Car depuis bientôt un an, notre pays, confronté à l’une des épidémies les plus meurtrières de son histoire, vit en effet sous le nouveau régime exceptionnel de « l’état d’urgence sanitaire ». Ce régime juridique, créé en 2020, à l’instar de l’Etat d’urgence défini par la loi du 3 avril 1955, prévoit que les libertés fondamentales peuvent être restreintes afin de répondre avec rapidité et efficacité à un péril imminent et d’ampleur pour la Nation. Il s’accompagne d’un renforcement des pouvoirs du Premier Ministre, du Gouvernement et des Administrations de l’Etat, au détriment notamment des pouvoirs du Parlement constitutionnellement en charge de son contrôle (article 24 de la Constitution) et garant des libertés (article 34 de la Constitution).
Retenir son pouvoir
L’état d’urgence rappelons-le n’est pourtant pas une obligation mais une simple facilité et une concession provisoire faite (par le Parlement) au pouvoir exécutif. Tous les pays confrontés à la pandémie n’ont pas fait le choix de l’état d’urgence ni de restrictions aussi importantes des libertés, ainsi l’Allemagne et le Royaume-Uni par exemple ont mobilisé la loi ordinaire pour établir les mesures d’urgence. Gratifié d’un pouvoir exorbitant, il est donc attendu de la part du pouvoir exécutif qu’il donne des gages de sa capacité à retenir lui-même son pouvoir dans des limites acceptables du point de vue de l’état de droit et de l’équilibre des pouvoirs.
Montesquieu, encore lui, disait que « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser.” Le rôle du Parlement est de veiller à ce que l’équilibre ne soit pas rompu au détriment des libertés. Or, à 10 reprises, le Conseil d’Etat a rappelé le Gouvernement à une plus grande proportionnalité des mesures d’urgence sanitaire, voire censuré certaines décisions venant restreindre notamment la liberté de manifester, la liberté de culte, le droit à la vie privée, la liberté de circuler, le droit d’asile, le droit à une vie familiale équilibrée ou encore la liberté de circuler.
Ces observations montrent que le régime de l’état d’urgence sanitaire doit faire l’objet, dans la pratique, d’une meilleure évaluation et d’une plus grande exigence de proportionnalité en matière de libertés publiques et de droits fondamentaux. Ceci pour assurer non pas seulement la préservation des libertés publiques face aux excès de la puissance publique, mais aussi l’acceptabilité des mesures d’urgence sanitaire et la légitimité des institutions de la République.
Vertu de la proportionnalité
“Il ne faut point mener les hommes par les voies extrêmes.” Mettait en garde Montesquieu, c’est le sens de ma proposition de résolution sur la mesure de l’impact et de la proportionnalité des mesures d’urgence sur nos libertés. Celle-ci demande premièrement que pour chaque prorogation ou prolongation de l’état d’urgence sanitaire, le Premier Ministre s’engage à venir devant les deux assemblées pour présenter un bilan détaillé des restrictions de libertés et justifier de leur proportionnalité. Et deuxièmement, que chaque projet de loi d’urgence soit assorti d’une étude d’impact sur les libertés et d’une justification de la proportionnalité des mesures en la matière.
Sauvons la liberté, et la liberté sauvera le reste ! Cette phrase de Victor Hugo, les parlementaires devraient la faire leur plus que jamais : l’urgence de la situation, ne doit pas nous faire oublier l’importance et le caractère premier de la liberté. ■
1. Comme le recense par exemple le Think Thank Génération Libre dans son observatoire des Libertés Confinées : https://www.generationlibre.eu/observatoire-des-libertes-confinees/