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Mission prévention du suicide des agriculteurs : après la remise du rapport, les actes dès début 2021

Par Olivier Damaisin, Député de Lot-et-Garonne, membre de la Commission des finances et Rapporteur spécial régimes sociaux et de retraites

Le 1er décembre, Olivier Damaisin, député de Lot-et-Garonne, a remis un rapport intitulé « Identification et accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide » au Premier ministre Jean Castex. Cette mission interministérielle, confiée par le Premier ministre le 21 février dernier à Olivier Damaisin comporte 29 propositions pour améliorer les actions de sensibilisation et d’accompagnement des agriculteurs en difficulté et tenter d’enrayer les suicides qui endeuillent régulièrement le monde agricole. Le rapport rappelle que prévenir, détecter, remettre l’humain au cœur des relations, tout en accompagnant les agriculteurs dans leur quotidien doivent constituer un engagement fort de l’Etat.

Le 1er décembre 2020, j’ai remis mon rapport sur la prévention du suicide des agriculteurs au Premier ministre et aux ministres de l’Agriculture et de la Santé, qui avaient la tutelle de cette mission parlementaire. Celle-ci, prévue pour une durée de six mois, en aura finalement duré neuf, suite aux retards occasionnés par la situation sanitaire.

J’écris « retards », mais en réalité, chaque journée supplémentaire a été bénéfique pour affiner ma vision du sujet, écouter les acteurs concernés, analyser les dispositifs en place et imaginer des solutions pour les améliorer et/ou les compléter.

Le temps du confinement a ainsi été mis à profit pour organiser les réunions en visioconférence avec les institutions – banques, MSA, etc. – qui ne nécessitaient pas absolument une présence physique, ceci afin de n’avoir à leur sacrifier aucun moment en « présentiel », tous consacrés aux rencontres avec les familles endeuillées et les agriculteurs en souffrance.

L’humain pour l’humain, la technologie et le virtuel pour la bureaucratie : c’est de cette façon que j’ai tiré parti de la crise inédite que nous traversons. Et c’était bien le moins que je pouvais faire pour ces hommes et ces femmes qui sont notre force nourricière et l’âme de nos campagnes.

Face à un monde en mutation, où la place de l’agriculture et la demande de la société ont changé, le milieu agricole se sent souvent incompris et dévalorisé. De multiples causes, pas uniquement d’ordre économique, peuvent plonger les agriculteurs dans un mal-être, voire les conduire au suicide. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics, les acteurs professionnels et associatifs ont pris conscience de ces difficultés et ont engagé d’importants travaux pour mieux les identifier et mieux les comprendre, en déployant sur les territoires ruraux des dispositifs de repérage et d’accompagnement des agriculteurs en détresse.

La connaissance des facteurs de mal-être et de risque suicidaire progresse, même si le lien entre la situation socioéconomique des agriculteurs et le risque suicidaire reste compliqué à mettre en évidence. Les initiatives d’accompagnement sur les territoires, au plus près des agriculteurs, se développent, mais elles ne sont pas forcément coordonnées, ni connues des différents acteurs impliqués dans cette problématique. Les progrès que nous allons initier auront donc pour objectif de mieux qualifier les risques et organiser localement, de façon efficace, la détection, l’écoute et la prise en charge.

La ruralité a toujours été, et restera, au coeur de mes préoccupations. À travers cette mission, j’ai souhaité renouveler mon engagement à ses côtés, pour répondre aux soucis, aux préoccupations de ceux qui la font et contribuer à réinventer celle de demain, avec toujours plus d’humanité, de lien social et de respect environnemental.

La phase d’observation de cette mission, qui a donné lieu au rapport remis au Premier ministre, ne constituait à mes yeux qu’un commencement. Dès le lendemain, j’étais auprès du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, pour une réunion de travail, et une autre réunion est prévue dans les jours qui viennent avec le ministre de la Santé, Olivier Véran, afin de mettre sur la table des solutions et les rendre applicables dès le premier trimestre 2021.

Un délai aussi court nous est permis, car un tel plan d’action, entièrement tourné vers le concret, ne requiert pas un passage par la voie parlementaire : il peut être mis en place directement auprès des acteurs du secteur, à partir des dispositifs existants.

Notre gouvernement a hérité d’une situation intenable pour les agriculteurs : il a le mérite de se saisir de cette cause, de lancer des concertations et de s’investir dans des solutions. La principale cause de suicide dans ce milieu se situe sans conteste au niveau des revenus, et j’entends les critiques qui ont pu être prononcées quant à l’utilité de ma mission.

Toutefois, le but de ma mission ne se situait pas à ce niveau. Les revenus agricoles sont un sujet à part entière, qui font l’objet de travaux de la part d’autres parlementaires. Mon travail à moi consistait à comprendre et huiler les rouages de l’accompagnement des agriculteurs, une fois leur souffrance effective.

J’ai bien conscience que s’attaquer aux conséquences comporte bien moins de panache et suscite bien plus de réactions dubitatives que de déterrer et déraciner les causes d’un problème. Néanmoins, si ces conséquences constituent le présent, le vécu – dramatique, qui plus est – d’un certain nombre de nos concitoyens, quel que soit ce nombre, elles méritent qu’on s’y attarde, qu’on les accompagne vers la meilleure issue possible.

Nous avons tous un rôle à jouer pour améliorer notre modèle agricole dans son ensemble, tant du point de vue des pratiques que du point de vue socioéconomique. Mon rôle, pour le moment, c’est de faire en sorte que cette situation de souffrance présente trouve des réponses adaptées et efficaces, afin que plus aucun agriculteur n’en vienne à commettre l’irréparable du fait de sa profession.

Chaque pas, chaque avancée compte quand il s’agit de l’humain. Cette mission et ses retombées en constituent quelques-uns, qui seront suivis de bien d’autres en ce qui me concerne, à commencer par la reconnaissance et la revalorisation des retraites des conjoint.e.s d’agriculteurs, injustement mises de côté par le système actuel.

Et si d’aucuns voulaient des preuves de ma bonne foi et l’honnêteté de ma démarche, je les invite à se faire la sentinelle de ce projet, afin de vérifier si les actes promis aujourd’hui seront bien réalisés dans les prochains mois. 

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