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Le projet de loi Climat : avis de tempête

Contesté, le projet de loi Climat et résilience est en discussion à l’Assemblée pour trois semaines. Issu pour partie des propositions de la convention citoyenne pour le climat, le texte a fait l’objet de plus de 7000 amendements. Le débat promet d’être animé.

Le projet de loi « portant Lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » a entamé son examen en séance publique à l’Assemblée le 29 mars dernier. Après un passage en commission, puis devant le Conseil économique social et environnemental, le projet de loi comporte pas moins de 69 articles et six titres : se déplacer, se nourrir, se loger, consommer, produire et travailler, renforcer la protection judiciaire de l’environnement. Il est issu des 149 propositions citoyennes et vise à régir de nombreux aspects de la vie quotidienne des Français. On trouve dans ce texte des mesures touchant aussi bien à l’interdiction de certaines lignes intérieures d’avions, l’artificialisation des terres, la réglementation de la publicité, la lutte contre les passoires thermiques, le développement du vrac dans les grandes surfaces, l’instauration d’une « écotaxe » régionale… Pour la première séance publique, devant peu de députés, Barbara Pompili a défendu un texte de « bon sens ». Elle a toutefois admis que « face à l’urgence climatique, l’objectif est aussi simple que le chemin est complexe ». « La société à laquelle nous aspirons est tout sauf un monde de privations, est tout sauf un retour en arrière » a déclaré à la tribune la ministre.

Si le gouvernement par la voix de sa ministre parle d’un texte « équilibré », les oppositions sont nombreuses et cherchent à se faire entendre. D’abord dans la rue. Le dimanche précédant le début de la discussion, de nombreuses manifestations et « Marches pour le climat »se sont tenues dans toute la France à l’appel de 650 organisations aux cris de « Pour une vraie loi climat Stop au blabla ». Les quelques 110 000 manifestants (selon les organisateurs) ont alors exhorté les parlementaires à adopter « une vraie loi climat ». En février, le Haut conseil pour le climat avait pour sa part exprimé un avis très critique parlant « d’un manque d’ambition sur la portée, le périmètre ou le calendrier » des mesures du texte, appelant le Parlement à aller plus loin si l’on voulait que notre pays puisse respecter ses objectifs climatiques.

A l’Assemblée, avec plus de 7000 amendements déposés, le débat promet d’être animé. Parmi les parlementaires, il y a ceux qui trouvent d’office que le texte est loin d’être suffisant et qui estiment que le débat est « muselé » - en commission, 25 % des 5000 amendements déposés ont été jugés irrecevables, deux fois plus qu’habituellement pour un texte de loi. Et en séance le temps est limité à 45 minutes de parole. Pour ce qui est des oppositions, les écologistes de l’Assemblée ont très vite dénigré un texte qui « en commission a perdu entre un tiers et la moitié de son ambition, qui était déjà très faible » a déploré Mathieu Orphelin (NI, Maine-et-Loire).

« Ils n’ont pas compris que le changement climatique a commencé et qu’il est irréversible. Il faut donc préparer une toute autre organisation de la société » s’est emporté Jean-Luc Mélenchon, président du Groupe LFI à l’Assemblée lors de la marche parisienne contre la loi climat, donnant le ton de son opposition à venir dans l’Hémicycle. « Alors que la crise du Covid transforme en profondeur nos modes de pensée, l’économie, nos modes de vie, de consommer et produire, ce projet de loi sur le climat n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Entre renoncements, absence d’ambition, de financement et la non prise en compte des nouveaux enjeux : nous sommes dans une France en croissance démographique importante. 200 000 nouveaux habitants, soit l’équivalent d’un département comme le Gers chaque année. Cette loi devait permettre de repenser le monde d’avant et non pas de poser quelques rustines. S’appuyer sur nos territoires pour une transformation écologique, relocalisation, agir contre les mobilités contraintes des personnes, contre les mobilités désordonnées des marchandises... Rien sur l’action concrète. Beaucoup de communication jupiterienne décorrélée des territoires. Innover avec les emplois verts, le télétravail pour un développement autour de nos territoires. Voilà ce que l’on attendait pour écrire le 21eme siècle... » a déclaré le député François-Michel Lambert (LEF, Liberté Écologie Fraternité).

A la droite de l’hémicycle qui a déposé pas moins de 450 amendements de suppression, les élus redoutent la mise en place d’une écologie punitive. Ils pointent dans ce texte l’idée « d’une écologie de la taxation » alors qu’ils défendent « une écologie du pouvoir d’achat » qui doit en faire davantage sur « la rénovation thermique des bâtiments les circuits courts, l’alimentation » a expliqué le patron des députés LR, Damien Abad. « Nous voulons une écologie de progrès mais pas une écologie qui casse la croissance économique, ou qui mettrait une industrie la tête sous l’eau » a répondu Jean-René Cazeneuve, député LREM et rapporteur du texte.

Mais le débat n’est pas totalement apaisé non plus au sein même de la majorité qui se divise, entre autres, sur les repas végétariens dans les cantines ou la fin de l’exonération fiscale sur le gazole routier. Mais dans l’ensemble, la majorité déplore les attaques contre un texte qui en fait beaucoup plus que dans d’autres pays comme l’a précisé Marie Lebec (LREM, Yvelines) : « la direction que prend la France avec ce texte est assez peu partagée dans le monde et reste une première ». « Nous n’échapperons pas aux postures extrêmement caricaturales des oppositions » résume Célia de Lavergne (LREM, Drôme). Les députés de la majorité aimeraient aussi pouvoir instituer un septième titre dans ce projet de loi sur l’évaluation climatique qui donnerait lieu à un rapport annuel de la Cour des comptes. Certains élus LREM ne sont pas d’accord, ils redoutent de voir le parlement dépossédé de son pouvoir de contrôle.

Face aux critiques d’un texte jugé insuffisant, la Ministre de la Transition écologique, préfère rappeler que « pour rendre des mesures acceptables, il faut mettre en face les moyens pour que les gens puissent les assumer ». Barbara Pompili a assuré par ailleurs que ce texte qui se situe entre « ambition écologique » et « acceptabilité sociale » sera « une des plus grandes lois du quinquennat ». « Le changement de dimension, on va le voir dans tous les moments de notre vie » a-t-elle promis. 

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