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Répondre aux enjeux clés du développement et de l’intégration des nouvelles énergies par l’innovation et une vision intégrée de la transformation numérique : La réponse des pôles de compétitivité à travers l’Alliance Smart Energy

Par André Joffre, Président du Conseil Stratégique Smart Energy Alliance, et Elisabeth Logeais, Directrice Exécutive Smart Energy Alliance

Le développement des énergies renouvelables est aujourd’hui une réalité de plus en plus visible dans notre quotidien, complétant les infrastructures existantes dans l’hydraulique depuis des décennies, par la construction plus récente de parcs solaires, éoliens, d’unités de méthanisation, mais plus encore par l’intégration fine de ces énergies pour améliorer le bilan énergétique des bâtiments publics et privés tertiaires, pour faciliter la décarbonation des industries, ou développer des usages de nouvelles mobilités qui s’élargissent tous les ans.

Cependant, les modèles économiques sont parfois encore fragiles, et l’un des enjeux est d’optimiser l’intégration de ces énergies dans des réseaux intelligents multi-énergies, dans le pilotage énergétique des bâtiments et des éco-quartiers et dans la gestion planifiée de mobilité durable supposant une réflexion profonde de transformation numérique des territoires et des acteurs, et également identifiant les conditions de succès pour la construction d’une filière d’excellence et des emplois associés.

L’alliance stratégique « Smart Energy French Alliance » née en 2018, issue de plus de 8 ans de collaboration, est constituée de 11 écosystèmes ancrés en région et couvrant l’ensemble du territoire national, y compris les territoires insulaires et zones non interconnectées.

Cette alliance nationale vise à adresser les enjeux clés du développement des énergies renouvelables, de leur intégration dans des réseaux intelligents multi-énergies, et de l’efficacité énergétique et de la mobilité douce dans une vision intégrée du système énergétique durable, et réunit conjointement les forces industrielles, d’ingénierie et de R&D publiques et privées de ces filières, constituant un secteur dynamique, créateur d’emplois et exportateur. La plupart de ces secteurs font aujourd’hui partie des axes stratégiques de la politique énergétique et économique de la France, identifiée en particulier dans le plan France Relance. De nombreuses start-up innovantes, PME, ETI et grands groupes sont engagés pour renforcer la compétitivité de ces différentes filières énergétiques alternatives.

Avec son réseau d’acteurs, proches du terrain et des projets, elle a pour objectif de consolider la connaissance fine des opportunités de développement, d’identifier les freins à lever, de porter une voix unique et plus forte auprès des instances nationales, pour dynamiser l’emploi, améliorer l’attractivité des territoires et développer la capacité d’innovation française, en s’appuyant sur trois cercles de compétences :

• Les pôles énergie, au cœur des enjeux des systèmes énergétiques optimisés (production, distribution, stockage) et plus globalement de transition énergétique

• Les pôles numériques apportant l’expertise numérique, l’intelligence artificielle, l’internet des objets, incontournables à la digitalisation en cours et à venir de l’énergie

• Les pôles applicatifs comme les pôles liés à la mobilité durable et aux bâtiments

Ensemble, ces pôles regroupent 2.000 adhérents, dont 1.300 PME. Les 2.300 projets labellisés par ces pôles représentent plus de 8 milliards d’euros d’investissement financés à hauteur de 2,8 milliards d’euros par des financements publics.

Ces pôles contribuent au plan de relance et inscrivent leurs actions dans un contexte de résilience afin de favoriser créations et reconversions d’emplois sur les territoires autour de la décarbonation des productions et des usages grâce au numérique et ce dans un souci de sécurisation des infrastructures et de protection des données

L’énergie de la production aux usages : grâce au numérique, accélérer et penser durable

La transition énergétique est au coeur des plans de relance de part son impact sur le climat mais aussi en matière économique compte tenu des domaines auxquels elle s’adresse, mobilité, bâtiment, industries – dont on attend plus de 240 000 emplois créés en 2023 et 400 000 en 2028.

L’énergie est par essence un vecteur de transmission entre infrastructures et systèmes et entre fournisseurs et usagers. Elle se produit, se transforme, se stocke, se transporte, se consomme, générant autour d’elle nativement un écosystème d’acteurs très large et divers, allant des constructeurs et gestionnaires d’infrastructures aux entreprises d’installation et d’exploitation mais aussi nourries d’équipementiers très nombreux. Il est constitué de grands groupes nationaux / internationaux et de milliers de PME/start-up implantées localement souvent étroitement associées au développement économique de leur territoire.

