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Avis “immigration, asile et intégration”

Dans le cadre du PLF 2021 et dans son avis sur le crédit de la mission « immigration, asile et intégration », la Commission des Lois du Sénat s’est notamment inquiétée d’une hausse constante des flux d’immigration légale, des demandes d’asiles et des résultats « toujours insuffisants » dans la lutte contre l’immigration irrégulière.

“En 2019, la France a fait face à une hausse inédite du flux d’étrangers en situation régulière” écrivent les rapporteurs pour avis Muriel Jourda (LR, Morbihan) et Philipe Bonnecarrère (UC, Tarn). « Le nombre de titres de séjours accordés à des primo-arrivants, en progression constante pour la neuvième année consécutive s’est établi à un nouveau record de 274 676 titres (+6,1 % en 2019, après +4,6 % en 2018) » précisent-ils. Cette hausse est notamment due à l’augmentation des admissions pour motifs économiques (+ 14,8 %) ou d’études (+ 7,5 %). Les rapporteurs relèvent ainsi que pour la première fois, les titres étudiants sont aussi nombreux que les titres familiaux. « Cette hausse, ajoutent-ils, est également portée par les régularisations d’étrangers autorisées par la « circulaire Valls » du 28 novembre 2012. Depuis la diffusion de cette circulaire, 224 199 admissions pour motif exceptionnel ou humanitaire ont ainsi été prononcées » soupirent les rapporteurs qui déplorent que le gouvernement ne prenne pas en considération les appels du Sénat en faveur d’un durcissement des règles d’admission exceptionnelle au séjour.

En matière d’intégration des étrangers en situation régulière, le rapport regrette « des moyens et des résultats en décalage avec les effets d’annonce ». L’objectif du gouvernement vise au renforcement du contrat d’intégration républicaine (CIR) avec une forte dimension linguistique et professionnelle. Il est mis en œuvre par l’OFII. « Or, regrettent les rapporteurs, les moyens qui lui sont accordés dans un contexte d’augmentation constante des flux d’étrangers primo-arrivants, sont en décalage avec les objectifs affichés par le Gouvernement ». La subvention accordée à l’OFII 251,4 millions d’euros est même en baisse de 1,57 % en 2021 par rapport à 2020. Les sénateurs pointent aussi une faiblesse dans les résultats de l’OFII en termes de maîtrise de la langue française – un quart des étrangers primo-arrivants ayant bénéficié d’une formation linguistique n’a pas atteint le niveau A1 et très peu se sont présentés au test permettant la certification de leur niveau de langue -, et d’orientation et d’intégration professionnelle.

En 2019, les demandes d’asile ont fortement augmenté, avec 132 826 premières demandes enregistrées à l’OFPRA (+ 7,4 %). Une hausse qui s’explique par les flux migratoires méditerranéens et des mouvements dits « secondaires » (procédure Dublin). A l’inverse, en 2020, en raison de la crise sanitaire (limitations de déplacements et confinement), le nombre de demandes a chuté (-30 %). Et pour 2021, la tendance devrait être à la stabilisation.

Le rapport s’inquiète enfin des résultats « toujours insuffisants » dans la lutte contre l’immigration irrégulière, « phénomène important et persistant » dont on a toujours autant de mal à mesurer l’ampleur faute de données précises. Appréhender ce phénomène ne peut être fait que de façon indirecte comme en étudiant les chiffres de l’Aide médicale d’urgence (AME) qui autorise un accès gratuit aux soins médicaux et hospitaliers spécifiques en faveur de ces étrangers. Au 31 décembre 2019, 334 546 personnes en bénéficiaient, « soit une hausse de 5 % par rapport à la même date l’an passé (318 106 bénéficiaires) et un doublement en quinze ans » lit-on. « Dans les faits, le nombre d’étrangers en situation irrégulière est probablement nettement supérieur, car tous n’ont pas recours à l’AME » insistent-ils. Le coût de l’AME est sans précédent avec un montant inscrit en « crédit et paiement » dans le PLF 2021 de 1 milliard et 61 millions d’euros.

Les rapporteurs notent avec satisfaction que le taux moyen global de délivrance des laissez-passer consulaires (documents fournis par les autorités du pays d’origine et indispensable pour renvoyer un étranger en situation irrégulière en France) dans des délais raisonnables s’est amélioré en passant de 54 % en 2018 à 67 % en 2019 grâce notamment à la conclusion d’accords de réadmission ou d’arrangements sur les procédures de réadmission. Reste toutefois que « le taux d’exécution des décisions d’éloignement en diminution constante depuis 2012, poursuit sa baisse inexorable ». En particulier le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français qui a atteint en 2019, « un taux particulièrement dérisoire ». En 2020, le nombre d’éloignements forcés ou aidés a été fortement réduit en raison de la crise sanitaire : « Alors que 65 630 mesures d’éloignement ont été prononcées sur les 7 premiers mois de 2020, seules 6 831 ont été exécutées, soit à peine 10 % » soupirent les rapporteurs. 

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