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Covid-19 : un rapport accusateur pour le Gouvernement

Le rapport de la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée sur la gestion de la crise sanitaire, avec pour rapporteur Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes) juge la gestion de la crise « défaillante ».

Un « pilotage défaillant » et une « gestion chaotique » de la crise sanitaire. Après six mois d’auditions, les conclusions du rapporteur Eric Ciotti et du vice-président de la mission, Damien Abad sont accablantes. Leur rapport qui « n’a pas pour objet de mettre en cause tel ou tel alors que l’engagement constant et le travail acharné de tous ceux qui ont eu à lutter contre cette crise [...] forcent le respect », dénonce cependant « un Etat mal armé et mal préparé » à une crise majeure. Au fil de son enquête, la mission n’a pu alors que constater que « la France ne se situe pas dans les bons élèves ». Avec une moyenne de décès de 727 par million d’habitants, contre 532 en moyenne en Europe et même 170 en Allemagne, la France se situe au quatrième rang des pays les plus touchés en Europe. Comment avons-nous pu en arriver là s’est interrogée la mission. Au fil des pages, le rapporteur n’épargne personne. Symbole de cette « défaillance » la gestion des stocks de masques. Début 2020, la France n’avait plus aucun masque FFP2 en stock (483 millions en 2013) et seulement 97 millions de masques chirurgicaux (contre 933 millions en 2011). Des stocks tout à fait insuffisants pour faire face à une crise de cette ampleur. Mais, reconnaît Eric Ciotti ce « désarmement de l’Etat » est le résultat « d’une lente évolution au cours de la précédente décennie ». Les valses hésitations, les revirements ont conduit à ces erreurs de communication et d’instruction sur des commandes de masques qui arriveront trop tard pour permettre au personnel soignant d’affronter en sécurité la première vague. Cette gestion hasardeuse des stocks a non seulement concerné les masques mais aussi les médicaments antiviraux. Alors que nous en avions plus de 300 millions en 2015, début 2020 le stock est tombé à 50 millions. Même chose pour les antibiotiques dont les stocks sont passés de 86 millions à un peu moins de 13 millions. « Notre pays n’a pas accordé à la préparation d’une crise majeure la vision prospective nécessaire explique au Figaro Eric Ciotti. On décide trop souvent lorsque la crise arrive ou s’est déjà produite. Le temps long ne fait plus partie des priorités politiques » déplore le député des Alpes-Maritimes. Aussi pour éviter que ces erreurs de gestion ne se reproduise, le rapporteur propose la nomination « d’un ministre délégué, placé auprès du Premier ministre, qui serait chargé de l’anticipation des crises, qu’elles soient sanitaires ou d’une autre nature ». Alors que la pandémie a mis à jour nos manques en matière d’équipements vitaux comme par exemple les respirateurs, ce ministère aurait aussi en charge d’établir la liste de produits et d’équipements dits « d’importance vitale » et d’œuvrer alors à la relocalisation de ces produits stratégiques. Enfin, pour éviter de nouvelles mauvaises surprises, une discussion sur l’état du volume de stocks aurait lieu chaque année lors de la discussion du PLFSS.

Et les tests ? Ici aussi, le rapport pointe les approximations et erreurs d’appréciation. Le 17 mars, la France n’a effectué que 13 000 tests, « c’est-à-dire vingt fois moins que l’Allemagne qui, à la même date, en avait réalisé plus de 250 000 » souligne le rapporteur. Eric Ciotti enfonce le clou en pointant des « lourdeurs administratives et des chaînes de décision trop longues, beaucoup trop longues ». « La mise à l’écart des laboratoires privés et des laboratoires vétérinaires départementaux au début de la crise fut une grave erreur » déplore encore le rapporteur qui s’interroge sur « le temps perdu » lors du déconfinement et avant la survenue de la deuxième vague dans la mise en oeuvre de la stratégie gouvernementale de dépistage « tester, tracer, isoler ». La reprise épidémique et la demande des tests en forte augmentation « a provoqué une embolie du système de dépistage et finalement une mise en échec de la stratégie gouvernementale ». « Force est de constater que les objectifs fixés par le déconfinement n’ont pas été remplis » finit par asséner Eric Ciotti.

La litanie ne s’arrête pas là. Le rapport s’est également penché sur « la question de la prise en charge de nos aînés » qui n’a pas été à la hauteur. « Comme les services d’aide à domicile, les Ehpad ont été les grands oubliés de la première vague » dénonce Eric Ciotti. Alors même que les morts en Ehapd n’ont été comptabilisés que tardivement, les chiffres sont éloquents : entre le 1er mars et le 7 juillet, sur les 29 933 morts du Covid, 14 081 étaient en Ehpad. Plus inquiétant encore, le rapport relate les expériences de ces directeurs d’Ehpad qui se sont vus refuser l’accès à l’hôpital pour leurs résidents en période haute d’épidémie. « Selon la DGOS (Direction générale de l’offre de soins), on observe une baisse de la part des personnes âgées de plus de 75 ans en réanimation durant la période la plus critique de la crise. Les chiffres sont passés de 24 % au début du mois de mars à seulement 14 % lors de la semaine du 30 mars au 5 avril, et seulement 6 % en Île-de-France, alors même que les personnes âgées sont davantage susceptibles de développer des formes graves de la maladie » observe le rapporteur. Des chiffres qui poursuit-il « invitent à envisager qu’au pic de l’épidémie, dans un contexte d’engorgement des services d’urgences et de tensions très fortes en service de réanimation, une forme de régulation fondée sur le critère de l’âge a parfois pu être opérée ». Un tri qui ne dit pas son nom.

Eric Ciotti aimerait voir la commission d’enquête prolongée jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Ce qui serait possible si et seulement si, elle renonçait à ses prérogatives de Commission d’enquête et se transformait en mission d’information.

Le rapport n’a pas été voté par les députés LREM qui se sont abstenus. « Nous ne pouvions voter pour un rapport partial et partiel, et nous regrettons évidemment qu’il ne reflète absolument pas la qualité des auditions et des débats que nous avons menés » a justifié Julien Borowczyk, le président de la Commission. « Malgré les 130 heures d’auditions et plus de 50 auditions – en parfait entente avec le rapporteur et en toute transparence – tout n’a pas été retranscrit » a-t-il regretté. 

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