“On croit tout savoir sur cette période, on imagine que tout est dit, analysé et même rabâché mais des zones d’ombre demeurent. Non tout n’a pas été dit” souligne en voix off le réalisateur Xavier-Marie Bonnot. Comme lorsqu’il s’agit d’évoquer la façon dont la Chambre des députés et l’Hôtel de Lassay ont vécu ces quatre années d’occupation. Car si la mémoire collective se souvient des réquisitions des grands hôtels parisiens (Lutetia, Meurice, Majestic), une chape de plomb et de silence a longtemps été posée sur le Palais Bourbon. Il faudra attendre 1999 pour que Laurent Fabius alors président de l’Assemblée nationale ordonne une enquête visant à faire la lumière sur ces années noires. Mais comme le reconnaît l’historien Eric Alary, « l’enquête n’a pas été toujours très facile parce qu’il y avait une grande méfiance d’abord au sein de la Maison. Il y avait une peur un peu irrationnelle de ce que pourraient découvrir les historiens. Mais plus les institutions attendent, plus évidemment le risque est grand de découvrir des surprises et parfois même de mauvaises surprises Il y a donc eu un souci de conservation de l’image ».

C’est au cours de la Seconde Guerre mondiale que le Palais Bourbon, symbole de la République a connu une des pages les plus sombres de son histoire. « C’est la France violée, avec ces militaires allemands qui occupent toutes les travées de l’hémicycle » résume Serge Klarsefeld. Ce documentaire en fait le récit. Récit qui commence avec son occupation par les Allemands en juillet 1940. Les photos du drapeau à croix gammée flottant sur le fronton de la Chambre des députés et de l’hémicycle plein d’Allemands en uniforme bras tendu et fixant un buste d’Hitler posé au perchoir font froid dans le dos.

Si entre 1940 et 1944, l’occupant a installé en ces lieux une bonne partie de l’administration du Gross Paris, le pire est à venir avec le procès en 1942 de 7 jeunes français accusés « d’attentats contre l’armée allemande, atteinte à la sureté de l’Etat, entente avec l’ennemi ». Pour éviter que cela ne se reproduise et pour frapper les esprits le procès devait donc se tenir dans un lieu symbolique : ce sera la Galerie des fêtes de l’Hôtel de Lassay. Sans surprise, les condamnés seront jugés coupables et fusillés. Une terrible histoire qui sert de fil conducteur au documentaire avec le témoignage des familles de ces jeunes condamnés. Ces pages sombres s’achèveront avec la reddition des soldats allemands dans cette même Galerie des fêtes, reddition qui sera reçue, ironie de l’histoire par un jeune officier du nom de Philippe De Gaulle. ■

1940-1944 / les années noires du Palais Bourbon – Un film documentaire réalisé par Xavier-Marie Bonnot (52’) – 2019

Une coproduction LCP-Assemblée nationale / Hikari / Pictanova.