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“Construire la sobriété en pratique nécessite une volonté collective. Autrement dit : une volonté politique”

Par Maxime Efoui-Hess, Chargé de Projet - Project Officer « Lean ICT »

La sobriété est une proposition d’innovation. Elle n’appelle ni à un retour en arrière, ni à un abandon de nos acquis technologiques, au contraire.

Ce que la sobriété numérique propose, c’est de rendre nos infrastructures et les usages que nous en faisons compatibles avec les contraintes climatiques et énergétiques. Ce qu’elle promet, c’est d’assurer la sauvegarde de notre système numérique et de ses apports les plus précieux.

Innover donc, mais avec science et conscience véritables pour éviter la ruine. Œuvrer pour un quelconque « Progrès » ce n’est plus se contenter de concrétiser et produire toute idée qui traverse nos génies techniques. Bien entendu, laisser libre court à notre inventivité ne comporte aucune contre-indication en soi et l’existence des chaussettes, de la salière et du préservatif connectés sont en fait, en un sens, signes de sa bonne santé. La réalité physique du globe nous appelle cependant à faire mûrir cette inventivité, pour la rendre consciente et digne des défis de notre siècle.

Chaque service ou usage numérique exige de l’énergie et émet du carbone lors de la production des équipements nécessaires et au cours de leur utilisation. Les contraintes naturelles nous forcent ainsi à choisir la manière dont nous souhaitons allouer les ressources au vu des limites qui s’imposent à nous.

Construire la sobriété en pratique nécessite une volonté collective. Autrement dit : une volonté politique. Nos usages ne sont pas le simple fait de nos choix individuels et le monde numérique en est un parfait exemple : emplie de designs addictifs et de modèles économiques construits sur la production d’immenses volumes de données, la forme même de notre monde numérique pousse aujourd’hui à une augmentation mécanique de la consommation d’informations – et donc d’énergie. Les organes politiques ayant été mis au point pour prendre les décisions collégiales que l’on sait dépasser l’échelle individuelle, leur devoir est d’amorcer les réflexions nécessaires à la rupture avec ces systèmes d’usages délétères.

Arbitrages complexes, mais terriblement prometteurs dans ce qu’ils assurent de résilience pour notre société. Or, à problème complexe, méthodologie méticuleuse : il est nécessaire de prendre pour point de départ les contraintes énergie et climat et de décliner des scénarios normatifs d’émissions à l’échelle des différents secteurs d’activité, dont le numérique. C’est sur cette base que pourront ensuite être arbitrées les solutions pratiques à mettre en place pour que les usages soient en accord avec les limites.

Ces limites environnementales sont physiques, amorales, apolitiques, non-négociables. Elles s’imposent sans discussion et les ignorer ne nous gardera de rien d’autre que de l’opportunité précieuse d’avoir réfléchi nos choix en amont pour éviter des sélections aléatoires. Car si les contraintes sont apolitiques, les décisions à prendre pour s’y soumettre judicieusement sont, elles, bien du ressort des organes collectifs. 

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