Mais ces métiers sont traversés par de multiples transitions sociétales, écologiques et technologiques : Energies renouvelables et besoins de stockage associés, applications de l’hydrogène, développement des usages électriques de mobilité en particulier, autoconsommation individuelle ou collective, … qui s’accompagnent d’une digitalisation intensive pour créer de nouveaux services autours des données et générer de nouveaux modèles économiques. Tout cela crée une complexité pour franchir des étapes structurantes en particulier pour mettre sur le marché les technologies et développer les usages décarbonés.

C’est ainsi que s’appuyant sur le Comité Stratégique de Filière des Nouveaux Systèmes Energétiques, la Smart Energy Alliance facilite la transversalité entre les filières verticales de l’énergie, du numérique et de la mobilité terrestre, pour rendre plus performant le passage à l’échelle de solutions innovantes sur un échiquier européen.

Quels sont donc les propositions de valeur et les actions à la fois de l’Alliance et des Pôles qui la constituent ?

Mettre le numérique au coeur de la décarbonation de la production aux usages pour accélérer la transition énergétique

Les volontés publiques ou privées existent de développement des productions d’énergie renouvelables, du renforcement des nouvelles mobilités, des recommandations d’amélioration des bilans énergétiques des bâtiments ou des industries, qui en elles-mêmes permettent de développer des emplois de proximité, et sont soutenus par des plans de relance et d’incitations au déploiement et aux travaux, (PPE, CEE, Fond Chaleur, …). Cependant, la difficulté est réelle de connecter tous ces éléments entre eux en terme d’organisation et de maîtrise technico-économique pour atteindre une rentabilité globale sur les projets.

L’une des clés pour lever ces barrières réside dans le montage des projets d’eco-systèmes territoriaux mettant en regard capacités de production et usages, dans lesquels le numérique prend toute sa place, afin d’apporter de nouveaux services, en associant aussi connaissance et formation auprès des décideurs.

L’apport du numérique a ainsi un effet démultiplicateur sur les activités et les emplois. Et il peut être mobilisé via des solutions innovantes, entre autres, sur :

• Les projets d’infrastructures EnR connectés avec l’optimisation des besoins et capacités de stockage liés aux usages de mobilité,

• Les projets en efficacité énergétique des bâtiments en lien avec la capacité de production locale EnR et/ou les usages locaux, (infrastructures de recharge..) en y associant les mécanismes d’autoconsommation collective et de flexibilité énergétique avec le mix des réseaux d’énergie publics par exemple.

Le secteur de l’énergie cumulant de nombreuses transformations, les donneurs d’ordre publics et privés ont besoin de repères pour être rassurés dans leurs choix au moment de lancer des appels d’offres. Leur apporter l’information est donc essentiel à travers plusieurs actions. C’est l’une des missions que s’est donnée la Smart Energy Alliance

Permettre l’accès plus large au marché des PME innovantes du secteur de l’Energie

Les freins au déploiement des solutions du fait de la complexité des ecosystèmes, et du nombre d’acteurs sont réels :

• Les appels d’offre publics sont peu ouverts à l’innovation ou répondent souvent à des critères uniquement financiers

• Les règlementations françaises sont contraignantes, limitant les conditions d’usage au niveau national alors que les technologies et les services développés sont viables sur d’autres marchés européens et internationaux.

• Le lien avec les grandes entreprises, ETI, et acteurs donneurs d’ordre, en France et à l’international pour la promotion du savoir-faire des entreprises PME/TPE est un enjeu clé permettant de rendre visible les solutions innovantes et doper les réussites françaises à l’export.

L’Alliance inscrit son action pour promouvoir la mise en place de leviers sur les dispositifs déjà existants d’incitation à la transition énergétique pour encourager l’intégration de ces solutions créées par les champions nationaux qui constituent notre filière et nos emplois durables.

Il est enfin aussi nécessaire d’ouvrir les conditions d’expérimentation réglementaire vers un référentiel Européen en particulier pour les Entreprises développant des solutions adaptées aux marchés internationaux dans des conditions d’usage de l’énergie réglementaires ou techniques différents que celui au niveau national pour pouvoir ainsi tester et valoriser ces solutions auprès de donneurs d’ordre étrangers.

