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Dette sociale : L’ordonnance de la Cour des comptes

La crise sanitaire a conduit à un accroissement « considérable » de la dette sociale. Aussi afin de sauvegarder dans la durée le système de Sécurité sociale et éviter une nouvelle aggravation de son endettement, la Cour fait plusieurs recommandations.

Les chiffres sont ténus et la Cour têtue. Dans leur dernier rapport consacré à la Sécurité sociale, les magistrats constatent que « la crise sanitaire a entraîné un creusement « inédit » du déficit de la Sécurité sociale ». Ce que personne ne conteste d’ailleurs. Seules les solutions divergent.

« Sous l’effet de la crise sanitaire, indique la Cour, le déficit cumulé du régime général de la Sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse devrait atteindre 44,4 Mde en 2020 (contre 1,9 Mde en 2019 et 28 Mde en 2010, à la suite de la crise financière) ». « Ce creusement inédit résulte d’une chute des recettes de la Sécurité sociale liée aux conséquences du confinement (-27,3 Mde) et, dans une moindre mesure, de dépenses supplémentaires (+11,5 Mde), essentiellement au titre de l’assurance maladie, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) progressant de 7,6 % en 2020. Cette situation a conduit à une reprise de dette par la caisse d’amortissement de la dette sociale, d’un montant tout aussi inédit de 136 Mde » expliquent les magistrats. « La crise sanitaire pourrait avoir une empreinte durable sur les comptes sociaux en affectant à moyen terme le niveau et la croissance des recettes de la Sécurité sociale » avertissent-ils. Pour éviter l’augmentation de la dette sociale, il faut donc « agir sur les dépenses » de la Sécurité sociale qui représentent 38 % du total des dépenses publiques françaises.

Reconnaissant que les résultats obtenus ces dernières années par les différentes branches de la Sécurité sociale « sont globalement positifs », ils restent cependant « encore insuffisants et hétérogènes ». Aussi, pour un retour sur le chemin de l’équilibre de l’Assurance maladie, la Cour propose cette fois encore et comme elle le fait de façon récurrente depuis plusieurs années déjà, plusieurs mesures d’ordre structurelles. La première est d’accélérer la mise en oeuvre des Groupements hospitaliers de territoires (GHT) nés de la réforme de 2016 et dont la réorganisation « est encore incomplète » et « doit être poursuivie ».

Une « exigence de solidarité »

Il importe ensuite de simplifier le système de financement par dotation des activités hospitalières caractérisé aujourd’hui par « l’existence de chevauchements entre différents enveloppes financières et un empilement croissant de lignes budgétaires, difficilement compréhensibles par les établissements de santé ». Sont ici visées les dotations dites pour « Missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation » (Migac) et des fonds d’intervention régionaux (les FIR), dont disposent les ARS pour financer des actions de santé publique d’intérêt régional et qui représentaient en 2019 près de 11 Mde.

La Cour aimerait que des efforts soient également accomplis sur le volet des dispositifs médicaux, utilisés dans un nombre croissant de maladies, qui représentent un dépense évaluée à 15 Mde (+4 % par an). La Cour estime ainsi nécessaire « d’agir en parallèle sur l’actualisation des listes de remboursement, la pertinence et l’observance des prescriptions, et l’optimisation des achats par les établissements de santé ».

Si « l’exigence de solidarité » est la clef dans la mise en oeuvre de ce type de mesures, cela implique « de mieux cibler certaines prestations » comme les minima de pensions de retraite. Conçus au départ pour les assurés ayant eu une carrière pleine mais avec des revenus faibles, ils ont surtout bénéficié à des personnes ayant des carrières à temps partiel ou incomplètes. Leur complexité a fini par conduire « à ce que près d’un demi-million de personnes ayant pris leur retraite voient leur dossier rester durablement en attente de règlement définitif ». Quant à la branche famille qui a mobilisé des financements publics importants (5,8 Mdse), cela n’a pas permis d’atteindre les objectifs fixés de création de place en crèche (taux de réalisation de 63 %). La Cour recommande d’apporter à ces dispositifs « les améliorations indispensables pour offrir aux familles un service de qualité sur l’ensemble du territoire ».

Des erreurs inacceptables dans le versement de prestations

Enfin, pour maîtriser les dépenses, la Cour invite fermement les organismes de Sécurité sociale à faire « progresser la qualité et l’efficience » de leur gestion. En s’assurant en premier lieu du versement à bon droit des prestations sociales, et notamment en réduisant le nombre d’erreurs affectant le versement de ces prestations. « Toutes branches confondues, ces erreurs se sont élevées à au moins 5 Mde en 2019 et sont en nette augmentation » s’agace la Cour qui préconise « l’automatisation des processus de gestion, la dématérialisation des déclarations et le renforcement des contrôles à posteriori sur pièces et sur place ».

Les magistrats veulent enfin revoir l’organisation des caisses de Sécurité sociale et des Urssaf, essentielle « pour améliorer la qualité du service et pour réduire les coûts ».

Si pour le Premier président de la Cour des comptes, « la priorité, face à la crise sanitaire, doit être donnée au soutien de notre système de santé », dès que les circonstances le permettront, il faudra « remettre rapidement la Sécurité sociale sur un chemin d’équilibre financier durable » et « limiter ainsi l’accroissement de la dette sociale qui pèse sur les générations futures ». « Des adaptations en profondeur seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Plus elles seront différées, plus elles seront difficilement mises en œuvre » a-t-il conclu. 

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