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Vents contraires

En dépit d’opposants aux éoliennes qui font de plus en plus entendre leurs voix, pour répondre aux objectifs fixés par le Gouvernement dans le cadre de la transition énergétique, le nombre d’éoliennes devrait croître de façon exponentielle ces prochaines années.

Dans le Haut-Anjou, l’affaire a fait grand bruit. Un couple de californiens qui avait investi près de 5 millions d’euros dans la restauration du Château de Falloux, une belle demeure du XVIII-XIXème siècle qu’il avait acheté en 2016, a décidé de jeter l’éponge. Les deux Américains, déçus, renoncent à leur rêve en raison d’un projet d’éoliennes géantes venu gâcher le paysage. Alors qu’un accord avait d’abord été trouvé avec la commune de Bourg d’Iré remisant le projet dans les cartons, celui-ci a refait surface moins de trois ans après. Et comble de malchance, on ne parle plus de trois mais de quatre éoliennes. Hautes de 150 mètres, elles seront largement visibles en arrière-plan du Château alors même qu’elles seront implantées à plus de trois kilomètres du site. Entretemps, Bourg d’Iré est devenue une simple commune déléguée comme 14 autres au sein de la commune nouvelle de Segré-en - Anjou bleu qui pour le moins ne semble pas avoir les mêmes intérêts. Tout cela a conduit le couple californien, dépité, à mettre en vente son château. Un scénario catastrophe qui ne sera sans doute pas le dernier. Ailleurs déjà une vente immobilière a été annulée pour « cause d’éoliennes bruyantes ». Ne parlons pas non plus du projet d’implantation de 22 éoliennes à seulement 10 km de la Montagne Sainte-Victoire, mondialement connue grâce à Cézanne.

Des opposants organisés

Pourtant partout en France, les opposants aux éoliennes marquent à la culotte les promoteurs et constructeurs d’éoliennes. Dernièrement, en Gironde, EDF renouvelables a dû reculer face à la mobilisation d’opposants réunissant aussi bien écologistes que chasseurs, grand propriétaires bordelais et retraités. La filiale de l’électricien a donc renoncé (pour l’instant ?) à son projet d’installation d’une quarantaine d’éoliennes géantes dans l’estuaire de la Gironde.

On estime que 70 % des projets d’éoliennes en France font l’objet de contestations devant la justice par des opposants de plus en plus rodés et préparés. Et cela ne devrait pas s’arrêter. Devant répondre aux objectifs fixés par le Gouvernement dans le cadre de la loi de transition énergétique de 2015, le nombre d’éoliennes va nécessairement augmenter. Aujourd’hui, on dénombre 8 000 éoliennes en France, elles seront au moins 15 000 d’ici à 2023 ! De son côté, le président du Syndicat des énergies renouvelables rappelle qu’on installe en France 1,5 gigawatt par an alors qu’il en faudrait au moins 2 pour respecter les objectifs gouvernementaux.

Enfin, si les procédures des opposants ne vont pas cesser, un arrêt des projets est moins assuré depuis les décrets « Lecornu / de Rugy » n°2018-1054 du 29 novembre 2018 et n°2018-1217 du 24 décembre 2018 qui permettent de supprimer le double degré de juridiction dans le contentieux éolien ; de réduire à 15 jours le délai d’étude des projets éoliens par l’administration et de remplacer les enquêtes publiques par une simple participation par voie électronique pour toutes les Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et notamment les éoliennes. Grâce à ces décrets, le délai entre le début d’un projet et la mise en route des éoliennes devrait passer de six à quatre années.

Trouver la place

Pour voir ensuite se développer les projets éoliens encore faut-il trouver de la place avec du vent… mais pas trop et sans habitations. Sauf que ces lieux sont déjà occupés par... les premières éoliennes plantées il y a une vingtaine d’années.

Mais que l’on se rassure (ou pas), ces mâts seront remplacés au fil du temps par une nouvelle génération d’éoliennes, plus grandes, plus réceptives au vent et avec un rendu de puissance plus élevé et avec même moins d’éoliennes nous promet-on. EDF renouvelables vient par exemple de procéder au renouvellement (« repowering ») de son parc éolien de Petit - Canal (Guadeloupe). « Cette opération de remplacement des éoliennes a permis de doubler la capacité installée du parc, qui s’élève désormais à 12 MW, tout en divisant par deux le nombre d’éoliennes (14 contre 32 précédemment) » indique ainsi dans un communique EDF Renouvelables.

Autres sites lorgnés par les promoteurs : les terrains militaires inoccupés ou peu utilisés comme ceux réservés aux vols à basse altitude. Mais l’armée reste réticente à l’idée : seuls 9 % de ces sites ont été concédés.

Un coût élevé

Le grand large est évidement l’autre débouché prometteur pour l’éolien qui en France a pris un certain retard et n’a pas encore de fermes éoliennes comme c’est déjà le cas en Grande-Bretagne avec 2000 éoliennes offshore. Le Groupe EDF a annoncé, il y a plusieurs semaines, le lancement de la construction du parc éolien en mer de Saint-Nazaire avec son partenaire canadien Enbridge. Avec 80 éoliennes et d’une capacité de 480 MW, « ce parc sera le premier implanté au large des côtes françaises avec une mise en service en 2022 » se félicite EDF

Renouvelables qui ajoute que le parc devrait fournir à terme 20 % de la consommation électrique de la Loire-Atlantique.

Quant au coût de l’électricité produite, il est en mer très largement supérieur à ce qu’il peut être avec l’éolien terrestre ou le nucléaire pour des raisons évidentes de difficulté d’installation et d’acheminement. Le coût de l’électricité produite au large de Saint-Nazaire devrait avoisiner les 140 euros par mégawattheures, soit deux fois plus cher que l’éolien « inshore ».

Rappelons pour finir que l’éolien est une énergie subventionnée et que chacun d’entre nous participe à son développement lorsqu’il paye sa facture d’électricité à travers la « Contribution au service public de l’électricité » (CSPE) dont 2,9 % sont réservés à l’éolien, soit 12 euros par an et par foyer (en 2016). En 2019, par l’intermédiaire de cette taxe, la filière éolienne française a recueilli près de 1,3 milliard d’euros d’aides. Cette subvention d’Etat pourrait s’arrêter en 2030 avec la baisse des coûts assure l’ADEME.

Paradoxalement, un autre souci lié au développement de l’éolien est pointé par plusieurs observateurs, celui lié à l’environnement avec la question du recyclage des mâts et des pales même si les constructeurs assurent que 96 % des matériaux des éoliennes sont recyclables. Sauf que la filière recyclage en la matière est encore balbutiante. Enfin, la construction des éoliennes va nécessiter beaucoup de béton et d’acier sans oublier de terres rares importées. Autant de questions qu’il va falloir vite résoudre si l’on veut tenir le choc avec les 15 000 éoliennes annoncées en 2023. 

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