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La nécessité de s’engager en faveur de l’économie circulaire

Par Stéphanie Kerbarh, Députée de Seine-Maritime, Secrétaire de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire*

Les mots sont importants. Il n’est plus question de prévention et de gestion des déchets mais d’économie circulaire. Comment concevoir des biens et des services de manière plus durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et par conséquence la production de déchets ? Le défi est immense et nécessite l’implication de tous et en premier lieu, celui des entreprises !

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 a fixé un cap ambitieux en matière de transition écologique : une réduction de 15 % des déchets ménagers par habitant et de 5 % des déchets d’activités économiques, la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040, le recyclage de 100 % des plastiques d’ici 2025, le réemploi de 5 % des emballages en 2023… Afin d’atteindre tous ces objectifs, les modes de production doivent évoluer et se transformer. Dès la conception des produits, il est nécessaire de penser la réparation, la réutilisation, et le recyclage. C’est pour cela que le mécanisme du bonus et du malus pouvant aller jusqu’à 20 % du prix d’un produit a été institué afin d’en améliorer les performances environnementales : réduction de la quantité de matière utilisée, incorporation de matière recyclée, emploi de ressources renouvelables, absence d’écotoxicité, recyclabilité des matériaux, réparabilité et durabilité du produit…

Plus de 130 mesures sont comprises dans cette loi. Elles vont progressivement se mettre en œuvre dans le temps et elles nécessitent des changements importants. Prenons quelques exemples concrets. A partir du 1er janvier 2025, les lave-linge neufs devront être dotés d’un filtre à microfibres plastiques puisqu’aujourd’hui entre 15 à 31 % des micro-plastiques trouvés dans l’océan proviennent des textiles synthétiques (rapport de 2017 de l’IUCN). La conception de ces filtres nécessite de la recherche et du développement. Ils constituent une nouvelle fonctionnalité. Il sera nécessaire de déterminer le seuil d’efficacité. Ces filtres doivent pouvoir être installés sur des lave-linge dont les lignes de production se situent principalement en dehors de la France. Les entreprises françaises doivent également se saisir de cette opportunité pour pouvoir installer ce filtre sur des lave-linge d’occasion… Sur un seul exemple, les enjeux sont alors multiples. Prenons un autre exemple, l’obligation d’incorporer un minimum de matière recyclée dans un produit. Il est nécessaire d’identifier les produits concernés ainsi que le seuil minimum d’intégration. La mise en œuvre n’est pas aussi simple que cela puisse paraître puisque le gisement disponible de matière recyclée n’est pas toujours disponible à profusion. Pour cela, il est alors nécessaire d’améliorer le tri et la collecte de cette matière afin qu’elle soit recyclée, tout en conservant des coûts raisonnables, la matière recyclée ne doit pas être excessivement plus chère que la matière vierge. Ensuite, les producteurs doivent modifier leur outil productif afin que leur machine puisse incorporer cette matière recyclée. De nombreux acteurs et de nombreux facteurs entrent là encore en jeu pour une mesure déterminée.

La loi votée et promulguée n’est pas une finalité, elle n’est qu’une étape dans l’engagement de la France en faveur d’une économie plus circulaire. Les nombreuses mesures nécessitent un temps de concertation avec l’ensemble des parties prenantes afin d’être traduites par les différents textes règlementaires. La crise sanitaire que nous traversons a ralenti le calendrier de ces concertations. Nous sommes aujourd’hui à un taux d’application de 12 % mais l’ambition doit rester la même. L’ensemble des décrets doit être pris rapidement afin que la mise en œuvre concrète de la loi se fasse dans l’ensemble des territoires, que ce soit pour les industriels, les collectivités territoriales ou les citoyens.

Par exemple, une bouteille en plastique PET produite à partir de matière recyclée permet de réduire de 70 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à une bouteille produite à partir de matière première vierge. Pour le recyclage de l’aluminium, c’est une réduction de 93 %, pour le textile il s’agit de 98 %.Les enjeux sont importants. L’ensemble des objectifs de recyclage de la loi permettrait une réduction de notre impact carbone équivalente à la fermeture programmée des quatre centrales à charbon en France. Par ailleurs, la loi a des conséquences positives sur l’emploi puisque l’objectif est de créer 300 000 emplois supplémentaires. Il est nécessaire de rappeler qu’un traitement plus élaboré d’un déchet aura une conséquence bénéfique importante pour l’emploi local. L’ADEME considère qu’en moyenne le traitement de 10 000 tonnes de déchets va nécessiter un emploi à temps plein en cas de mise en décharge, 3 à 4 emplois en cas d’incinération, 11 emplois en cas de compostage ou de méthanisation et 50 emplois en cas de démantèlement de produits usagés complexes. Plus on monte dans la hiérarchie du mode de traitement, plus cela créé de l’emploi. C’est ainsi que le recyclage permet de créer 10 fois plus d’emplois que l’enfouissement. Enfin, sur le plan de la souveraineté économique, le développement de la matière recyclée permet de réduire notre dépendance aux importations de matières premières. Recycler c’est être capable de capter en France la richesse de la matière présente dans nos déchets.

Par ailleurs, le plan de relance présenté par le Gouvernement consacre près de 500 millions d’euros à l’économie circulaire, montrant ainsi tout l’enjeu que cela représente. Les entreprises seront aidées dans leurs investissements dédiées à l’incorporation de matière recyclée. Le secteur de la réparation et du réemploi seront éligibles à plusieurs dispositifs. Une aide complémentaire sera apportée aux installations de production d’énergie à partir de combustibles solides de récupération (CSR). Ces installations permettent de contribuer à la décarbonation de notre industrie.

L’ensemble de ces politiques menées constituent une véritable politique industrielle engagée en faveur de la transition écologique. Elles constitueront, j’en suis sûre, un avantage compétitif. Les citoyens attendent de plus en plus d’engagement de la part de nos entreprises en faveur de la protection de l’environnement. Elles répondent à cette demande et nous les accompagnons dans cette transition. 


* Co-auteure avec Mme Mathilde Panot du rapport d’information n° 3386 sur la mise en application de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

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