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La Nouvelle-Calédonie reste française

Pour ce deuxième référendum, le « non » à l’indépendance du « Caillou » l’a emporté. Marqué par une forte participation, ce scrutin voit cependant l’écart se réduire avec les partisans du « oui ».

Prévu dans les Accords de Nouméa, le référendum qui s’est tenu le 4 octobre dernier permet à la Nouvelle-Calédonie de rester cette fois encore française. A la question : « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante », 81 503 votants ont glissé un bulletin « non » (53,26 %), contre 71 533 bulletins des partisans du « oui » (46,74 %). Un résultat favorable au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le giron de la France (depuis 1853) mais qui est toutefois en recul par rapport au précédent scrutin qui avait vu le « non » l’emporter par 56,67 % des suffrages en novembre 2018. Le scrutin a aussi été marqué par une forte participation, en hausse de 4,63 points (85,64 %) sur 180 598 inscrits. Les observateurs expliquent notamment cette hausse par la forte mobilisation des jeunes.

Tout au long de la campagne, les tensions ont été palpables entre les deux camps. Les positions des uns et des autres tendant à se radicaliser tandis que le vote approchait. Et une fois le scrutin passé, pourtant placé sous la surveillance d’observateurs extérieurs, les tensions ne se sont pas apaisées. Les Loyalistes - coalition de six formations anti-indépendantistes – ont déposé, le 15 octobre dernier, un recours devant le Conseil d’Etat pour contester les conditions de déroulement de la consultation dans certains bureaux de vote. Ils estiment que des pressions exagérées ont été exercées sur les électeurs de la part des indépendantistes.

Une Calédonie fracturée

Les résultats montrent une Calédonie coupée en deux avec deux camps divisés entre Kanaks et non-Kanaks (européens, indonésiens, Vietnamiens,...) même si certaines lignes semblent se fissurer légèrement. La carte du scrutin se superposant à celle des clivages traditionnels (politiques, ethniques et géographiques). Le « non » l’a ainsi très largement emporté dans la Province sud (70,86 %) qui est la plus riche et la plus fortement peuplée par les non-Kanaks (29,14 % en faveur du oui contre 25,88 % en 2018). A l’inverse, dans la Province nord et dans les îles Loyauté, à majorité Kanak, le vote en faveur de l’indépendance a été franc et massif (respectivement 78,35 % et 84,27 %). Les résultats montrent toutefois une réelle poussée du « oui » dans les trois provinces. Alors que l’écart entre le « oui » et le « non » était de 18 535 voix en novembre 2018, il n’est plus que de 9 964 voix cette année.

A l’annonce des résultats définitifs et pour « ce deuxième rendez-vous démocratique réussi », s’adressant aux Calédoniens, le Chef de l’Etat a dit « son profond sentiment de reconnaissance » après « cette marque de confiance dans la République ». Il a ensuite appelé les différents protagonistes locaux à « appréhender les conséquences concrètes de tous les scénarios ». Prenant acte des résultats et de la poussée du oui, Emmanuel Macron s’est plus particulièrement adressé aux indépendantistes : « C’est avec vous, ce n’est qu’ensemble que nous construirons la Nouvelle-Calédonie de demain ». Et si, comme le prévoit les textes un troisième et ultime référendum était organisé d’ici 2020, à la demande d’un tiers du Congrès (assemblée législative du territoire), « l’Etat fidèle à sa parole, se tient prêt à l’organiser ». « Nous avons devant nous deux années pour (...) imaginer l’avenir et pas seulement l’avenir institutionnel » a conclu le Chef de l’Etat citant alors plusieurs défis à relever pour l’archipel : l’indo-pacifique ; le développement économique et le défi climatique mais aussi l’éducation ; l’agriculture, l’industrie et l’énergie ; le tourisme, les alliances et les solidarités régionales ; la sécurité au quotidien ; l’égalité entre les femmes et les hommes.

Un dossier délaissé par Matignon

Si le dossier Calédonien est depuis plus de trente ans entre les mains de Matignon, Jean Castex semblait l’avoir quelque peu délaissé, pour autant le Premier ministre a annoncé à l’issue des résultats, qu’il réunirait « prochainement » les acteurs politiques de Nouvelle-Calédonie pour discuter de l’après-référendum. Entretemps, Sébastien Lecornu, le ministre des Outre-mer, s’est rendu sur place « pour préparer la suite » de l’accord de Nouméa, « sans sujet tabou ».

Reste que les discussions promettent de ne pas être simples. Forts de la poussée du « oui », les partisans de l’indépendance n’entendent pas s’en laisser compter : « ce n’est pas pour aujourd’hui, mais ce sera au troisième référendum » a notamment lancé le soir du vote, Pascal Sawa, maire UC-FLNKS de Houaïlou. Roch Wamytan, le président du Congrès (UC-FLNKS) a lui aussi prévenu : « Il y a deux points fondamentaux : la place du peuple kanak, parce que c’est lui qui a été colonisé et tant qu’il ne sera pas satisfait, il n’y aura jamais de paix dans ce pays ; et le lien avec la France, que nous questionnons depuis 167 ans ». En face, si on estime que les indépendantistes ont fait le plein de voix et qu’ils n’ont plus de marge de progression, la voie de la sagesse est celle du dialogue. Pour Sonia Backès, présidente de la Province sud, il faut aller « les uns vers les autres ». Opposé à ce référendum et penchant plutôt pour « la recherche d’un projet partagé », le député Philippe Dunoyer se dit inquiet : « Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une forme d’impasse et cela ne va pas faciliter les discussions en cours »

Résultats du scrutin du 4 octobre 2020 :
Votants : 154 918
Bulletins blancs : 855
Bulletins nuls : 1027
Suffrages exprimés : 153 036
Non : 81 503
Oui : 71 533

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