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Notre-Dame de Paris : l’œil de Mosco

Dans un récent rapport, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici a demandé une « enquête administrative » sur le partage des responsabilités dans l’incendie de Notre-Dame de Paris. La Cour s’interroge aussi sur l’emploi des dons et le financement de l’établissement public en charge de piloter la restauration de la cathédrale.

Si l’incendie de la cathédrale de Paris laisse au Premier président de la Cour des comptes un « souvenir poignant », cela ne l’a pas empêché de s’interroger sur le partage des responsabilités dans l’incendie mais aussi sur l’emploi des dons et le financement de l’établissement public. Un rapport qui intervient au titre de la mission confiée à la Cour par la loi de juillet 2019, de contrôle de la collecte, de la gestion et de l’emploi des fonds recueillis. Le premier bilan de ce contrôle est sévère. Il pointe en premier lieu la complexité de la gestion de la cathédrale à la veille de l’incendie caractérisé par « un éclatement des compétences, lié à la répartition de la propriété du site entre l’Etat et la ville de Paris et à son double statut de lieu de culte et de monument fréquenté par des millions de visiteurs ». « Cet éclatement, poursuit la Cour, se traduit aussi par un partage complexe des responsabilités relatives à la sécurité », notamment incendie. Voilà un détail pointé par la Cour qui n’en est pas un et qui a sans doute eu les conséquences que l’on sait. Les magistrats signalent aussi l’état « très préoccupant » de la cathédrale en raison de « l’insuffisance des travaux menés jusque-là » et prévus pour durer dix ans. Mais le rapport s’attarde sur « l’absence anormale d’enquête administrative » après l’incendie. Si la mobilisation de la Drac d’Île-de-France et des différents services du Ministère de la Culture a été rapide, « contrairement aux règles qui s’imposent à toute administration après une catastrophe grave, aucune enquête administrative n’a été lancée par le ministère pour déterminer d’éventuelles défaillances dans l’organisation de la maîtrise d’ouvrage et la conduite du chantier par la maîtrise d’œuvre ». La nécessité d’une enquête apparaît aux yeux du Premier président d’autant plus criante que « les travaux de restauration (post-incendie, ndlr) ont été confiés aux mêmes équipes, et que le ministère n’a pas organisé de retour d’expérience approfondi pour tirer toutes les leçons de la catastrophe » soupire Pierre Moscovici, et alors même que « la catastrophe justifiait totalement de s’assurer de l’absence de défaillance dans le pilotage du chantier ».

Autre point litigieux, celui de l’emploi des 825 Me de dons collectés après l’incendie auprès de 338 086 donateurs (particuliers et entreprises en France et dans près de 140 pays étrangers). L’enquête de la Cour décrit « une transparence insuffisante » dans l’emploi des fonds - près de 185 Me ont été effectivement versés et plus de 640 Me constituent des promesses - qui « risquent de fragiliser la concrétisation de certaines promesses de dons, dans un contexte de crise économique ».

La Cour cible notamment une « faiblesse » liée à la nature des dépenses qui peuvent être financées par les dons et aux modalités d’information des donateurs. Dans le viseur, l’établissement public dont la gouvernance est « marquée par le poids, à tous les niveaux, de son président exécutif », le général Georgelin. Interrogations donc sur cet établissement public doté d’un budget de 5 millions d’euros annuels, qui emploie 39 salariés hébergés dans des locaux de 476 m2 situés dans le très chic 7ème arrondissement de Paris (loyer de 260 000 euros). Pour les magistrats, il n’est pas justifié que ces dépenses de fonctionnement courantes « soient exclusivement financées par les dons » et encore moins lorsque l’on sait « qu’un quart de ses effectifs est affecté à des missions dont le lien avec les travaux de restauration est ténu ». Et Pierre Moscovici d’enfoncer le clou : « Pour le dire très simplement, nous ne sommes pas convaincus que les donateurs avaient pour objectif de financer le fonctionnement de cet établissement sans rapport direct avec le chantier ». « Les donateurs se sont mobilisés de façon exceptionnelle ; ils ont droit à la transparence » conclut le Premier président qui promet un autre rapport en 2022. 

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