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Nouvelle-Calédonie : un gouvernement indépendantiste

Pour la première fois depuis les Accords de Nouméa en 1998, les Indépendantistes ont remporté le 17 février dernier la majorité au Gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie. Depuis les membres du Gouvernement collégial tentent sans succès de désigner leur président.

Le 2 février dernier, le bloc des Indépendantistes avait démissionné entraînant de facto la chute de l’exécutif, à majorité loyaliste. Spécificité de l’Accord de Nouméa, l’exécutif local est un gouvernement collégial, élu par le Congrès (assemblée délibérante) et responsable devant lui. Les élections sont organisées selon un scrutin de listes par les 54 élus du Congrès. Depuis 1999, seize gouvernements ont été élus, dont quatre en 2011.

Grâce à un accord passé avec les 3 élus du petit parti charnière l’Eveil océanien, les Indépendantistes de la liste Union calédonienne-FLNKS (UC-FLNKS) ont obtenu la majorité en emportant 6 sièges sur 11. L’autre liste nationaliste, celle de l’Union nationale pour l’indépendance-FLNKS (UNI-FLNKS) a également obtenu trois membres du gouvernement. Dans le camp loyaliste, deux listes étaient représentées. L’ancienne majorité, L’Avenir en confiance a obtenu quatre ministères avec dix-huit voix sur cinquante-quatre. L’autre liste, Calédonie ensemble, parti de centre droit, a obtenu un seul portefeuille.

Pour autant, les Indépendantistes de l’UC-FLNKS espéraient un siège de plus, quatre au lieu de trois. Mais contre toute attente, la voix de l’élue du Parti Travailliste, une petite formation indépendantiste et, plus surprenant, la voix d’un élu loyaliste de L’Avenir en confiance se sont reportées sur la liste de l’UNI-FLNKS.

Daniel Goa, le chef du parti indépendantiste Union calédonienne s’est félicité de cette victoire : « c’est un événement historique, on est devenus majoritaires dans le pays. Malgré cela, on n’est pas majoritaires sur le référendum, mais c’est à nous de travailler pour que les gens soient convaincus qu’il y a un autre modèle à proposer plutôt que de continuer à diviser la société comme c’est le cas aujourd’hui. »

Chez les Loyalistes, on reste prudents et attentistes. Et surtout sceptiques sur la crédibilité du nouveau gouvernement. « Nous, ce qui nous importe, c’est qu’effectivement que ce gouvernement soit opérationnel le plus rapidement possible, parce qu’on a besoin d’un gouvernement pour voter un budget et éviter une mise sous tutelle ; parce qu’on a besoin d’un gouvernement opérationnel pour régler le problème de l’usine du Sud [allusion à une offre de reprise de cette usine par le groupe suisse Trafigura rejetée par les Indépendantistes qui craignaient de perdre la main sur une ressource importante de l’île] qui empoisonne les Calédoniens et beaucoup d’autres sujets » a indiqué Philippe Michel de Calédonie ensemble.

Paris a pris acte de ces résultats souhaitant que cela permette de relancer le dialogue avec les Indépendantistes qui sont aujourd’hui dans l’impasse. « Quand on dirige l’exécutif, on ne peut pas dire non aux discussions » glisse-t-on dans l’entourage du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu.

Reste que, convoqué par le Haut-Commissaire à la suite de l’élection, le nouveau gouvernement s’est réuni à trois reprises pour désigner en son sein son président et son vice-président, sans y parvenir. « Il y a plus de quarante ans que nous n’avons pas gouverné le pays, nous pouvons bien nous permettre de prendre quelques jours. » « On doit trouver les meilleurs équilibres et donner du temps au temps plutôt que de s’exciter, c’est une particularité du monde kanak » a justifié très tranquillement Gilbert Tyuienon, membre (UC-FLNKS) du gouvernement. Une particularité qui n’est pas du goût de tout le monde. « Tout ça pour ça. Avoir fait chuter le gouvernement dans la précipitation, casser l’équilibre institutionnel, qui est fragile dans cette dernière ligne droite de l’accord de Nouméa, et tout ça au détriment de la vie quotidienne des Calédoniens » s’est emportée Isabelle Champmoreau, ministre de l’AEC. Sans exécutif, le budget 2021 qui devait être voté avant le 31 mars n’a pas pu l’être, la Nouvelle-Calédonie a été placée sous la tutelle de l’Etat.

En effet, comme le prévoit l’Accord de Nouméa et sans surprise, le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) a demandé le 8 avril dernier à l’État français d’organiser un troisième et dernier référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Fruit d’une « démarche unitaire » cette demande formalisée par l’envoi d’un courrier au Haut-Commissaire signé des deux groupes FLNKS au Congrès, l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) et l’Union calédonienne (UC). Le courrier a également été signé par une élue d’un parti séparatiste minoritaire. Un accord a été aussi trouvé sur la date de ce référendum qui devrait se tenir « en septembre 2022 ». La question posée pour cette consultation sera la même que pour les deux précédents scrutins : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Une formulation qui n’est pas du gout des Loyalistes qui souhaitent que ce référendum « imposé » par les indépendantistes « se passe le plus rapidement possible ».

Les précédents référendums, celui du 4 novembre 2018 et celui du 4 octobre 2020 ont été remportés par les partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France mais avec un score en baisse, passant de 56,7 % à 53,3 %.

Le Premier ministre Jean Castex a alors convié les parties prenantes calédoniennes à Paris du 25 mai au 3 juin « pour une session d’échanges et de travail » avec pour objectif de préparer l’après Accord de Nouméa. « Nous avons fait travailler les services de l’État sur les implications en matière monétaire, bancaire, sur le nickel, sur le lien avec la République, les questions de citoyenneté, les questions régaliennes... Tous ces documents seront communiqués et pourront être consultés par les différents acteurs » a indiqué Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, dans une interview conjointe au Monde et au quotidien local, Les Nouvelles-Calédoniennes. « Si par trois fois la Nouvelle-Calédonie confirmait son souhait de rester française, il conviendrait alors de lui donner un nouveau statut dans la République » avait déjà prévenu le ministre dans une tribune au JDD (28 février). 

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