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Les dépenses publiques en faveur de la SNCF en 2019

Par François Ecalle, Président de FIPECO

Les dépenses de l’Etat (ou de l’AFITF (1)) et des régions (ou d’Île-de-France Mobilités1 en Île-de-France) au profit de la SNCF et du régime spécial de sécurité sociale des cheminots se sont élevées à 12,9 Mde en 2019. Ce billet présente ces dépenses sans examiner leurs justifications.

Le coût de la SNCF hors régime spécial de Sécurité sociale des cheminots

En 2019, le « groupe SNCF » comprenait trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), un EPIC tête de groupe et les EPIC SNCF Réseau (les infrastructures ferroviaires, pour simplifier) et SNCF Mobilité (les trains, pour simplifier), ainsi que leurs filiales.

Selon le rapport annuel de la Commission des comptes des transports, les régions et Ile-de-France Mobilités ont acheté des services ferroviaires pour 5,7 Mde en 2019 à SNCF Mobilités. Ces achats de services avaient encore en 2019 une nature très particulière qui les éloignait d’opérations commerciales puisque, en attendant leur ouverture à la concurrence, les autorités organisatrices des transports avaient l’obligation d’acheter à la SNCF les services rendus par les trains express régionaux et le Transilien. Que l’on considère ce montant comme un achat de services ou une subvention, il a été payé par les autorités publiques régionales et donc indirectement par les contribuables (surtout les entreprises à travers le versement transports).

En outre, l’Etat a pris 0,4 Mde de frais de fonctionnement de la SNCF à sa charge (transport des militaires…) mais il a prélevé sur elle 0,8 Mde de recettes spécifiques (dividendes sur les résultats de 2018…). Par l’intermédiaire de l’Etat et des autorités régionales, les contribuables ont donc payé 5,3 Mde à la SNCF, soit 22 % de ses coûts de fonctionnement, en 2019.

Les subventions d’investissements reçus par la SNCF se sont élevées en 2019 à 2,0 Mde pour SNCF Mobilités (surtout des subventions des autorités organisatrices régionales pour acheter des matériels roulants) et à 2,4 Mde pour SNCF Réseau (dont 0,8 Mde de l’Etat ou de l’AFITF et 1,6 Mde des collectivités locales ou d’Île-de-France Mobilités), soit un total de 4,4 Mde. Comme le rapport financier du groupe SNCF fait état de 9,5 Mde d’investissements en France en 2019, ceux-ci ont été subventionnés par des administrations publiques à hauteur de 46 %.

Le coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) était donc de 9,7 Mde en 2019, hors protection sociale des cheminots.

Malgré ces subventions, le compte de résultat de la SNCF a souvent été déficitaire (- 0,8 Mde en 2019) et le groupe a souvent dû s’endetter pour financer ses investissements. A la fin de 2019, son endettement net financier atteignait 60,3 Mde (+ 3,6 Mde par rapport à fin 2018) et l’accumulation de résultats déficitaires depuis de nombreuses années se traduisait par des capitaux propres fortement négatifs (-8,7 Mde).

Une société se trouvant dans cette situation devrait déposer son bilan au tribunal de commerce et serait mise en redressement judiciaire. Comme la SNCF devait être transformée en société en 2020, l’Etat s’est engagé en 2018 à reprendre les dettes de SNCF Réseau à hauteur de 25 Mde en 2020 et 10 Mde en 2022. La première tranche est prévue dans la loi de finances pour 2020. Cette reprise de dette augmentera d’autant les fonds propres de la SNCF. Ces 25 Mde devront être remboursés par l’Etat, soit en réempruntant le même montant, soit en diminuant ses dépenses ou en augmentant ses recettes.

