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Nord et Sud, un rapport en pôle position

Pôle Nord et Pôle Sud, deux espaces très éloignés géographiquement, situés aux antipodes l’un de l’autre, mais qui ont plus de connexions que l’on ne pense en général. Une mission d’information s’est penchée sur le sujet.

 

L’intérêt pour les pôles peut, aux yeux de certains, paraître comme « pittoresque » et pourtant comme le souligne Pierre Lellouche, « il n’en est rien pour ceux qui suivent les questions d’économie mondiale, l’évolution du monde et la géopolitique ». Le rapport d’information sur l‘Arctique et l’Antarctique d’Hervé Gaymard et de Noël Mamère confirme cette vision. Les deux pôles sont « en quelque sorte les miroirs réfléchissant de notre monde » rappelle d’ailleurs Hervé Gaymard.
Pour autant, si les deux pôles peuvent avoir des caractéristiques communes, il y a de grandes différences entre les deux démontre Noël Mamère. D’abord géographiques, l’un est une mer glacée, l’autre un continent, avec des conséquences du réchauffement climatique « qui n’y sont donc pas les mêmes ». Les différences sont aussi politiques. Si l’Antarctique est pour le moment « sanctuarisé » grâce au traité de 1959, complété par d’autres textes qui dédie l’Antarctique à la science et interdit l’exploitation minière, Noël Mamère ne cache pas son inquiétude et redoute que ce dispositif qui va arriver à échéance en 2048 « ne soit remis en cause par des pays » comme la Chine ou la Russie qui envisageait déjà en 2011 une exploitation minière. Et puis, il faut aussi compter avec la « menace » touristique et ses 50 000 visiteurs en Antarctique et même plus en Arctique. Bref, comme le fait remarquer le député écologiste « bien des revendications pourraient s’exprimer en 2048 et remettre en cause l’avenir du continent ».
Ce qui inquiète les rapporteurs c’est prioritairement la question du réchauffement climatique et des incidences sur les deux pôles.
« Ce qui se passe en Arctique est très symptomatique de l’évolution du monde depuis un demi-siècle, tandis qu’en Antarctique nous n’en sommes qu’aux prodromes du réchauffement » explique Hervé Gaymard. Noël Mamère va plus loin en indiquant que le caractère océanique de l’Arctique fait que les conséquences du réchauffement climatique « n’y sont pas les mêmes ». Sans compter qu’étant plus proche des grands pays industriels, l’Arctique est également plus touché par la pollution. Mais alors que cette année, la plus petite limite de banquise a été atteinte, d’ici vingt à trente ans la banquise pourrait disparaître en été, Noël Mamère estime pourtant que les perspect ives de développement de l’exploitation économique dans l’Arctique restent « limitées » : les nouvelles lignes maritimes seront peut-être un jour exploitées mais demeurent aujourd‘hui chères, car il faut la présence d’un briseglace. Quant aux compagnies pétrolières, elles sont retenues par la crainte des conséquences « exceptionnellement graves » qu’aurait une marée noire.

Une Gouvernance de l’Arctique qui serait à revoir

Conscients des risques et face aux risques d’exploitation de l’Arctique, les rapporteurs estiment, sans vraiment y croire, que la meilleure protection serait un statut équivalent à celui de l’Antarctique. Le problème est que l’Arctique est une mer entourée par des terres qui appartiennent aux Etats-Unis, au Canada, au Danemark, à la Norvège et à la Russie et que le droit de la mer (Convention de Montego Bay) s’y applique, donc la liberté de naviguer et de pêcher.
Ce n’est pas le seul problème soulevé par le rapport. Celui de la gouvernance de l’Arctique, à travers le Conseil arctique, est clairement posé et sur laquelle, les rapporteurs sont « relativement pessimistes », avec des pays riverains qui ont des attitudes différentes. Chacun y va de sa petite musique. Si les Etats-Unis ne considèrent pas l’Arctique comme une priorité, il est autrement pour les autres pays riverains. Le Canada se sert de l’Arctique pour « exalter la souveraineté nationale » ; la Norvège, « joue sur l’ambiguïté », en se montrant soucieuse de protéger l’environnement mais en restant ouverte aux discussions internationales.

L’Arctique pas au programme de la COP21

Quant au Danemark, présent en Arctique par le Groenland, « c’est là que les risques sont les plus grands, souligne Noël Mamère, car le Groenland est très riche en minerais, notamment les terres rares, qui suscitent bien des appétits ».
Enfin, la Russie qui renforce sa présence et remilitarise l’Arctique, est très dépendante de l’Arctique pour sa production d’hydrocarbures. « Les pays riverains n’ont tout simplement pas envie de partager et de voir arriver d’autres acteurs » résume Pierre Lellouche en évoquant la difficulté rencontrée par la France pour avoir un simple siège d’observateur au Conseil de l’Arctique.
Alors que l’Arctique ne sera pas au programme de la COP21, ce que déplorent vivement les deux députés, pour eux, l’idéal serait alors de considérer l’Arctique comme un « patrimoine commun de l’Humanité » et de la sanctuariser comme l’est l’Antarctique, « mais ce sera difficile, voire impossible » soupire Noël Mamère. « Il faut élever la ligne d’horizon et ne pas se contenter des pesanteurs de la souveraineté. Je pense que pour les pôles Nord et Sud, il faut résolument une action internationale, même si cela peut paraître à court terme vain, naïf ou idéaliste. Il est important de garder cette part d’idéalisme » reconnaît en guise de conclusion Hervé Gaymard.

 

 

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