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L’emploi des seniors : un enjeu stratégique pour l’équilibre de notre futur système de retraite

Par Corinne Vignon, Députée de Haute-Garonne

L’évolution de l’espérance de vie, l’allongement de la durée passée en retraite, l’entrée plus tardive sur le marché du travail en raison d’études plus longues reculent le départ à la retraite des Français. Une tendance qui, selon le Conseil d’orientation des retraites, devrait s’accentuer : l’âge moyen de départ à la retraite devrait se situer autour de 64 ans d’ici la fin des années 2030, contre 61 ans et 10 mois aujourd’hui.

Pourtant, l’emploi des séniors reste plus faible en France que chez nos voisins européens. Sur dix Français de 60 ans, quatre sont en emploi, trois sont en retraite et trois sont au chômage ou inactifs. L’emploi des seniors est donc un véritable enjeu de la réforme des retraites en construction.

Comment expliquer le difficile maintien dans l’emploi des seniors ?

La discrimination liée à l’âge est fréquente dans les entreprises qui ont tendance à pousser vers la sortie les salariés à partir d’un certain âge. La rémunération élevée de ces employés qualifiés en est un des facteurs. Mais certains préjugés persistent dans l’esprit des employeurs et des travailleurs eux-mêmes : manque de souplesse et de dynamisme, faible créativité, résistance au changement… La culture du jeunisme en entreprises pénalise les seniors au détriment du transfert de connaissances et de la valorisation de l’expérience.

Or, une fois au chômage, il est plus difficile pour les personnes de plus de 55 ans (voire 50 ans) de retrouver un emploi. Le coût de leur licenciement est assuré par la solidarité nationale puisque nombre d’entre eux perçoivent une allocation chômage jusqu’à leur âge de départ à la retraite.

La réforme des retraites est donc l’occasion de se saisir véritablement de la question du maintien ou retour en emploi des seniors.

Comment mieux protéger les seniors dans l’emploi ?

Dans le cadre de la restitution de mon groupe de travail transpartisan sur la réforme des retraites, j’ai formulé plusieurs propositions susceptibles d’alimenter le débat national sur cette question.

L’une d’entre elles consiste à instaurer un système de bonus-malus, modulé selon la taille de l’entreprise, pour encourager l’embauche des séniors et internaliser l’externalité négative liée à leur licenciement. Ainsi, les cotisations d’assurance chômage d’une entreprise embauchant un salarié de plus de 55 ans seraient allégées, et, à l’inverse, le coût de la mise hors emploi d’un salarié de plus de 55 ans serait alourdi par une contribution supplémentaire.

L’objectif de cette proposition est de responsabiliser les entreprises au coût engendré par la remise sur le marché de l’emploi des seniors. Contrairement à la contribution Delalande, qui obligeait les entreprises à verser à l’Unedic une cotisation égale à 3 mois de salaire brut pour le licenciement économique d’un salarié âgé de plus de 50 ans, cette mesure permettra de récompenser les entreprises embauchant des seniors.

Pour lutter contre le chômage de longue durée des plus de 55 ans, je propose également de faciliter la transition entre l’emploi et la retraite. La retraite progressive permet ainsi de réduire la durée d’activité en contrepartie d’une liquidation provisoire de la retraite. En élargissant son accès à trois ans avant l’âge légal de départ à la retraite, elle permettrait aux salariés d’être moins exposés aux contraintes liées à leur emploi tout en gardant le lien social généré par le travail et en assurant la transmission de leurs connaissances aux salariés « plus jeunes ». Seulement 13 400 actifs y ont recours aujourd’hui. Nous devons davantage sensibiliser employeurs et salariés à ce dispositif.

Nous souhaitons inciter les Français à travailler plus longtemps afin d’assurer la pérennité de notre modèle social : donnons-en leur la possibilité en changeant collectivement notre regard sur les seniors. 

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