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Le retour à la consigne : un big-bang dans nos poubelles

Le projet de loi instaure un dispositif de consigne. Les conditions d’application, les produits concernés, les modalités de gestion de la consigne et d’information du consommateur devront être précisés par décret. Même si des groupes de travail ont déjà rendu leurs conclusions sur lesquelles Brune Poirson s’appuie pour défendre sa mesure controversée, le débat reste ouvert puisque rien n’a vraiment été décidé.

Une consigne est une somme d’argent consignée à l’achat que le consommateur récupère s’il rapporte le produit dans le système de collecte prévu. Le montant qu’il percevra sera indiqué sur son produit et sera fixé par les pouvoirs publics après concertation (on parle de 10 à 15 centimes par bouteille).

En juin, Brune Poirson a instauré le comité de pilotage de la consigne composé d’élus, de représentants de collectivités locales (AMF, Amorce, CNR) et de l’Etat, d’ONG environnementales (WWF, ZéroWaste, Surfrider), de fabricants de produit (collectif Boissons), d’éco-organismes (Citeo, InterEmballage), de recycleurs (Federec). Co-présidé par Jacques Vernier, il a la charge de déterminer les matériaux concernés et d’explorer les conditions et les modalités de mise en œuvre de la consigne en France. Le comité a pu s’appuyer sur une étude d’impact achevée en juin qui avait été confiée aux industriels du « collectif boissons » avec le concours de Citeo.

Dans un pré-rapport, rendu le 11 septembre dernier, le comité précise que pour répondre à l’objectif de 90 % de collecte imposé par l’Union européenne, la consigne devra concerner en priorité les bouteilles en plastique et notamment celles en PET. L’extension aux canettes en acier ou en aluminium, dont le taux de recyclage est faible (30 %) a également été proposée par le Collectif boissons. En revanche, verre et briques en carton font encore débat. Jacques Vernier propose de favoriser le développement de la consigne pour réemploi, notamment celui du verre, grâce à des taux de réemploi minimum pour les industriels, et de soumettre à une consigne pour recyclage les bouteilles en plastique, les cannettes en métal et les briques en carton. Le problème se pose du traitement inégalitaire des différents matériaux d’emballage qui pourrait avoir des incidences sur la consommation mais permettrait une meilleure qualité de tri. L’enjeu majeur étant d’éviter un surcoût disproportionné du nouveau système qui nécessitera inévitablement des investissements majeurs pour installer ces nouveaux points de collecte. Le Ministère a d’ores et déjà proposé une étude de l’impact financier de la consigne pour les collectivités. Pour ses défenseurs cette version modernisée de la consigne permettrait de renforcer le taux de collecte triée qui stagne en France (à la différence de nos voisins européens).

Les Sénateurs vent debout contre la consigne pour recyclage

Les Sénateurs, à la demande du rapporteur du texte Marta de Cidrac, n’ont pas supprimé la consigne du projet de loi voté en première lecture. Pour « laisser la porte ouverte à des innovations » ils ont conservé la consigne pour le réemploi et la réutilisation en la supprimant pour le recyclage, la transformant donc en une consigne « plus vertueuse sur le plan environnemental et qui correspond à la conception de la consigne voulue par les Français ». Pour mieux collecter l’ensemble des déchets plastiques, la Commission du développement durable a proposé de mobiliser un panel d’instruments, telles l’extension des consignes de tri, l’amélioration de la collecte hors foyer, ou encore la tarification incitative.

Reste que pour eux, la consigne pour recyclage est un non-sens environnemental qui, au lieu de s’attacher à réduire drastiquement la production de plastique, risquerait « d’entretenir la consommation des bouteilles à usage unique, en verdissant l’image de ce produit ». Peu convaincus par l’étude d’impact utilisée par le gouvernement qu’ils considèrent provenir des lobbys, ils ont ajouté une réserve à la mise en place de la consigne : « que le bilan environnemental global de cette obligation soit positif [et que] Le déploiement sur le territoire de ces dispositifs de consigne s’accompagne obligatoirement d’une étude d’impact et d’une concertation préalable de tous les acteurs concernés. »

Derrière ce débat se pose surtout la question du financement du service public de la collecte des déchets dans lequel ont beaucoup investi les collectivités. « La consigne pour recyclage telle qu’envisagée par le Gouvernement consiste à mettre en place un système parallèle de collecte au bénéfice des vendeurs de boissons et au détriment des finances des collectivités » déplore par exemple le Sénateur Joël Bigot. Et pour son collègue Alain Duran « ce choix va mettre en difficulté nos collectivités en les privant d’une recette non négligeable ».

La question est donc de savoir comment sécuriser le financement de la collecte par les collectivités tout en trouvant des ressources pour mettre en place la consigne.

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