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Le numérique, acteur (actif) du réchauffement de la planète

Intéressante étude que celle du think tank The Shift Project consacrée à l’impact sur le climat de l’usage de la vidéo en ligne. Un cas pratique pour la sobriété numérique. Car il est bon de rappeler que le numérique émet aujourd’hui 4 % des gaz à effet de serre du monde, soit davantage que le transport aérien.

“Les impacts environnementaux directs et indirects (« effets rebond ») liés aux usages du numérique sont insoutenables et en forte croissance” assène The Shift Project, un think tank qui se présente comme oeuvrant en faveur d’une économie post-carbone. Si on le soupçonnait - tout en détournant le regard -, son étude intitulée : « Climat, l’insoutenable usage de la vidéo en ligne – un cas pratique pour la sobriété numérique » remet quelque peu les idées en place. Le numérique émet aujourd’hui 4 % des gaz à effet de serre au monde, soit davantage que le transport aérien. Cette part, souligne le think tank pourrait doubler d’ici 2025 pour atteindre 8 % du total – soit la part actuelle des émissions de voitures. Le numérique qui envahit notre quotidien (dématérialisation à outrance, streaming, email,...) accroît sa consommation d’énergie de 9 % par an. Un paradoxe alors même que l’Accord de Paris engage tous les Etats signataires à diminuer drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à la fin de la prochaine décennie. Le numérique et la dématérialisation, gages d’un développement durable énoncé ne seraient peut-être pas aussi « verts » que promis. Car forts consommateurs d’énergie. « Le risque de voir se réaliser un scénario dans lequel des investissements de plus en plus massifs dans le numérique aboutiraient à une augmentation nette de l’empreinte environnementale des secteurs numérisés est bien réel » se désole The Shift Project qui enfonce le clou : « La transition numérique telle qu’elle est actuellement mise en œuvre participe au dérèglement climatique bien plus qu’elle n’aide à le prévenir ».

Dans son étude, The Shift Project a choisi de cibler tout particulièrement la vidéo en ligne* qui fait aujourd’hui l’objet d’un usage intensif. Stockées dans les centres de données, elle est acheminée jusqu’à nos terminaux (ordinateurs, smartphones, Tv connectées, etc.) par les réseaux (câbles, fibre optique, modem, s antennes de réseaux mobiles,...). Or, « tous ces processus nécessitent de l’électricité, dont la production consomme des ressources et émet le plus souvent du CO2 ». Le visionnage de vidéos en ligne a généré en 2018 306 millions de tonnes de CO2, soit autant de gaz à effet de serre que l’Espagne, ou près de 1 % des émissions mondiales. Rappelons que la vidéo est un support d’informations dense : « 10 heures de film haute définition, c’est davantage de données que l’intégralité des articles en anglais de Wikipédia en format texte » indique le think tank. L’enquête a également calculé que les services de vidéo à la demande (VOD) disponibles sur les plateformes de type Netflix et Amazon Prime représentent 34 % de la vidéo en ligne, 20 % du flux total des données et 7 % du total des émissions de GES dues au numérique. Pour être parfaitement parlant, le think tank indique que cela équivaut à celles d’un pays comme le Chili (plus de 100 Mt CO2 eq/an, soit près de 0,3 % des émissions mondiales).

L’enquête met aussi en cause les vidéos pornographiques en ligne, hébergées sur des plateformes de streaming de type Pornhub, YouPorn, Xvidéo, etc. Elles représentent 27 % de la vidéo en ligne, 16 % du flux total des données et 5 % du total des émissions de GES dues au numérique, « soit 82 millions de tonnes de CO2 par an, l’équivalent du bâtiment en France ».

Les « Tubes », les vidéos hébergées sur les plateformes de streaming de contenus divers tout public (dominé à 95 % pat Youtube) représentent 21 % de la vidéo en ligne, 13 % du flux total des données et 4 % des émissions de GES dues au numérique. Enfin, les « autres » vidéos hébergées par les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat, etc.) et d’autres encore vidéos (petits services de streaming ou celles hébergés directement sur un site), elles représentent 18 % de la vidéo en ligne, 11 % du flux total des données et 4 % des GES.

Face à un constat implacable, The Shift Project milite pour la mise en œuvre d’une « sobriété numérique » qui vise à rendre le système numérique « résilient ». Pour cela, explique-t-il, il s’agit de faire des choix individuels et collectifs, comme par exemple limiter sa consommation de vidéos qui constituent, rappelons-le, 80 % du trafic internet ou ne changer son smartphone tous les trois ans plutôt que chaque année. Il est également demandé aux pouvoirs publics de mener des campagnes de sensibilisation sur le sujet comme cela se fait pour le tabac. 


* Le terme « vidéo en ligne » désigne dans cette étude une part des flux de données vidéo, correspondant aux usages dits « à la demande » : il s’agit de fichiers vidéo accessibles via les serveurs d’une plateforme de diffusion (type YouTube, Netflix etc.) ou des circuits de diffusion directe (bouquets opérateurs, etc.) sans que le fichier ne soit téléchargé de manière définitive.


15 000 km c’est la distance moyenne parcourue par une donnée numérique (mail, téléchargement, vidéo, requête web…)
En 1 heure dans le monde, on estime que sont échangés, 8 à 10 milliards d’emails (hors spam).
Parmi les émissions de gaz à effet de serre générées par le numérique, 25 % sont dues aux Data Centers, 28 % aux infrastructures, et 47 % aux équipements des consommateurs.
En France, dans une entreprise de 100 personnes, chaque collaborateur traite en moyenne 91 emails par jour. Parmi eux, il en envoie 33.
Si chacun de ces 33 emails pèse 1 MO et est destiné à 2 personnes, « alors chaque collaborateur émet en un an autant de CO2 que s’il parcourait 1000 km avec sa voiture, soit 108 kg de CO2 » estime l’Ademe.
Multiplier par 10 le nombre des destinataires d’un mail multiplie par 4 son impact.
© Ademe

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