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“La prévention reste le meilleur levier de lutte contre les fraudes aux prestations sociales”

Par Carole Grandjean, Députée (LREM, Meurthe-et-Moselle)*

Par lettre de mission, datée du 28 mai 2019, Monsieur le Premier Ministre Edouard Philippe, conjointement avec Madame Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la Santé, et Monsieur Gérald. Darmanin, Ministre de l’action et des comptes publics, m’a confié une mission d’évaluation de la fraude aux prestations sociale, en collaboration avec la sénatrice Nathalie Goulet.

Le rapport émanant de cette mission, intitulé « Lutter contre les fraudes aux prestations sociales, un levier de justice sociale pour une juste prestation », a été rendu le 5 novembre 2019.

Cette étude démontre que la multiplication des prestations, leurs différentes conditions d’attribution et modalités d’octroi, la dématérialisation de la relation, ainsi que la complexité du système peuvent concourir à faciliter les fraudes mais aussi à nuire aux populations les plus précaires et être source d’erreurs ou de non-recours aux droits. Elle démontre également que la prévention reste le meilleur levier de lutte contre ces phénomènes.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons souhaité également étudier la dimension européenne de la lutte contre les fraudes, notamment les fraudes transfrontalières. Par ailleurs, la question des fraudes aux cotisations sociales des entreprises, avec un focus sur la problématique des entreprises dites « éphémères », a fait l’objet d’un développement dédié.

Nous avons estimé qu’il n’était pas matériellement possible de procéder à un chiffrage du montant de la fraude aux prestations sociales. Cette impossibilité matérielle se double d’une inopportunité politique. En effet, nous n’avons pas souhaité que des polémiques sur des montants de la fraude obèrent le fond de notre rapport et les propositions qui y sont faites pour améliorer efficacement le fonctionnement des organismes de protection sociale et parvenir à la juste prestation.

Parmi les propositions que nous avons émises, il me semble important notamment d’accentuer l’acculturation concernant la lutte contre les fraudes sociales, notamment aux prestations sociales et d’organiser l’interconnexion des données en sortant d’une approche uniquement déclarative de la collectes de celles-ci et en s’inspirant du modèle belge de la banque Carrefour de la sécurité sociale, ce qui permettra de lutter efficacement contre le non-recours aux Droits, l’erreur réalisée de bonne foi ou la fraude.

Dans la poursuite de ces objectifs, j’ai déposé plusieurs amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale, visant à permettre aux Agences Régionales de Santé d’être membre des Comités Opérationnel Départementaux Anti-Fraude, mais aussi à faciliter l’échange d’informations entre les organismes de protection sociale et les administrations de l’État. J’ai également déposé un amendement visant à confier un audit à une autorité indépendante sur les modalités de gestion et d’utilisation du Répertoire national commun de la protection sociale. Enfin, un amendement prévoit explicitement un programme de contrôle et de lutte contre la fraude, adossé au plan de contrôle interne des organismes nationaux de Sécurité sociale. Tous ces amendements, soutenus par le groupe majoritaire La République En Marche, ont été adoptés en première lecture par l’Assemblée Nationale.

Nos axes de réformes doivent être désormais orientés vers davantage de croisements de données entre organismes, administrations et acteurs autorisés, sur l’exemple de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale belge, qui est un modèle performant de mise en commun de données, permettant de lutter contre le non recours, l’erreur et les fraudes. Notre système doit être simplifié par voie législative ou règlementaire afin d’assurer l’harmonisation des règles de versement de prestations et l’unification des définitions ayant une incidence sur les conditions d’octroi des prestations sociales (les notions de vie conjugale et de domicile social doivent notamment être clarifiées). Enfin, il est important de redéfinir la notion de « sanctions », afin de distinguer la sanction en cas de fraude ou d’erreur de bonne foi.

Lors de la seconde lecture du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, de nouvelles modifications législatives seront proposées afin d’organiser l’évolution et la transversalité des pratiques.

L’amélioration de notre système de traitement de données poursuit plusieurs objectifs et permet d’assurer un juste équilibre entre la lutte contre les fraudes, l’effectivité du versement des prestations sociales à l’ensemble de ses bénéficiaires et la prévention de l’erreur de bonne foi. La simplification du recueil et du traitement des données assurera de ce fait un meilleur service aux usagers. 


* co-auteure d’un rapport sur les fraudes aux prestations sociales

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