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Transports en Île-de-France : Quand Valérie Pécresse a menacé d’arrêter de payer la SNCF et la RATP

La crise de la Covid-19 a fortement touché les finances d’Île-de-France mobilités, la société gestionnaire des transports parisiens. La présidente de la Région ne voulant pas augmenter le Pass Navigo a demandé à l’Etat de « prendre ses responsabilités ».

“Nous avons décidé à l’unanimité du conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités que le 8 juillet, date à laquelle nous n’aurons plus de trésorerie, nous cesserons de payer la RATP et la SNCF” affirmait fin juin sur les ondes de LCI, la présidente la région Ile-de-France, Valérie Pécresse. Une menace répétée depuis plusieurs jours même si, fort heureusement à la SNCF et à la RATP, on n’envisageait pas de dégrader l’offre. « L’arrêt des paiements le 8 ne signifie pas l’arrêt des transports » a voulu rassurer un responsable de la régie des transports parisiens. Il n’empêche que la situation est tendue. « L’heure est grave pour les transports parisiens » n’a cessé de marteler Valérie Pécresse.

Cette crise financière résulte de la crise sanitaire de la Covid-19 qui a fortement impacté les finances d’Île-de-France Mobilités, la société gestionnaire des transports parisiens en la privant de 2,6 milliards d’euros en 2020. Les recettes voyageurs (38 % des 10,5 Mdse de rentrées d’IDFM) ont été logiquement les plus affectées, avec une perte sèche de 1,6 milliard d’euros. « Pendant le confinement, on a perdu 90 % des voyageurs. Puis, pendant la première phase du déconfinement, on a continué à perdre 80 % des recettes voyageurs avec la distanciation physique obligatoire que nous avons été les seuls à appliquer en Europe. On a fait rouler des trains vides. On a tout assumé, y compris les mesures les plus dures, car on pensait que l’Etat serait à nos côtés » a détaillé Valérie Pécresse. Autre source de financement frappée au cœur (43 % des ressources d’IDFM) : le versement mobilité (une contribution locale des entreprises qui permet de financer les transports en commun assise sur la masse salariale des entreprises). Or, avec la pandémie et la mise en œuvre des mesures de chômage partiel et les nombreux licenciements, cette contribution devrait chuter de 1 milliard d’euros en 2020, soit 26 % des recettes d’Île-de-France mobilités. Forte de ce constat et calculette en mains, la présidente de région a demandé à l’Etat de compenser intégralement ce manque à gagner, « pas plus, pas moins », sans quoi, la Région ne verserait pas sa part (4,9 Mdse pour la RATP et 3 Mdse par an pour la SNCF). « L’Etat est actionnaire de ces entreprises. Qu’il arrête les trains lui-même. Qu’il prenne les décisions qu’il veut nous pousser à prendre » s’est agacée Valérie Pécresse. Une position soutenue par la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo (400 millions d’euros par an versés à IDFM). Pour la Présidente de la Région, « il n’y a pas beaucoup d’autres options qu’un plan de renflouement massif » estime-t-elle s’opposant à l’idée d’augmenter de 20 euros par an le Pass Navigo comme l’aurait voulu le gouvernement pour rembourser les pertes Covid a affirmé Valérie Pécresse qui « refuse d’instaurer un impôt Covid sur les Franciliens ». A l’autre possibilité d’arrêter les investissements, Valérie Pécresse s’y est aussi refusée soulignant que cela ne représente que 650 millions d’euros par an quand les dépenses de fonctionnement représentent 9,8 milliard d’euros. Et la présidente de la Région de s’emporter : « c’est incompréhensible, sauf à imaginer des arrières pensées politiques ».

Face à la fronde, le gouvernement a voulu apaiser les choses assurant par la voix du Secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari que « l’Etat sera aux côtés (…) de la Région Ile-de-France comme il est aux côtés des autres régions (…) les transports continueront de rouler en Île-de-France ». Ont également été annoncées plusieurs mesures comme le versement de 425 millions d’euros – soit environ 15 % des 2,6 milliards d’euros de pertes - en compensation de la baisse du versement mobilité mais aussi le report de l’ouverture des lignes 16 et 17 du futur métro du Grand Paris. Des annonces qui ne sont pas à la hauteur a vivement déploré Valérie Pécresse. « On ne peut pas tenir un double langage : avoir une conférence citoyenne et afficher une préoccupation pour la lutte contre le réchauffement climatique, et laisser les transports en commun en Ile-de-France faire faillite » a-t-elle commenté. « J’ai du mal à comprendre la logique du Gouvernement. Mettre 15 milliards d’euros sur l’aéronautique, 9 milliards sur l’automobile et dire : “Je mets 450 millions sur le ferroviaire”… » a ajouté Valérie Pécresse qui ne veut pas « des paroles d’amour », « je veux des preuves d’amour »


« Tout l’ensemble du transport est dans une situation critique aujourd’hui » déclarait récemment sur BFM Business, le président de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) Thierry Mallet. « C’est un secteur qui souffre énormément, la crise (du coronavirus) a un impact très important sur nos entreprises qui ont continué de fonctionner pendant le confinement » a-t-il expliqué avant d’ajouter : « C’est pour ça que la profession (...) a demandé à pouvoir évoquer la mise en place d’un plan de soutien ». Pour le PDG de Transdev, ce plan est une nécessité au regard des enjeux. « Notre secteur c’est 100 000 emplois. Si nous devions réduire l’offre demain, on parle de 20 000 emplois qui pourraient disparaître en France, et on parle de millions de Français qui dépendent de nous pour aller travailler et qui ne pourraient plus se déplacer » a-t-il alerté en rappelant qu’ « aujourd’hui, l’enjeu au niveau du secteur du transport public en France, c’est de l’ordre de 4 milliards, dont un peu plus de la moitié pour la région Ile-de-France ».
Pour Thierry Mallet, « ce plan massif aux transports publics » se déclinerait « en trois volets complémentaires : un soutien financier immédiat, une relance de l’investissement, un assouplissement du cadre juridique ». Plus précisément « sur le volet financier, ce soutien doit se traduire, dès 2020, par une compensation de la baisse du versement mobilité et des pertes de recettes commerciales, un taux de TVA réduit de 5,5 % en 2021, par un soutien adapté, en 2021, en fonction de l’évolution des recettes fiscales et commerciales ». « Pour l’instant, on est en discussion avec l’Etat qui a fait un premier geste autour du versement mobilité, qui est une des briques essentielles du transport public. Il faut maintenant qu’on arrive à discuter pour la partie pertes de recettes commerciales, qui est un élément important » a précisé Thierry Mallet.

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