Le coût du régime spécial de Sécurité sociale des cheminots

Les agents de la SNCF ont un régime spécial de Sécurité sociale qui a été réformé en 2008 pour l’aligner, partiellement, sur celui des fonctionnaires. Si le mode de calcul des pensions est le même que pour ces derniers (75 % du salaire hors primes des six derniers mois (2) pour une durée de cotisation presque équivalente à celle requise dans le secteur privé pour obtenir le « taux plein »), l’âge minimal de départ en retraite est calé sur celui des catégories dites « actives » et « super actives » de la fonction publique, soit respectivement 55 ans (tous les agents hors les conducteurs à la SNCF) et 50 ans (les agents de conduite). Cet âge minimal doit être relevé de deux ans comme dans le secteur privé (de 60 à 62 ans) ou pour les catégories actives et super actives, mais avec un décalage de plusieurs générations. En matière d’assurance maladie, les agents de la SNCF bénéficient d’un service médical gratuit sans avance de frais.

Depuis 2007, ce régime spécial est géré par une caisse autonome de Sécurité sociale, la « caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ».

Sa branche maladie n’est plus distinguée dans le rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS). Les prestations et cotisations de droit commun sont intégrées à celles de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et il apparaît seulement que les prestations spécifiques de la SNCF (0,2 Mde) font l’objet d’une subvention d’équilibre de 0,1 Mde du régime général de Sécurité sociale.

Pour sa branche retraite, le taux de cotisation salariale est de 9,1 % en 2019 et le taux à la charge de l’employeur (38,0 %) est, selon le rapport de la CCSS, la somme de deux composantes : la première est « déterminée afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires obligatoires ; la deuxième est destinée à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial ». Le premier taux est de 24,0 % et le deuxième de 14,0 %.

Malgré cette contribution « forfaitaire » de la SNCF aux « droits spécifiques » de ses agents, l’Etat attribue au régime une subvention d’équilibre qui était de 3,2 Mde en 2019 et représentait 60 % des pensions versées (5,3 Mde).

Cette subvention d’équilibre est supposée compenser le déséquilibre démographique de la SNCF (1,85 retraités pour 1 cotisant), les droits spécifiques des cheminots (départs précoces notamment) étant supposées être financés par le taux de cotisation employeur de 14,0 %. En réalité, ce dernier est forfaitaire et couvre, comme la subvention de l’Etat, aussi bien le déséquilibre démographique que le coût des droits spécifiques. Selon un rapport de 2019 de la Cour des comptes, le coût des droits spécifiques s’élevait à 1,0 Mde en 2017.

La loi de 2018 prévoit que les recrutements de cheminots au statut cessent le 1er janvier 2020 pour faire place à des embauches sous contrat de droit privé dans le cadre d’une convention collective de la branche ferroviaire à élaborer par les partenaires sociaux.

L’arrêt du recrutement de cheminots au statut réduira progressivement les cotisations sociales versées au régime spécial de retraite à partir de 2020, ce qui obligera l’Etat à augmenter sa subvention d’équilibre. Les nouveaux agents seront toutefois affiliés au régime général dont les cotisations sociales augmenteront. Le coût pour les contribuables, entendus comme les redevables d’impôts et de cotisations sociales, ne devrait pas être significativement modifié.

Le coût total de la SNCF pour les finances publiques

Au total, le coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) s’est élevé à 12,9 Mde en 2019, sans tenir compte de son endettement, soit 9,7 Mde pour la SNCF elle-même et 3,2 Mde pour le régime de Sécurité sociale des cheminots. Il était estimé à 13,7 Mde en 2016 par Jean-Cyril Spinetta dans le rapport qu’il a remis au Gouvernement en février 2018. La méthode de calcul n’étant pas exactement la même, on ne peut pas en déduire que ces dépenses publiques ont diminué de 0,8 Mde entre 2016 et 2019. Il est seulement possible de dire que leur ordre de grandeur est resté le même.

Cette charge de 12,9 Mde pour les contribuables nationaux et locaux s’ajoute au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets de train. 

1. Cet établissement public, qui a remplacé le syndicat des transports en Île-de-France (STIF), finance les transports collectifs transiliens par un impôt sur les salaires (le versement transports), le produit des amendes liées à la circulation et des subventions des collectivités locales.

2. Les fonctionnaires n’ont pas de retraite complémentaire. Ce taux se compare donc à un taux de remplacement dans le secteur privé qui est aussi de l’ordre de 75 % avec les retraites complémentaires.