Print this page

Universités fermées : n’abandonnons pas les étudiants à leur désespoir !

Par Cédric Villani, Député (NI, Essonne)

Un an déjà que nous vivons avec le COVID-19 ! Si l’actualité est toujours sombre, nous avons tiré bien des enseignements de cette crise, sur tous les sujets.

Les laboratoires de recherche ont accompli des exploits ! En immunologie, il y aura un avant et un après. Mais les problèmes sociaux et psychologiques se sont exacerbés et le tableau humain reste très sombre. Parmi une multitude de sujets liés, je mettrai l’accent ici sur celui des étudiants, auquel je suis particulièrement sensible par mon identité universitaire et parce que ma circonscription inclut un campus étudiant emblématique. Président du Comité Consultatif Paris-Saclay, j’ai eu l’occasion de mener une longue audition sur la précarité étudiante : trois heures de débat déprimantes où transparaissait un état de santé déplorable. Détresse financière pour les uns, précarité de logement pour les autres, troubles psychologiques pour tout le monde, ou presque. Stages barrées, échanges internationaux annulés. Longues files d’attente chez les psychologues débordés, anxiété et dépressions en hausse, attaques de panique. Selon l’Observatoire de la vie étudiante, la moitié des étudiants a déclaré souffrir de solitude ou d’isolement, et près d’un tiers d’entre eux ont présenté des signes de détresse psychologique suite au premier confinement, et le second confinement a été pire. Ces symptômes ne sont pas moins graves pour la société que le bilan purement sanitaire.

Pour bien comprendre cela, il faut se rappeler ce que sont les années d’étudiant. Le chaos productif propre à cet âge, qui a fait trembler les nations à plusieurs reprises à travers le monde, se joue dans les rencontres, échanges sociaux, mouvements incontrôlables. Chacune et chacun d’entre nous a des souvenirs particuliers de ces « jours de salade » (salad days). Aujourd’hui rien de tout cela, sauf quelques moments volés en catimini : des cours chez soi, en Zoom, dans une petite chambre ; des apéros virtuels ; ce n’est pas une vie pour un étudiant et le retour en présence à 20 % n’a été qu’une solution partielle. C’est aussi un âge de grande sensibilité psychologique, et la situation n’en est que plus dure ! Ajoutez à cela un immense sentiment d’injustice : comment comprendre que les entreprises autorisent le travail en présence et pas les universités ? Pire, comment admettre la différence de traitement entre les classes préparatoires et les universités, alors que le discours officiel de la France a toujours été une équité entre ces deux filières ?

Il ne s’agit pas ici de dire qu’il faut laisser les universités faire n’importe quoi en période de pandémie, mais d’affirmer haut et fort qu’en temps de crise les universités doivent rester des espaces plus libres et plus sociaux que le reste de la société : un "traitement de faveur" amplement justifié que cette communauté a pour la société. 


Ce texte a été rédigé avant les nouvelles annonces présidentielles du 31 mars.

530 K2_VIEWS