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C’est quoi l’Intelligence Artificielle ?

Par Robert Bentz, Consultant*

L’IA est un sujet de fantasme depuis de nombreuses décennies, dont le but est d’imiter le comportement humain. D’abord dans son quotidien, et dans ses phases de mobilisation du savoir, des connaissances, pour trouver des solutions originales, négociées si elles sont multiples, et optimisées si elle ont un coût (financier, humain, matériel..).

Pour situer le débat, ce que l’on appelle Intelligence Artificielle aujourd’hui est de l’algorithmique rapide, grâce aux capacités actuelles des ordinateurs. Pour mieux vendre cette capacité de reconnaissance des signaux en tous genres, cette algorithmique rapide est qualifiée d’Intelligence Artificielle « faible ».

En vrai, il n’y a pas d’intelligence du tout dans ces excellents algorithmes qui peuvent nous rendre, toutefois, de nombreux services dans le domaine de la robotique. Les algorithmes sont connus depuis longtemps, sont améliorés, mais surtout bénéficient de la rapidité des processeurs actuels. L’essentiel de ce que l’on appelle l’Intelligence Artificielle aujourd’hui est dans le domaine de la reconnaissance : image, son, signal au sens large. Les applications sont nombreuses car nous traitons enfin des grands volume de données. Données que les entreprises thésaurisent sur leurs clients, leurs fournisseurs, leur environnement. C’est le Big Data qui a fait l’objet de la « mode » précédente, et pour laquelle l’IA (marketing) est une porte de sortie vertueuse et très rentable.

L’on peut réfléchir à cette tendance naturelle à céder à la mode, par l’annonce périodique d’une nouvelle révolution technologique. Disons que cela est très bien fait par un marketing de grand talent.

Soyez prudents et critiques sur ces « révolutions technologiques » ! Ce que l’on appelle le Cloud aujourd’hui est un extraordinaire bon en arrière, car dans les années 60 l’informatique n’était constituée que de grands ordinateurs qui biberonnaient des terminaux sans capacité de calcul. C’est très globalement (mais en mieux !) la promesse du Cloud qui, aujourd’hui, est considéré comme un concept nouveau.

Le Big Data ne résulte que de l’augmentation du volume de données gérées par les entreprises. Il y a des capteurs un peu partout qui collectent des milliards d’informations élémentaires qu’il est intéressant d’exploiter pour mieux connaitre ses clients, ou analyser des comportements, faire des enquêtes y compris judiciaires, etc.. Les GAFA nous ont montré la voie en exploitant les informations que nous laissons sur leurs serveurs au travers de nos navigations. Mais exploiter ces masses de données nécessite de mettre en œuvre des algorithmes principalement statistiques. Le marketing veut nous convaincre que ces algorithmes sont intelligents, alors nous les baptisons « Intelligence Artificielle », car ils font très vite, ce que l’humain ne peut faire « à la main ».

La BlockChain est aussi une non révolution intéressante. Du problème des « généraux byzantins », un génial développeur mystérieux (Satoshi Nakamoto) a développé une architecture partagée, capable de supporter la cryptomonnaie Bitcoin. Le Bitcoin a durant plusieurs années occulté l’architecture support qu’est la BlockChain.

Après 2008, les spécialistes du marketing technologique, sans doute à court d’idées, sortent la Block Chain de l’ombre, comme une nouvelle révolution. Mais pour quel usage ?? Le moyen qui doit générer le besoin !

Les informaticiens en parlent et recherchent des usages et proposent aux métiers des applications. Un feu d’artifice d’idées et d’applications sont lancées, avec pour l’instant très peu de réalisations opérationnelles.

L’Intelligence Artificielle avec son rapport national très tendancieux, et incomplet, a mis sur les rails des équipes entières qui ont rebaptisé leurs activités en y rajoutant « Intelligence Artificielle », parce que cela fait tendance, et permet aussi de récupérer des budgets pour financer des recherches sur des algorithmes bien connus, mais améliorables.

Mais si l’on pense qu’avec ce plan de financement national pour l’IA, qui reste modeste, la France va conquérir le monde, cela est tout bonnement utopique.

Alors oui les politiques doivent être plus prudents sur ce qui leur est « vendu ». La France leader dans le domaine de l’IA, est un fantasme que les spécialistes des technologies informatiques en France et à l’étranger ne partagent pas. 


* Titulaire d’un DEA Intelligence Artificielle 1974 (IMAG et Marseille Luminy), Robert Bentz a crée et dirige une équipe de 50 personnes spécialisée IA, au sein du groupe CEA (Commissariat à l’Energie Atomique). Son équipe était composée d’anthropologues, d’ethnologues, de linguistes et d’informaticiens. Aujourd’hui, Robert Bentz est consultant, animateur de séminaire liés à l’informatique, Business Angel (PBA).a