sociétale » qualifiée d’« ultime liberté ». Et au sein même de la majorité présidentielle, des divergences sont apparues. Aurore Bergé (LREM, Yvelines) a fait entendre sa voix : « Reconnaissez que les doutes sont aussi largement partagés sur ces bancs et à l’extérieur de l’hémicycle » s’est-elle époumonée en vain. Thomas Mesnier (LREM), rapporteur général du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et plusieurs autres députés de la majorité estiment pour leur part que ce texte est contraire au serment d’Hippocrate. Ils ont été aussi nombreux à plaider pour une application pleine et entière de la loi Claeys-Leonetti. « Ce texte, si les moyens lui étaient donnés, permettrait de régler 99 % des situations de fin de vie » a notamment précisé Michèle de Vaucouleurs (MoDem). A l’inverse, des députés très impliqués, partisans de l’euthanasie ont défendu jusqu’à la dernière minute le texte, promettant qu’il ne s’arrêteraient pas là. « L’heure est venue de légiférer sur la fin de vie. Il n’est pas possible de repousser ce sujet lors de la prochaine campagne présidentielle » a notamment annoncé Jean-Louis Touraine. « Ce texte si essentiel peut être voté rapidement. Il suffit que le Gouvernement le reprenne et le fixe à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il le doit » a ajouté sur Twitter, Hugues Renson, vice-président de l’Assemblée nationale.

Finalement, après sept longues heures de débat, seul l’article 1 a pu être adopté. Une adoption certes symbolique mais sans effet puisque l’ensemble du texte n’a pas pu être discuté. 

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