Aider à la montée en compétences des acteurs publics et privés et développer la visibilité des solutions les plus performantes

Il est particulièrement difficile pour les acheteurs ou décideurs de disposer d’une expertise au jour le jour, leur permettant d’identifier les solutions les plus performantes ou d’avoir une compréhension systémique des facteurs clés de performance ou d’efficacité.

Tout d’abord, le développement de l’information en présentiel sur des sites existants ou en distanciel doit être une priorité pour partager les retours d’expérience, dégager des enseignements et ainsi faciliter le lancement de nouveaux projets dans des approches qui allient maîtrises technologique, économique et sociale. Par exemple, des programmes existent sur la gestion intelligente des multiples énergies ou les nouveaux modèles organisationnels, en s’appuyant par exemple sur les lauréats de l’appel à projets de l’Etat de 2015 sur les Smart Grids : Smile (Pays de la Loire et Bretagne), Flexgrid (Provence Alpes Cote d’Azur) et You and Grids (Hauts de France) auxquels les Pôles régionaux contribuent largement.

Ensuite, par ailleurs, face au très grand nombre de solutions accessibles, il est clé d’identifier les plus performantes dans une optique de coûts d’exploitation optimisée, tout en garantissant leur fiabilité technique. De ce fait la création d’un label French Smart Energ. pour des solutions labellisées par les pôles de compétitivité de la Smart Energy Alliance devrait permettre de donner cette visibilité avec la publication d’un catalogue de solutions pour les différents marchés d’usage.

Il est enfin clé d’introduire une composante claire dans l’ensemble des appels à projets publics d’une dimension d’innovation, valorisant en particulier l’apport du numérique en terme de développement et de levier sur la compétitivité des solutions. En développant et soutenant cette visibilité et ces marchés en croissance, cela permettra à ces entreprises et à ces solutions d’être de plus en plus abordables et donc ainsi se disséminer encore plus largement.

Développer l’innovation pour les filières stratégiques d’excellence de la transition énergétique

Il y a un enjeu fort de soutien à la créativité apportée par le tissu d’entreprises innovantes et de nos technologies dans un marché en très forte croissance et où la concurrence asiatique entre autres a déjà pris des avances significatives sur les technologies.

Nous avons une souveraineté et des filières stratégiques de transition énergétique à défendre, dont certaines ont déjà été identifiées dans le cadre du plan France Relance. Elles seront largement porteuses d’emplois nationaux si les usages se développent massivement : l’hydrogène, le biogaz et la méthanisation, l’éolien off-shore, le solaire, les services numériques en particulier sur les particuliers et collectivités, les technologies de décarbonation des bâtiments et industries, etc …

La mise en place d’Appels à Manifestation d’Intérêt animée par les pôles de compétitivité, et issus des travaux menés par le Comité Stratégique de Filière – Nouveaux Systèmes Energétiques montre une réelle appétence des entreprises, mais fait aussi naître des attentes sur les suites qui sont données. Les points clés sont nombreux :

• Poursuivre les Appels à Projets issus des AMI qui ont démontré leurs succès (H2, méthanisation) pour favoriser la compétitivité de ces filières au moment où la concurrence internationale s’amplifie, et poursuivre les autres thématiques en cours (réseaux territoriaux, en particulier)

• Maintenir et sécuriser la dynamique des dispositifs d’innovation proposés aux entreprises dans la continuité des travaux effectués par le CSF ces derniers mois

• Renforcer l’attractivité et l’accessibilité des PME dans les consortiums des PSPC Régions en les adaptant à la réalité opérationnelle de entreprises entre dépôt et financement, en développant des mécanismes d’avance plus attractifs

• Développer la connaissance globale des appels à projets Green Deal européens qui seront des moteurs forts de financement et favoriser le succès de nos entreprises à ces guichets en les accompagnant, avec l’appui les Points de Contact Nationaux Energies, Numérique, Mobilité, Sécurité des systèmes pour donner régulièrement un éclairage sur les thématiques apportées

Toutes ces propositions et réflexions ont un but ultime : constituer une filière française d’excellence visible en France et à l’International dans le domaine de la transition énergétique, alliant coordination et performance grâce au numérique, et bénéficiant d’un contexte national ambitieux en matière d’innovation et porteur engagé d’exemplarité sur l’intégration de ces solutions pour ses propres usages, qu’ils soient publics ou privés. 

www.smartenergy-alliance.org

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